Chapitre 6 Fabio 2/2

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Claudia est une femme mariée et mère de trois enfants, dont une paire de jumeaux qui ne cesse de la faire tourner en bourrique. Ils n'ont que trois ans et semblent avoir hérité des gènes de leur maman pour cerner les gens afin de leur rendre la vie dure.

Elle était censée m'apporter un peu de sérénité, m'aider à m'échapper du gouffre dans lequel je suis tombé, il y a près de trois ans. Mais au lieu de ça, elle s'acharne à me persécuter avec sa curiosité maladive. Qu'est-ce qui m'a pris de faire appel à elle ? J'aurais dû m'abstenir ce lundi six septembre.

Pour ma défense, je n'avais pas trop eu le choix. C'était ça ou l'hôpital psychiatrique. En une fraction de seconde j'ai vu ma vie défiler devant mes yeux. Je me suis fait terriblement peur. J'ai eu la sensation que plus rien ne me retenait ici, une impression de vide en moi et sous mon pied. Mon heure était venue. Puis, une lumière flagrante et éblouissante m'a fait subitement revenir en arrière. L'image de ma mère inconsolable m'a frappé de plein fouet. Je ne pouvais pas lui infliger une telle douleur. Non ! Pas moi ! Pas, après, tout ce qu'elle a dû traverser avec la perte de son mari, ainsi que la mort brutale de sa petite fille adorée.

Je dois rester en vie pour elle. Il est hors de question, que la femme qui a toujours été là pour moi, se retrouve un jour perdue et l'ombre d'elle-même par ma faute. Elle ne mérite pas ça !

— Comment s'appelle t-elle ? insiste ma soit disant amie, devinant sans mal, ce qui me chagrine.

Son cursus universitaire est bien plus complet que ce que j'imaginais. Ma frustration doit se lire sur mon visage ou bien je suis un livre ouvert pour elle ? C'est impressionnant de pouvoir découvrir ce qui se trame dans la tête des autres, uniquement en les côtoyant quelques minutes.

Cela m'aurait fortement aidé de connaître sa méthode avant que tout ne parte en cacahouète dans mon existence si parfaite.

— De qui parles-tu ? insinué-je ne pas savoir à quoi elle pense.

— De la fille que te hante, m'informe t-elle très convaincue.

Cette femme a le don de me déstabiliser à chacune de nos rencontres, mais aujourd'hui elle fait fort. Comment a-t-elle deviné que mon mal-être était dû à Luisa ?

— Elle n'aurait pas pu rester chez elle en France ?! Paris est une chouette ville pourtant... Bien sûr que non ! C'est plus marrant de venir me casser les pieds en faisant un boucan pas possible, m'empêchant de me reposer, débité-je hors de moi.

Finalement, il fallait tout sortir. Je me sens plus léger maintenant, même si je sais pertinemment que je vais le regretter d'ici sous peu.

— Maria a reloué l'appart du troisième ? Il était temps ! Tu ne pouvais pas continuer à le maintenir fermé éternellement.

— Et pourquoi pas ? Il m'appartient. Je fais ce que je veux avec.

Il n'est pas interdit à ce que je sache de ne pas mettre un bien en location. Alors pourquoi tout le monde pense le contraire ? Tout l'immeuble est à moi, si je veux qu'aucun étranger ne pénètre à l'intérieur, j'ai parfaitement le droit. Les gens n'ont pas leur mot à dire. D'ailleurs, je ne crois pas avoir un jour, demandé à l'un d'entre eux leur avis.

— Qu'est-ce qui te dérange sur le fait que cet appartement soit habité ?

Elle est sérieuse ? Elle sait pertinemment la raison qui me pousse à vouloir garder cet endroit clos et rien qu'à moi... Et à ma mère, ça va de soi.

Je ne comprends pas comment ma génitrice arrive à accepter que des inconnus salissent, endommagent, détruisent ce lieu si cher à nos cœurs.

Quant à moi, c'est comme si on me mettait à chaque fois un ballon de baudruche à l'intérieur de ma poitrine et qu'à chacune de mes respirations il se remplissait d'air malsain, dès l'instant où je sens quelqu'un piétiner le parquet du dessus, pour l'arrêter in extremis dans son gonflement, avant qu'il n'explose en moi. C'est-à-dire, le jour où je vais m'emporter contre autrui pour m'avoir infligé une atroce souffrance pour occupation illégale de l'antre de ma soeurette. Ma colère est telle que personne ne se risque à me tenir tête. Parfois, je me fais peur, je ne contrôle plus rien. J'ai juste envie qu'ils disparaissent tous de ma vie afin de pouvoir de nouveau respirer. Cela m'est trop insupportable !

Alors, qu'on me demande encore les causes de mon agacement vis-à-vis de ça, j'ai simplement le souhait de les envoyer valser autre part voir si j'y suis.

— Je sais que tu ne me comprends pas et sincèrement je m'en fiche royalement. Si tu veux bien, j'aimerais discuter d'autres choses ?

— Fabio, j'ai parfaitement saisi ton mal, mais pour pouvoir t'aider, j'ai besoin que tu te confies davantage. Je sais ce que tu endures au quotidien lorsqu'il y a une tierce personne au troisième. Je veux uniquement savoir pourquoi cela te fait tant souffrir ?

Je lui jette un regard noir. Comment peut-elle encore insister sur ce sujet ? Je. Ne. Veux. Pas. En. Parler. Est-ce si difficile à comprendre ?

— Tu dois à présent avoir la faculté de tourner la page. Au moins, arriver à vivre normalement. Tu ne peux pas continuellement te raccrocher au passé. Accepte une bonne fois pour toutes d'aller de l'avant. Et autorise ton cœur à lâcher prise. Et accueille cette nouvelle venue comme il se doit. Tu peux y parvenir !

Je retire ce que j'ai dit. Elle ne sait pas qui je suis réellement. Elle ne lit pas vraiment en moi. Elle se contente juste de m'observer. Elle ignore totalement ce qui se cache au plus profond de mon âme. Car sinon, elle ne blatérerait pas autant d'inepties. Je ne suis pas prêt à laisser partir ma sœur !

— Je ne m'acharne pas. Je ne veux pas en rajouter pour aujourd'hui. Tu sembles déjà à bout de force. Tu devrais rentrer te reposer.

En voilà une bonne idée, si je n'avais pas à supporter les bruits incessants venant de mon plafond. J'ai cru à un moment donné qu'il allait s'effondrer sur moi. Je vais plutôt me contenter de faire une petite balade par ici, loin du quartier qui m'a vu grandir.

— Réfléchis tout de même à ce que je t'ai dit. Tu sais, un jour ou l'autre, il va falloir avancer Fabio.

Ça, j'en ai bien conscience. Et puis, c'est l'un des arguments qui m'a poussé à faire appel à elle, après bien évidemment, la grosse frayeur que j'ai manqué d'exécuter.

— Inutile de t'énerver, tente t-elle de m'apaiser, pensant que j'allais de nouveau m'emporter, à tort. Je n'ai pas dit que tu devais le faire tout de suite. Cela va prendre un certain temps. Je voudrais seulement que tu te fasses à cette idée.

Mais ce qu'elle me demande est plus facile à dire qu'à faire. J'aimerais pourtant aller de l'avant et faire abstraction de ma douleur, mais ce n'est pas si simple.

— Laisse lui une chance ! finit-elle son speech, tandis que je prends la poudre d'escampette.

Je veux bien envisager un avenir meilleur, mais pas auprès d'une voisine insupportable. Il en est hors de question ! Luisa doit quitter l'appart du troisième. 





Publié le dimanche 28 mai 2023

Le chapitre suivant est prévu pour bientôt, vendredi prochain si tout va bien. 

Et ce sera également un chapitre inédit (v. Luisa). Soyez au rendez-vous ! 

Bon dimanche ! 

Petite question : Arrivez vous à vous identifier à Fabio ? A ce qu'il ressent ? A ce qu'il vit ? 

L'appart du Troisième (nouvelle version)Where stories live. Discover now