Chapitre 5 Luisa 3/4

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Je remonte la rue qui me ramène chez moi, mais à mi-chemin je m'arrête net. Je suis épuisée a force de trimbaler ma charrette derrière moi. Je n'avais pas conscience que la descente serait aussi difficile à gravir. Je m'adosse pendant de longues minutes à un petit muret afin de reprendre quelques forces, d'où j'observe les acteurs du quartier flâner, discuter entre eux, se balader de boutique en boutique.

Je constate que beaucoup de personnes se connaissent, se saluent avant de reprendre leur route, d'autres s'arrêtent le temps d'une petite accolade, tandis que certains n'hésitent pas à prendre part à une conversation en cours. Mais, ce qui me frappe aux yeux, c'est le bonheur sur le visage de tous ces gens qui m'entourent. Une vague d'émotion me submerge tout d'un coup. Je fonds en larmes. J'ignore la vraie raison de cette mélancolie soudaine. Je ne me sens pas triste pourtant. Au contraire, j'ai la sensation d'avoir retrouvé un peu goût à la vie.

Est-ce ces habitants si joyeux qui me font me sentir ainsi ? Ou est-ce d'avoir quitter un lieu néfaste à ma santé mentale ?

Ce quartier lisboète est plein de charme, c'est un lieu qui regorge de vitalité et de joie, tout ce dont j'avais besoin pour me reconstruire. Je ne sais pas comment l'exprimer, j'ai juste l'impression d'avoir retrouvé un chez moi. Je me trompe peut-être, même sûrement...

Et si c'était réellement le cas ? Si j'avais finalement, après, près de trois longues années de deuil, découvert un petit coin de paradis dans lequel refaire ma vie, loin de l'énorme drame de mon existence ? Paris est une merveilleuse ville, mais j'ai peur ne plus y avoir ma place. J'ai trop de mauvais souvenirs là-bas. Je dois tourner la page. Ouvrir un nouveau chapitre, et, pourquoi pas, recommencer un livre.

— Vous allez bien mademoiselle ? me demande un vieil homme sage et très serein, assit sur un banc à quelques centimètres de moi, me coupant dans ma réflexion.

— Oui, je suis simplement émue, assuré-je

— Par la beauté de ce quartier ? m'interpelle t-il très convaincu.

Ce vieux monsieur n'a pas entièrement tort. Je suis touchée par tout ce qui se passe autour de moi. Mais mes pleurs sont certainement dus au relâchement que j'éprouve face à toutes ces années recroquevillées dans ma douleur.

— Non ! Je suis juste soulagée, je crois.

— Vous avez l'air heureuse malgré ses larmes ? m'informe t-il.

Visiblement, mon bien-être se lit sur mon visage.

— Je le suis. Enfin... Il me semble.

C'est vrai ! Ça fait très longtemps que je ne m'étais pas sentie ainsi, pourvu que ça dure. Je viens de m'apercevoir, que je pouvais de nouveau être heureuse, c'est un énorme pas pour moi.

— Alors ce sont des larmes de bonheur ? en déduit-il.

— Oui, en quelque sorte, admets-je.

Mais si je veux vraiment être honnête avec moi-même, j'ai encore des efforts à fournir pour être réellement bien dans ma peau. Je peux de nouveau vivre, je viens d'en prendre conscience. Et tout ceci est une grande avancée dans ma guérison. Moi, qui pensais être réduite au chagrin tout le reste de mon existence, je vois probablement le bout du tunnel.

— Je préfère ça, je déteste rencontrer de belles jeunes filles tristes, me sourit-il.

J'aime aussi me voir ainsi, qu'emmitouflée sous ma couette à ressasser le passé qui n'est plus là et qui ne reviendra pas.

— Je vais bien, même très bien, lui répété-je, soudainement prise d'un sursaut de joie immense.

Un bel avenir s'offre à moi ici. Je n'ai plus qu'à retrousser les manches et me donner à deux cents pour cent.

— Ravi de l'entendre. Vous êtes ici en vacances ?

— Plutôt pour une nouvelle vie, l'informé-je.

Je veux sincèrement reprendre mon existence en main. Je sais que cela ne sera pas simple, mais je dois essayer. Mes parents n'auraient pas voulu que je me morfonde éternellement dans mon coin. Je veux qu'ils soient fiers de moi, là-haut, sur leur petit nuage, à me regarder me débattre avec moi-même.

— Alors, on sera amené à se revoir, m'annonce t-il, toujours avec un doux et généreux regard envers ma personne.

Cela me met du baume au cœur.

— Oui sûrement, ça sera avec grand plaisir.

Ce promeneur m'a l'air d'être quelqu'un de bien, je ne serai dire pourquoi, mais je le sens proche de moi, comme si c'était mon grand-père. Sa sérénité me donne l'impression d'être une personne à qui on peut tout dévoiler sans peur d'être jugé.

— Au revoir belle demoiselle !

— Au revoir... euh...

— Avo. Tout le monde m'appelle ainsi par ici.

— Entendu, à bientôt Avo.

Je n'aurais pas pu trouver mieux comme surnom, le nom de « grand-père » lui va à merveille. Et c'est le cœur plus léger que je m'aventure à poursuivre mon chemin jusqu'à l'immeuble dans lequel je vis à présent.

Le bâtiment est impressionnant. Non pas, par sa hauteur, il ne se compose que de trois étages, mais par l'œuvre d'art qui le recouvre. Beaucoup de lieux, par ici, sont décorés de fresques, de dessins, de tags, et même de magnifiques créations qui mériteraient d'être reconnues dans le monde entier.

Ce matin, j'en ai oublié de lever les yeux. Et je dois avouer que c'est magnifique. La peinture de cette jeune femme regardant vers le ciel est d'une élégance rare. Il y a comme un côté angélique à cette image. On la croirait tombée du ciel. C'est d'une beauté incroyable. J'en ai même des frissons.

Je reste figée de l'autre côté de la rue, fixant inlassablement cet ouvrage artistique, totalement sous le charme. 




Publié le vendredi 26 mai 2023

La fin du chapitre est pour demain. Soyez au rendez-vous ! 

L'appart du Troisième (nouvelle version)Where stories live. Discover now