Prologue 2/2

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Au même moment, à 1450 km de Paris.

— Que fais-tu avec ces valises à tes pieds ? demandé-je à ma fiancée, Livia, qui est sur le point de partir je ne sais où, avec sa veste prête à être enfilée.

M'aurait elle parlé d'un voyage ou d'un week-end entre amies, dont je ne me souviendrais pas ?

— Je m'en vais, m'indique t-elle, sans même un regard.

— Où ça ?

— Je te quitte Fabio, précise t-elle en me regardant à peine.

Elle ne peut pas être sérieuse ?! Elle a perdue la tête ?

— Qu'est-ce qui te prend ?

— Je suis fatiguée d'attendre que tu fasses ton deuil.

Non ! Elle ne peut vraiment pas être sérieuse ! Non ! Pas elle ?

— Fatiguée ?

Comment peut-elle me dire un truc pareil ? Elle plaisante ? C'est ça ! Elle veut juste me faire peur, voir comment je vais réagir.

Je ne peux pas croire qu'elle m'abandonne dans la pire période de ma vie. Mais quel genre de fille allais-je épouser ?

— Oui ! Parfaitement ! s'égosille t-elle. Je ne te supporte plus.

Elle est effectivement sérieuse. Il n'y a plus de doute. Je ne l'ai jamais vu aussi méchante et dure dans ses propos, mais également posée et sûre d'elle-même. Elle semble avoir longuement réfléchi avant d'en arriver à cette conclusion.

Je pose mes fesses sur le repose-bras de mon canapé avant que mes jambes ne me lâchent, tellement je tombe de haut. Pourquoi il n'y a qu'à moi que ce genre de truc surgit de nulle part ? Je serre les poings et ferme les yeux, cherchant un moyen de m'échapper d'ici. J'ai peur de ce que je peux faire si je reste planté là à l'écouter me rabâcher mes erreurs.

Pourtant, les secondes défilent et je ne bouge pas. Je me cramponne à mon accoudoir. Je mets toute ma fureur sur ce cuir bien résistant, m'empêchant de crier pour une minute ma douleur. Et après réflexion, je finis par saisir ce qui se passe, du moins, j'en ai une petite idée.

Peut-être que notre couple était fichu d'avance. Les signes étaient là. J'ai juste voulu ne pas les voir.

Dès que les premiers problèmes sont apparus dans ma vie, nous nous sommes éloignés. Et petit à petit, nous nous sommes retrouvés à vivre comme deux étrangers sous le même toit.

Au début, elle a préféré me donner de l'espace, me laissant seul face à mes responsabilités et ma peine grandissante, lorsque j'aurais certainement eu besoin de ses bras pour me réconforter.

A cette époque, j'ai pensé naïvement qu'elle aussi souffrait de cette situation et qu'elle ne voulait pas m'accabler davantage avec sa propre souffrance.

Son rapport avec le double de moi-même était de l'ordre d'une amitié sans faille, en tout cas, c'est ce que je croyais. Elles s'entendaient bien toutes les deux, même un peu trop à mon goût. Elles avaient un malin plaisir à se liguer contre moi. C'est pour cela que j'ai tant de mal à imaginer que tout ceci soit en train de se produire.

Je n'aurais pas cru, un instant, qu'elle puisse me quitter de la sorte, sans m'octroyer une toute dernière chance de lui montrer mon amour.

Elle balaye ainsi plusieurs années de relation en une fraction de seconde.

Je ne la reconnais plus. Où est partie la femme tendre et aimante dont je suis tombé amoureux ?

Comment ose t-elle me dire ces choses là, alors qu'elle sait par quoi je suis passé ? Et surtout ce que je vis en ce moment ? Mon existence n'est pas déjà assez compliquée à supporter qu'elle doive en rajouter ?

Elle parle comme si la personne que j'ai perdue n'était pas importante à mes yeux.

— Ce n'était pas une banale connaissance ! explosé-je. J'ai perdu ma meilleure amie, mon double, ma moitié. La personne sur qui j'ai toujours pu compter. Comment ai-je pu croire que tu pouvais comprendre ? Toi, qui n'a ni frère, ni sœur.

— Fabio, cela fait plus de six mois ! s'extasie t-elle.

Que veut-elle insinuer ?

— Et alors ? Il y a une date limite au deuil ?

J'ignorais qu'il y avait des règles, un temps donné pour pleurer les personnes que nous avons aimées.

Mon cœur saigne depuis plus d'une demi année sans interruption. J'aimerais pourtant pouvoir remonter la pente. Mais c'est trop dur. Je n'y parviens pas. J'ai une douleur lancinante au plus profond de ma poitrine qui ne cesse de me répéter que j'aurais pu l'aider. Mais comment ? Si seulement je n'avais pas eu des œillères, peut-être serait-elle encore parmi nous aujourd'hui.

Saurait été bien plus facile si l'on pouvait revenir en arrière. J'aurais pu, à coup sûr, lui venir en aide, voire même la sauver.

Livia pense probablement que je suis un faible, que je me laisse envahir pas les émotions, mais j'aurais bien voulu la voir à ma place. Personne ne peut réellement se remettre d'une pareille perte.

— Ce n'est pas ce que j'ai dit. Ça fait six mois que tu ne me regardes plus. C'était quand la dernière fois où nous avons fait l'amour ?

Voilà d'où vient le problème. Elle se sent délaissée, et moi, comment je me sens ? Elle y a pensé ?

Je devrais mettre mon chagrin de côté pour la satisfaire. Mais j'en suis incapable. Ce n'est néanmoins pas l'envie qui me manque. Le nombre de fois où j'ai essayé, sans succès, de lui montrer mes sentiments ne se compte pas. Les circonstances font que je n'ai pas assez d'ardeur, de vitalité et également de volonté, je l'admets, pour assouvir quoi que ce soit en ce moment.

Elle pourrait un peu se mettre à ma place.

— Pars ! Vas-y, je ne te retiens pas ! Je n'ai nullement besoin d'une femme qui ne me comprend pas, m'emporté-je comme à mon habitude.

Ces derniers temps, je ne fais que ça. Mais c'est facile à dire. J'ai beau essayer de reprendre mon existence en main, c'est plus fort que moi, je n'y parviens pas. Son absence est permanente. Je ne sais pas comment vivre sans elle.

— Je suis désolée, me murmure t-elle en s'approchant.

Puis, elle prend ma main gauche et dépose délicatement au creux de celle-ci, après l'avoir enlever de son doigt, la bague de fiançailles que je lui avais offerte quelques mois avant la terrible nouvelle.

— Je te souhaite de retrouver la paix Fabio. Adieu.

Après un dernier baiser sur ma joue gauche, elle s'éloigne avec ses deux grosses valises derrière elle. Puis, la seconde d'après, elle disparaît de mon appartement en claquant la porte.

Alors, c'est ainsi que s'achève une relation de plusieurs années, seul et avec personne à vos côtés pour vous soutenir... Quel gâchis ! 





Publié le samedi 22 avril 2023

Le premier chapitre sera publié vendredi prochain. 

J'espère que le prologue vous a plu et qu'il vous donne envie de découvrir la suite. 

A la semaine prochaine. 


L'appart du Troisième (nouvelle version)Where stories live. Discover now