Chapitre 37 : Axelle

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     Karl hésite, Michael se tend, puis l'homme lui désigne une forme recroquevillée dans un coin de la pièce.

     Mon ami se précipite vers lui tandis que les gens en nous voyant passer nous salue ou poussent des soupirs de soulagement en nous sachant toujours en vie. J'entends même une voix me murmurer :

     - Content de voir que vous allez bien.

     Je fais un petit sourire à Manoé que je n'avais même pas vu, accroupi au sol en train de soigner un maximum de blessés.

     Michael s'est assis près de son ami et je me joins à eux en gardant tout de même mes distances pour ne pas les déranger.

     - Octave ça va ?

     L'intéressé ne répond pas. Il a le regard perdu au loin et ne semble même pas l'entendre. Michael lui passe une main dans le dos et continue :

     - Octave ? C'est Michael. Dis-moi, tout va bien ?

     Le grand jeune homme couvert de sang séché renifle bruyamment mais ne parle toujours pas. Il a l'air traumatisé et abattu. Michael ne perd pas courage et poursuit ses appels avec la même douceur dans la voix :

     - Où est Anna ?

     Je balaie la pièce du regard, mais je ne l'aperçois pas. Mon attention se porte à nouveau sur Octave qui s'est crispé et qui tend sa main vers un drap blanc. Je retiens ma respiration mais je n'ai même pas le temps de fermer les yeux que j'aperçois le visage sans vie de la jeune femme. Son teint est pâle, cadavérique, ses paupières ont été fermées et ses cheveux trempés de sang sont collés sur son visage. Je porte une main à ma bouche pour m'empêcher de crier ou de vomir, je ne sais pas, et je me recule lentement.

     J'aimerais partir de cet endroit, maintenant. Je voudrais à nouveau tout oublier mais j'ai juré à Michael de le suivre partout où il irait. Et l'abandonner maintenant dans ces circonstances serait abominable de ma part. Alors je m'efface, je me colle contre le mur le plus éloigné de la jeune fille souriante a qui j'ai parlé la veille, et qui est maintenant enroulé dans un drap. Je fais glisser mon dos contre la surface lisse et me laisse tomber à terre en attendant la suite des événements.

     Karl se met au milieu de la foule dense et lève les bras au ciel pour que l'attention soit uniquement portée sur lui et que les moindres murmures ou gémissements cessent. Il se racle la gorge et articule en haussant la voix :

     - Nous ne sommes plus en sécurité dans cet état. Néanmoins, nous n'allons quand même pas abandonner notre mission principale. C'est pourquoi l'attaque aura lieue demain soir.

     Les murmures reprirent, des exclamations fusèrent même mais Karl n'y prêta pas attention. Il haussa un peu plus le ton pour couvrir les reproches :

     - Le chef a approuvé cette idée en la qualifiant d'excellente. Etant donné que je ne suis pas apte à diriger une mission pareille, c'est lui-même qui prendra la directive de cette opération.

     Il y eu tout à coup un silence de mort. Qu'est ce que leur chef pouvait bien avoir de si angoissant ? Me voyant déconcertée, une femme se glissa vers moi et murmura :

     - On n'a jamais vu la tête de notre chef. On sait qu'il existe grâce à Karl qui communique régulièrement avec lui, mais personne n'a jamais vu son visage ou entendu sa voix.

     J'écarquille les yeux mais n'ajoute rien car Karl continue de parler :

     - A cause des malheureux événements de la veille, nous avons de nombreux blessés et déplorons de nombreux morts. C'est pourquoi je vais annoncer qui participera à cette mission et qui n'y participera p...

     - Et tout cela à cause qui ? rugit une voix grave.

     Michael sursaute au fond de la salle, car son ami vient de se redresser et d'ouvrir la bouche. Il parait furieux. La haine qui l'anime est puissante car il a les sourcils froncés, la mâchoire et les poings crispés, et ses yeux lancent des éclairs. Karl soupire et commence :

     - Octave, c'était une grave erreur certes, de faire confiance à ces gens, mais Laszlo ne l'a pas fait exprès, tu le sais bien.

     - Pourquoi avoir envoyé un espion débutant pour cette mission ? s'emporte Octave.

     Je reconnais vite le prénommé Laszlo, qui se tasse à l'autre bout de la pièce, et se cache entre ses camarades, ne laissant visible que sa tignasse blonde.

     - Octave calme toi ce n'est pas le moment de crier...

     Michael essaie tant bien que mal de le raisonner mais c'est définitivement peine perdue. Le jeune homme est sous le choc et son deuil risque d'être très difficile.

     - C'est facile pour toi de dire cela ! Ta mère est encore en vie et ta copine est assise tranquillement dans un coin de la pièce ! J'ai tout perdu ! Et c'est en partie à cause de cet imbécile !

     Octave pointe du doigt Laszlo qui étouffe un petit cri plaintif en se cachant les yeux. Le jeune homme ne se laisse pas attendrir par ses sanglots et enjambe l'assemblée pour parvenir à sa hauteur et l'attraper par le col de son habit :

     - Toi tu vas payer...

     Il lève son poing en direction du visage du malheureux mais Karl bondit sur lui en sachant qu'il est à présent inutile de le raisonner avec des mots. L'agresseur se débat et un combat acharné se met en place. Certains sont du côté d'Octave, et les autres soutiennent Karl et Laszlo. Michael se fraye un chemin dans la foule déchainée et je n'attends pas qu'il me rejoigne pour lui faire un signe en direction de la porte. Le jeune homme comprend qu'il est temps pour moi de m'en aller et je descends précipitamment les escaliers en ayant vu pour la dernière fois la mine effarée de Michael qui s'efforçait de calmer ses camarades en colère.  

Double {Terminé} Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang