Chapitre 47 : Michael

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Nous nous levons d'un bond avec Octave et rejoignons nos camarades devant la fenêtre. Manoé passe le premier, sur ordre de notre supérieure, tandis que je continue de nous couvrir en tirant dans le tas. Le sol est recouvert d'un tapis de sang et de cadavres, le bruit des cris, des tirs et des chutes bourdonnent dans mes oreilles et j'aperçois bien trop tard, le soldat qui pointe son arme dans ma direction.

Le temps est alors comme suspendu, ralenti. J'ai presque le temps d'apercevoir la balle qui file vers ma poitrine mais je réagis trop tard pour dissuader mon ami de s'interposer. La balle transperce un crâne et du sang jaillit, mais ce n'est pas le mien. Octave tombe sur le côté tandis que j'abats le soldat d'une seule balle dans le cou. Je tourne la tête et lance un regard effaré au corps sans vie de mon meilleur ami. On m'attrape par le bras et on me force à passer la tête dans l'ouverture de la fenêtre. L'air frais s'engouffre dans mon nez et mes oreilles et je manque de m'écrouler mais Manoé m'attrape par le col et me fait revenir à la réalité :

- Michael ! Vite il faut partir !

- Octave...réussis-je à murmurer.

- Je suis désolé, répond la jeune femme derrière moi, mais Michael je vous en supplie avancez ou nous serons les prochains à mourir !

Je passe mécaniquement une jambe par-dessus le rebord de la fenêtre et pose prudemment mon pied sur le rebord minuscule en dessous. Je m'agrippe à l'encadrement et pose mon deuxième pied à l'extérieur. J'avance alors en crabe en m'accrochant du mieux que je peux au mur auquel je suis collé et me force à toujours regarder ma destination et pas le sol qui doit être au moins à vingt mètres sous nos pieds. Je ne sais pas si la jeune femme me suit, j'oublie tout ce qui se trouve autour de moi et hésite un instant à sauter dans le vide. J'ai moi aussi tout perdu, je n'ai plus de raison de vivre, c'est aussi ce qu'a dû se dire Octave. Il a préféré mourir en me voyant vivre plutôt que vivre en me voyant mourir. J'espère qu'il retrouvera Anna là où il est. Je ne me rends pas compte que je suis déjà devant la fenêtre d'à côté et poursuit ma route en sentant alors quelqu'un m'attraper par mon costume et me tirer à l'intérieur. Je m'écroule sur le sol et n'ai pas le courage de me relever. Je commence à sangloter faiblement et serrant les poings. Manoé s'accroupit près de moi et me tapote faiblement l'épaule en balbutiant :

- Mike, tu savais que ça pouvait arriver... il a voulu se sacrifier pour toi alors tu ne vas pas commencer à te décourager !

J'essuie négligemment les larmes qui ruissellent le long de mes joues et prends une grande inspiration pour me redonner du courage. Il n'est pas question qu'il soit mort en vain, je me morfondrai plus tard. Notre chef arrive quelques secondes plus tard, haletante et referme la fenêtre derrière elle. Il suffirait aux gardes de sortir de la pièce dans laquelle ils sont en train de se battre pour ouvrir la porte voisine et nous tirer à nouveau dessus, mais cela ne se produit pas. Les tirs commencent même à faiblir. Nous attendons, l'arme au poing, prêt à nous défendre, mais nos soldats ont l'air d'en avoir fini avec eux. La tension retombe légèrement, et je nous crois presque tirés d'affaire lorsqu'une voix faible me parvient :

- Michael...

Je fais volte face et j'ai juste le temps d'apercevoir la jeune femme tourner de l'œil et s'écrouler à mes pieds. Je n'ai pas le temps de la rattraper dans sa chute mais me précipite au dessus d'elle pour vérifier si elle est toujours en vie. Je surélève sa tête en la posant délicatement sur mes genoux et regarde sa poitrine se soulever difficilement. Elle est vivante. La grosse ceinture rouge à sa taille sur la robe et inondée de sang, sa bretelle tombe le long de son bras gauche et le bas de son habit est déchiré à de nombreux endroits. Manoé s'accroupit également à côté d'elle :

- Elle est vivante ?

- Oui, mais je me demande pourquoi elle s'est évanouie...

- Laisse-moi voir...

Mon ami porte une main à son cou pour vérifier son pouls et entreprend de déchirer sa robe à l'endroit où le sang s'écoule abondamment :

- Une balle dans le flanc...marmonne-t-il.

Je m'éloigne d'eux pour le laisser tranquillement faire son travail et monte la garde en lançant de furtifs regards à la porte ou à la fenêtre. Une idée me traverse alors l'esprit. Il serait temps d'ôter le masque de notre chef ni vu ni connu et de le replacer immédiatement pour enfin voir son vrai visage. J'ai honte d'avoir de telles pensées dans une situation pareille. Mais soudain, comme si elle voulait me répondre, elle s'éveille et marmonne faiblement :

- Si vous essayez de me retirer mon masque pendant mon moment de faiblesse je vous jure que je vous tue.

Un léger sourire étire alors mes lèvres mais je le cache à Manoé et la jeune femme qui pousse des gémissements de douleur alors qu'il l'examine en me mordant la lèvre. Mon sourire disparaît instantanément quand j'entends quelqu'un pousser un cri assourdissant dans la pièce d'à côté.

Il vient sûrement de rejoindre Octave au Royaume des Ombres...

- Il va falloir que vous appuyiez doucement sur la plaie pour atténuer l'hémorragie, mais j'ai peur que cela enfonce un peu plus la balle logé dans votre corps. Il sera alors d'autant plus difficile de l'enlever.

Double {Terminé} Where stories live. Discover now