Chapitre 26 Fabio 1/2

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Après une heure sur le toit de l'immeuble où j'avais l'habitude d'aller, quand j'étais enfant avec ma sœur, je me sens un peu mieux. Ce lieu est mon havre de paix. Je me sens bien ici, assis non très loin du rebord contemplant les nuages. Je sais qu'elle m'écoute et qu'elle est là quelque part, non loin de moi.

Personne ne connaît ce lieu dans mon entourage. C'était notre petit secret. Quand elle disparaissait pendant des heures, je savais parfaitement où la trouver. J'étais le seul.

Cet endroit avait la capacité de nous remettre sur le bon chemin en nous offrant une vue sur ce qu'est devenue notre belle ville. Un paradis sur terre.

Lisbonne a été détruite quasi en totalité en novembre 1755 par un terrible séisme, qui a fait des milliers de victimes. La secousse a été suivie de plusieurs incendies et d'un tsunami dévastateur. La vague n'a laissé que des décombres sur son passage.

Après un an de nettoyage intensif, puis des années de reconstruction, la ville fait peau neuve et affiche un nouveau visage. Tel un phénix, la capitale portugaise renaît de ses cendres. C'est ce que je peux voir d'où je suis. La partie basse de la ville a été reconstruite sur les décombres de la tragédie, afin de surélever le niveau du terrain. Les architectes de l'époque espéraient avec ce stratagème éviter une nouvelle catastrophe de ce genre. A l'heure d'aujourd'hui, Lisbonne peut remercier ses bâtisseurs pour lui avoir donné tout son enchantement, sa magnifique histoire et son charme indéniable.

Qu'est-ce que j'aimerais pouvoir renaître tout comme cette charmante ville et devenir le meilleur de moi-même. Mais ce désir reste et restera un rêve inaccessible. Une partie de moi demeure détruite à jamais.

C'est sur ce toit un peu plus vers la droite que j'ai pris pour la dernière fois ma sœur dans mes bras. A cette époque, je ne savais pas qu'elle allait aussi mal.

Quelques jours avant sa mort, deux si mes souvenirs sont bons, c'est dans ce lieu insolite, près de la rambarde grillagée qui nous protège du vide et nous empêche par conséquent d'aller rejoindre la douceur des stratus et des cirrus à quatre mètres d'où je suis, que je l'ai découverte en train de hurler contre je ne sais qui. Aujourd'hui, je sais qu'elle s'adressait à Dieu. Elle était hors d'elle-même. Je pensais naïvement qu'elle s'était prise la tête avec Manu comme c'était le cas souvent les dernières semaines de sa vie.

Alors, j'ai tenté d'arranger les choses. Elle a protesté en m'insultant que j'étais bien un mec, et que je ne connaissais rien à la gente féminine de même que son fiancé. Puis elle a rajouté, je m'en souviens très bien, que Manuel et moi, nous devrions prendre des cours sur « comment interpréter les signaux chez les femmes ? ». J'ai répliqué, que nous n'en avions pas besoin, vu que nous avions déjà conquis le cœur des deux plus belles de la planète. Elle s'est mise à rire au point d'en pleurer. Je suis resté muet sans savoir que faire ou dire. J'ignorais de quoi il s'agissait réellement.

Je me sens si con en repensant à cela. J'aurais dû comprendre qu'elle n'allait pas si bien.

D'ailleurs, après un long moment de gêne, elle s'est assise près de moi et m'a soufflé à mon oreille : « qu'elle avait beaucoup de chance de nous avoir dans sa vie et qu'elle regretterait de nous perdre un jour ».

Je l'ai prise dans mes bras et je lui ai dit, après lui avoir révélé que je l'aimais, qu'elle n'était pas prête à se débarrasser de nous. J'étais loin d'imaginer que c'est elle qui allait nous quitter précipitamment.

Aucun signe ne me laissait présager à ce moment là, que c'était la dernière fois que j'allais tenir ma si jolie jumelle dans mes bras. Quand elle a levé ses yeux vers moi et que j'ai vu son merveilleux sourire s'afficher sur son ravissant visage, j'étais persuadé qu'elle se portait bien. J'ai remarqué que dalle en ce jour, ni même pendant les heures qui ont suivi.

L'appart du Troisième (nouvelle version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant