Chapitre 9 : Axelle

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      Il rentre aux alentours de quatorze heures. Je le sais car la porte d'entrée au rez-de-chaussée claque bruyamment et que je l'aperçois en sortant précipitamment de chez moi, grimpant mollement les marches de l'escalier en métal. Il est vêtu d'un costume noir très élégant qu'il a dû trouver je ne sais où, et cela me surprend beaucoup, lui qui porte tout le temps un pull à capuche et un jean trop grand. Il lève la tête vers moi et j'affiche un radieux sourire qu'il me rend aussitôt. Il s'approche à grand pas et lance un salut enjoué. C'est alors que j'entends un horrible bruit venant de son ventre.

     - Vous n'avez pas mangé ! m'exclamé-je.

     - C'est vrai, balbutie-t-il en se tenant honteusement l'estomac.

     J'ai toujours été très protectrice et très attentionnée. On me dit souvent que les plats que je cuisine sont excellents, alors pourquoi ne pas l'inviter ?

     - Venez, je vais vous préparer la meilleure omelette que vous n'ayez jamais mangée.

     Il s'apprête à décliner mon offre, mais j'ouvre la porte de mon appartement et l'invite aimablement à entrer. Il sourit timidement et pénètre chez moi. Je l'installe confortablement devant ma table rectangulaire et m'active plus loin dans ma petite cuisine. Je le vois regarder sur les côtés pour essayer d'apercevoir le festin qui l'attend, mais je l'empêche de tricher en me déplaçant sans arrêt et en riant.

     On entend plus que les bruits de poêle et de couverts dans la pièce. Aucun de nous deux ne sait quoi dire. Quand je suis toute seule et que je prépare à manger, il m'arrive de fredonner quelques fois ou d'allumer la radio, mais en présence de Michael je n'ose pas. Il n'a pas l'air de s'impatienter, ce qui me met à l'aise, et je demande alors tout en faisant cuire les œufs :

     - Quel est votre métier ?

     Je vais surement enfin savoir pourquoi il rentre à des heures aussi bizarres et pourquoi il a mis un costume particulièrement aujourd'hui.

     - Je fais des petits boulots, par-ci par-là, répond-t-il précipitamment. Il n'y a pas un métier qui m'attire plus que les autres, alors j'aime bien varier chaque jour.

     J'hoche la tête sans savoir quoi répondre et il me retourne la question. Je souris et me retourne vers lui en répondant :

     - Je travaille dans un restaurant.

     Il hausse les sourcils et un large sourire vient étirer ses lèvres :

     - J'ai bien fait d'accepter votre invitation, l'odeur que dégage votre cuisine m'attire énormément.

     Je ris et dispose une assiette et des couverts devant lui tandis que l'omelette finit de cuire. Penché devant lui, je sens son regard qui ne me quitte pas, et je rougis en m'écartant rapidement.

     - Tu, euh... vous, enfin, je crois que c'est prêt.

      Il m'arrive rarement de bafouiller devant quelqu'un, alors, me sentant tout à coup ridicule, je dépose la grosse omelette dans l'assiette de Michael et me retourne en lui montrant mon dos.

     - Et si nous nous tutoyions ? demande-t-il timidement en faisant tinter ses couverts.

     Je crois que c'est à cet instant que j'ai craqué. Il parait tellement fragile et sensible, il est attentionné, altruiste, beau et timide. Je sais que je ne connais peut être pas encore ses défauts, mais il est pour l'instant parfait pour moi. Je fais volte-face et dis d'un ton un peu coincé :

     - Très bonne idée...Michael.

     - Parfait, répond-t-il, alors présentons-nous pour en apprendre plus l'un sur l'autre.

     Je m'assois rapidement en face de lui et il pose ses coudes sur la table pour soutenir sa tête avec ses mains. Je pousse alors un cri. Son avant bras est tâché de sang, et il ne s'en est même pas rendu compte. Il pose son regard à son tour sur sa chemise blanche imbibée du liquide rouge, et il blêmit.

     - Que t'es tu fais ? m'exclamé-je en me levant d'un bond.

     - Je me suis coupé, et la blessure s'est rouverte.

     Il dit ça sur un ton serein alors que je sens déjà la panique me submerger. Face à des situations graves ou compliquées, il m'arrive souvent de gesticuler dans tous les sens en haussant la voix et en parlant d'un ton sec et très rapide. Je m'approche de lui et soulève sa manche pour observer les dégâts :

     - Avec quoi t'es tu coupé ?

     - Avec un bout de métal pointu.

     Je remarque que sa blessure est déjà entourée d'un bandage grossier et mal attaché n'arrêtant pas du tout l'hémorragie.

     - Mais cela risque de s'infecter !

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