Chapitre 84 : Michael

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Je termine ma phrase et les laisse tous collés sur leurs sièges, abasourdis par tant d'impertinence et de révolte. Je quitte brutalement la pièce à mon tour en croisant pour la dernière fois le visage de mon ancien chef, qui affiche encore un sourire, mais beaucoup plus sincère cette fois ci.

Je marche avec fureur dans les couloirs de l'immeuble, en essayant de trouver Axelle. Je ne sais pas où je vais, mais j'ai un brouillard dense dans la tête qui m'empêche de réfléchir correctement. Manoé me rattrape et pause sa main sur mon épaule agitée pour m'arrêter.

-         Mike... C'était...C'était...

-         C'était stupide oui j'ai compris, le coupé-je, est ce que tu as vu Axelle ? J'aimerais lui parler avant qu'elle ne redevienne hystérique. 

J'ai l'impression d'être en colère contre le monde entier. Manoé n'insiste pas et balbutie :

-         Je crois l'avoir vu près du balcon...

-         Bien.

Je quitte mon ami et fais volte-face pour me diriger vers l'étage supérieur.

Ce n'est que lorsque je sens l'air frais me chatouiller la peau que je comprends pourquoi mon amie s'est dirigée vers ce secteur là. Je suis comme paralysé pendant une fraction de seconde, puis je cours aussi vite que je le peux. Gravis les dernières marches, trébuche, traverse la pièce du quatrième étage, et pousse violement la porte qui sépare l'intérieur de l'extérieur. Un tout petit avancement fait office de balcon. Il n'y a aucune barrière. Elles sont tombées en bas de l'immeuble depuis un certain moment déjà.

Tomber. Ce mot résonne dans ma tête lorsque je vois Axelle debout à la limite de l'avancement en bois, ses pieds dépassant dans le vide de quelques millimètres. Elle est de dos, mais son corps se contorsionne légèrement pour qu'elle puisse voir qui vient de faire irruption sur ce balcon bancal et minuscule.

-         Axelle recule tout de suite !

Ses yeux rougis sont inondés de larmes. Sa lèvre inférieure tremble et elle articule :

-         Va-t'en Michael. Va t'en s'il te plait, je ne veux pas que tu me voies.

-         Il en est hors-de-question. Tu va partir avec moi c'est clair ?

-         Laisse moi, laisse moi je t'en prie.

Mon rythme cardiaque a doublé. J'ai vraiment peur qu'elle ne saute, même sans vraiment le vouloir. Un geste brusque de ma part, un faux mouvement de sa part, et elle s'écrase quatre étages plus bas.

-         Axelle tu ne vas finir ainsi maintenant ? Après tout ce que nous avons fait...

-         Justement ! Je vais mettre un terme à cette vie horrible que j'ai menée, pour effacer tout ce que j'ai fait.

-         Ne dis pas ça...

-         Si ! Tu ne peux pas dire le contraire, n'est ce pas Michael ? Tu ne le peux pas !  Alors maintenant laisse moi, tu ne pourras pas m'empêcher de sauter !

Je prends une grande inspiration et tente d'avancer d'un pas. Elle a un faible soubresaut et je stoppe immédiatement ma marche.

-         Arrête Michael, arrête je t'en prie.

-         Prends ma main Axelle. Tu ne veux pas sauter, tu ne le veux pas. Tu as l'impression que c'est ton devoir, mais ce n'est pas le cas, tu peux me croire, et je peux le dire.

Elle n'ajoute rien et déglutit. Elle se tourne à nouveau vers le vide et baisse la tête vers le sol. Je vois ses bras trembler et des sanglots se bloquer dans sa gorge. Elle recule d'un pas timide. Une lueur d'espoir s'allume en moi, et nous nous rapprochons mutuellement l'un de l'autre. Son dos finit par se coller contre mon torse. Elle se retourne et plonge son regard dans le mien. Ses paupières clignent et de nouvelles larmes viennent couler le long de ses joues.

-         Michael, je t'aime.

-         Moi aussi je t'aime.

Elle affiche un faible sourire et nous rentrons à nouveau dans le bâtiment collé l'un contre l'autre. Au moment de descendre les marches, elle s'arrête et murmure :

-         Tu ne m'empêcheras pas d'accomplir mon devoir. 

Je comprends trop tard ses paroles, elle me pousse contre le mur sur lequel ma tête se cogne violement. Je la vois alors se mettre à courir à nouveau vers le balcon, avachi sur le sol. Je n'ai le temps de prononcer qu'une seule parole :

-         Si tu sautes, je le ferai également.

Ma vision devient floue mais je vois sa silhouette s'arrêter dans l'encadrement de la porte.

-         Si tu meurs, je n'aurai plus de raison de vivre.

Je ne connais absolument pas la suite des événements, car mes paupières se sont closes sur la vision de mon amie attraper la poignée de la porte, pour la refermer soit devant soit derrière elle.

Double {Terminé} Where stories live. Discover now