Chapitre 55 : Michael

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     Ma dernière soirée avec Axelle fut merveilleuse. Je dis bien la dernière, car je dois partir, il est évident que pour le bien de tous, je ne peux plus rester ici. Je n'ai pas répondu à sa question, car je n'aime pas mentir. Entrer dans cette organisation a été la pire chose que j'ai faite dans ma vie. Peut être m'a-t-elle permis de rencontrer Axelle, mais si je n'avais jamais rencontré cette fille, je n'aurai jamais ressenti une telle tristesse en sachant que j'allais devoir l'abandonner. Pourquoi est ce que je veux m'en aller ? Parce qu'on ne peut faire confiance à personne. C'est une des raisons aujourd'hui qui me pousse à changer de vie, définitivement. Manoé était mon ami, j'avais confiance en lui, et je me rends compte maintenant que ce n'est qu'un assassin sans cœur. Il ne vaut pas mieux que les autres. L'organisation dans laquelle je me suis engagé est vouée à l'échec. Tuer, déménager, encore tuer, et déménager ne rime à rien. Nous avons fait du mal, j'ai fais du mal, pendant de très nombreuses années. On ne peut pas combattre un régime politique puissant en tuant tout le monde. Il y aura toujours des remplaçants, toujours.

     Donc premièrement, nos actions n'ont servit à rien, mais elles ont causé un nombre incalculable de morts, depuis déjà une dizaine d'années. Octave aurait peut être été d'accord avec moi, nous aurions pu partir ensemble, mais Octave est mort. Si Octave était resté chez lui, avec sa famille durant ces dix dernières années, peut être qu'il vivrait paisiblement. La vie n'est pas injuste, elle est très juste. Octave a fait du mal lui aussi, il a payé. J'ai aussi fait de nombreuses victimes, mais c'est lui que la Mort a choisi. Le dictateur de l'autre soir avait surement fait du mal, il a payé, mais la vie doit être juste dans d'autres cas.

     Pourquoi ne pas lutter pacifiquement ? Pourquoi tuer et tuer encore, alors que d'autres solutions peuvent être trouvées ? Pourquoi ne pas rallier plus de monde à nous, et faire comprendre aux régimes totalitaires que leurs restrictions ne nous atteignent pas ? Je ne me fais pas trop d'illusions quant à la réussite de ce projet, mais les dictateurs ne tiennent jamais très longtemps. La démocratie finit toujours par revenir et triompher.

     Mais pour que ce projet, déjà, se mette en place, il nous faut comprendre un certain nombre de choses. Et c'est donc en quittant cette organisation violente et irréfléchie, que je fais un pas de plus vers cette lutte pacifique que nous pourrions mener.

     Je suis peut être un lâche ou un égoïste, mais je sais que je n'arriverai pas à faire entendre raison aux membres de notre groupe. Ils sont entêtés depuis de nombreuses années, et ne changeront pas d'avis. Et puis ce n'est pas comme si je n'avais jamais essayé. Karl est une vraie tête de mule, je préfère retenter ma chance dans d'autres endroits.

     Comment vais-je y arriver ? Je n'en ai aucune idée. Peut être que dans quelques jours, j'aurai abandonné cette idée et que je reviendrai bien sagement toquer à la porte du quartier général de notre organisation. Mais personne ne sait ce que l'avenir nous réserve.

     Je ne peux pas emmener Axelle avec moi. Je lui ai déjà causé beaucoup trop de soucis et je ne suis pas assez bien pour elle. Elle était cependant parfaite pour moi, mais je dois me faire une raison. Il faut que je la protège si je l'aime vraiment.

     J'ai profité des tous derniers instants que je pouvais partager avec elle, mais maintenant c'est finit. L'aube pointe à peine, je suis exténué, mais c'est le moment de partir. Cette fois je ne laisse ni message, ni lettre, ni affaires. Il serait trop dur pour moi de faire à nouveau un message d'adieu à mon amie.

     Elle dort paisiblement, me tournant le dos, enroulée dans son drap blanc. Je me prépare en vitesse, lui lance un dernier regard, puis ferme la porte de mon appartement, pour la dernière fois.

     Je prends une grande inspiration pour empêcher mes larmes de couler, et sors dans la rue d'un pas rapide. Je sais très bien où je veux aller. Je veux revoir ma mère. Je l'ai abandonnée pendant trop longtemps. Il faut que je rattrape le temps perdu. J'ai eu la chance d'avoir une famille, et je n'en ai même pas profité. Elle me manque tellement que je suis prêt à faire n'importe quoi pour aller la retrouver sur le champ.

     Comme traverser la frontière, seul, en pleine journée.

Double {Terminé} Where stories live. Discover now