Chapitre 44 : Michael

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Nous tendons les invitations que nous avons volées aux cadavres, au garde à l'entrée de la villa. Il acquiesce, et nous rend les morceaux de papiers avant de nous laisser passer. La jeune femme, a qui la robe va superbement bien, s'accroche au bras de Manoé comme s'ils étaient un véritable couple qui se rend à une fête. Je reste près d'Octave en faisant un incroyable effort pour me tenir droit et sourire, mais le rapprochement entre notre chef et le médecin m'agace sans que je sache pourquoi. Nous poussons la lourde porte en verre pour entrer dans un immense ascenseur qui nous mène à l'étage supérieur où se déroule la fête. Un bon nombre de personnes nous dévisage, mais plus particulièrement la jeune femme blonde qui a gardé son masque sur les yeux bien évidemment. Je regarde devant moi en m'adossant aux parois en verre de l'ascenseur qui monte lentement. Le béton défile un moment devant mes yeux, puis la forêt apparaît soudainement avec ses grands arbres feuillus qui abritent sans que personne ne le sache, quatre cadavres qui auraient dû se rendre à la fête.

La machine s'arrête. Les portes s'ouvrent derrière moi et je fais volte-face pour entrer dans l'immense pièce. La musique pénètre dans mes oreilles, les lumières colorées me font cligner des yeux, et je sais qu'à présent, on ne peut plus faire demi-tour.

Notre plan est ficelé. Le mieux serait de tuer discrètement le tyran et partir ni vu ni connu sans que personne ne s'en aperçoive. Pour cela, il faut déjà le trouver. Ensuite, notre supérieure se chargera de l'attirer hors de la salle où a lieue la fête, et de le poignarder silencieusement avant de déguerpir. Si cela tourne mal, les soldats qui sont toujours cachés dans la forêt débarqueront pour nous prêter main forte. Dans le tumulte des personnes qui voudront s'enfuir, nous aurons plus de chances de passer inaperçu et de disparaître dans la nuit.

Nous tournons parmi les invités depuis une bonne demi-heure déjà sans trouver la moindre trace du dictateur. Je m'appuie contre un mur, lassé, et observe de loin notre chef qui s'est installée au bar et qui attend surement un verre. Un homme s'approche alors près d'elle. Je ne vois que son dos mais les gens autour de lui semblent se tasser, parler moins fort et lui lancer des regards un peu inquiets. C'est surement lui. Vu sa carrure, il ne doit pas avoir plus de trente ans, ses cheveux sont noirs, comme sur les affiches et il semble très à l'aise. La jeune femme tourne la tête dans sa direction tandis que je me fraye un chemin parmi la foule qui rie et discute un verre à pied à la main. Je ne suis qu'à quelques mètres d'eux et je vois très bien que notre homme ne la remarque même pas. Elle est sur le point d'engager une discussion mais il s'éloigne alors après avoir attrapé gracieusement un verre d'alcool. Je prends sa place et nous le regardons s'éloigner. La jeune femme soupire et triture son verre qu'elle ne boit pas. Je suppose qu'elle préfère garder toute sa lucidité. Nos regards se croisent et elle chuchote :

- Il va falloir trouver une méthode plus efficace pour l'aborder.

- Où va-t-il ? lui demandé-je.

- Je crois qu'il se dirige vers les toilettes.

Je me tourne dans la direction qu'elle m'indique et le vois effectivement disparaître derrière la porte blanche. Manoé nous rejoins alors et marmonne :

- Vous le voyez ?

- Il est aux toilettes, soupiré-je.

Octave arrive à son tour et nous informe :

- Il y a pas mal de fenêtres. Si jamais ça tourne mal, on pourra  facilement faire signe aux gars qui attendent dehors.

Nous hochons mécaniquement la tête et redirigeons notre regard vers la porte des cabinets.

- Allez-y, incite Manoé en s'adressant à notre chef, s'il est seul, vous vous retrouverez uniquement tous les deux.

Elle semble réfléchir, puis hausse les épaules en marmonnant :

- Je peux tenter, mais je ne suis sûre de rien.

Elle me fait signe de l'accompagner et je lui lance alors un regard interrogateur. Elle lève les yeux au plafond et attrape la manche de mon costume pour m'obliger à la suivre. Nous entrons ensemble silencieusement dans la pièce et tendons l'oreille. Il n'y a aucun bruit. Peut être est-il déjà parti ? Elle m'entraine du côté des femmes et j'ouvre la bouche pour protester mais elle me fait signe de me taire en plaçant un doigt sur sa bouche.

Mon cerveau tourne à plein régime. Il nous faut une idée pour que le dictateur remarque enfin la jeune femme. Après pour le séduire, je pense qu'elle n'aura pas trop de mal. Elle s'appuie sur le rebord du lavabo en y plaçant ses deux mains et se plonge également dans ses réflexions. Au bout d'un moment, nous entendons le bruit d'une chasse d'eau. Elle lève brusquement la tête et me fait part de son idée :

- Partez, je vais lui faire croire que je ne me sens pas bien.

- Pardon ? demandé-je incrédule.

- Je vais essayer de faire semblant de m'évanouir dans ses bras ou quelque chose comme ça mais il faut que je sois seule.

Double {Terminé} Where stories live. Discover now