Chapitre 31 : Michael

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Nous arrivons dans la ville la plus proche, plus morte et silencieuse que toutes les autres villes que nous avons pu visiter. Les ouvriers qui sont présents depuis un bon bout de temps déjà dans cet état nous ont attendus près de la frontière en sachant que l'opération aurait lieu aujourd'hui. Ils nous guident depuis une bonne heure à travers les quartiers silencieux et éteints et nous amènent vers les vieux quartiers, encore plus délabrés et plus étendus que ceux que nous venons de quitter. Nous les traversons, en marchant prudemment et lentement et il nous faut au moins une demi-heure pour en atteindre le centre. C'est là qu'est situé notre nouveau quartier général. Le grand immeuble d'une dizaine d'étage qui a été rénové et aménagé pour nous y accueillir. C'est ici que commence notre nouvelle vie. Sans souterrain, sans métro, et sans Axelle.

Après avoir fait le tour du bâtiment où à été construite une salle de réunion, une salle d'entrainement, et bien d'autres endroits encore, je me dirige vers mon nouvel appartement en plein cœur de la ville. Tout ce que je veux c'est une douche bien chaude, et un lit bien douillet pour commencer la nuit qui m'a été enlevée. Mais je sais très bien qu'après un événement comme celui-ci, je ne pourrai pas dormir pendant au moins deux jours.

Les images des cadavres me hantent et cette question, toujours cette même question ne veut pas s'enlever de mon esprit. Elle est gravée, gravée à jamais. Pourquoi pas moi ?  Pourquoi des gens sont morts, et pas moi ? Nos chances de se faire tuer étaient égales non ? Alors pourquoi ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?

Je jette mon petit sac en toile sur mon lit après que l'on m'ait remis les clés de mon nouveau chez moi. J'entreprends de le vider sans même avoir inspecté les lieux. Je n'ai emporté que très peu de choses. Quelques vêtements, des souvenirs, mais sans plus. Karl m'a remis une bonne somme d'argent juste avant que je ne le quitte. De quoi me faire vivre convenablement durant notre séjour ici. Je balance par terre mes habits couverts de sang, de ronces et de poussière et fait couler lentement l'eau de la douche. Ce court moment de bonheur me fait presque oublier tout mes tourments, mais ce n'est que provisoire. Lorsque je sors, je constate qu'il n'y a aucune serviette nulle part. Je hausse les épaules. De toute façon je suis seul ici, pas la peine de me cacher, et pour me sécher, je peux utiliser un tee-shirt propre que j'étendrai ensuite sur le balcon. Je pousse la porte de la petite salle de bain pour en attraper un, et ce que je vois en levant la tête me fait sursauter. Une jeune femme se tient devant moi, elle a la tête dans les épaules et son regard se pose à son tour sur moi. Nous hurlons tous les deux en même temps. Elle s'empresse de détourner le regard et je rentre alors brusquement dans la salle de bain en claquant la porte.

Je suis en train de rêver. La jeune femme je la connais, je la connais très bien même. Il m'a vraiment semblé qu'il s'agissait d'Axelle. Mais c'est impossible. Comme je n'entends plus aucun bruit, je me dis que la fatigue a certainement dû me faire délirer. Je m'assure quand même que je suis seul :

- Il y a quelqu'un ?

- Oui, c'est moi, me répond une faible voix.

Je me tape le front avec la paume de ma main. Suis-je vraiment exténué à ce point pour également entendre des voix ?

- Axelle ? demandé-je prudemment.

- Oui.

- C'est vraiment toi ?

- Oui.

- Comment est-ce possible ?

Elle ne me répond pas tout de suite, mais je l'entends ensuite murmurer honteusement :

- Michael, tu peux mettre des habits s'il te plait ?

Je me frappe à nouveau le font et sens mes oreilles chauffer.

- Euh, oui...balbutié-je, tu peux me passer mon sac s'il te plait ?

Elle est assise, juste à côté de moi, le regard innocent. Je n'arrive pas à la regarder dans les yeux après ce qu'il vient de se passer. Je serre les poings et me décide à parler :

- Comment t'es tu retrouvée ici ?

- Je vous ai suivi, répond-t-elle simplement.

- Tu as traversé la frontière ?

- Oui.

- Comment ?

- Comme vous.

- C'est-à-dire ?

Elle hésite, gesticule nerveusement et porte une main à sa taille comme si elle voulait cacher quelque chose, puis elle articule enfin :

- Vous avez attiré tous les soldats d'un côté, je n'avais qu'à passer par le côté opposé. C'était facile, il n'y avait plus personne.

- Tu as escaladé le mur ?

- Oui.

- Mais comment ?

- Comme vous.

Je pose mon coude sur mon genou et soutient ma tête grâce à ma main. Je soupire encore une fois et je vois qu'elle me tend quelque chose. Ma lettre, froissée et cornée, mais toujours lisible. Je lui arrache des mains et entreprends de la déchirer en minuscules morceaux pour que plus personne ne puisse la déchiffrer :

- Oh Michael, une si belle lettre...

Je sens une immense colère grandir en moi. Je devrais être heureux de la revoir, mais pas dans ces circonstances :

- Mais c'est à cause de ça que tu as pris autant de risques ! Cette maudite lettre aurait pu te tuer !

Axelle sursaute faiblement et son regard se rempli de chagrin. J'aimerais la réconforter, mais c'est plus fort que moi. Je ne veux pas la mettre encore en danger, il faut que nos chemins se séparent.

- Mais je l'ai fait pour toi...minaude-t-elle.

Je laisse tomber les fragments du morceau de papier par terre et l'attrape par le bras pour la relever :

- Mais, et ta famille ? Le restaurant ?

- J'ai tout laissé tomber pour te suivre.

Je suis profondément touché par ses paroles, mais je ne dois pas me laisser attendrir :

- Ecoute Axelle, tu ne peux pas rester avec moi. Tu as vu la vie infernale que je mène ? Tu ne voudrais pas de ça...

- Si puisque je suis avec toi !

Son petit air de révolte me fait presque sourire et je l'attire vers moi :

- Moi aussi j'aimerais rester auprès de toi, mais il est hors de question de t'embarquer dans mes affaires dangereuses.

- Je m'en fiche ! s'exclame-t-elle, je resterai avec toi quoi qu'il arrive. Emmène-moi avec toi partout où tu iras, je te suivrais. 

Je suis résigné. Cette fille est vraiment têtue, mais tellement attachante ! Je hoche la tête tandis qu'un sourire vient élargir ses lèvres. Après un petit moment de silence durant lequel nos regards ne se quittent pas, elle articule enfin :

- Michael.

- Oui ?

- Je n'ai pas de logement...

Nous pouffons tous les deux nerveusement et je balbutie l'idée qu'elle avait surement en tête depuis le début :

- Tu veux vivre ici avec moi ? C'est assez grand pour deux...

- Oh oui ! Si tu insistes...

Double {Terminé} Où les histoires vivent. Découvrez maintenant