Chapitre 48 Fabio 1/2

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— Aïe ! crié-je en laissant tomber un saladier plein de farine sur le pied.

Décidément, rien ne s'est passé comme je l'avais espéré. Ce jour qui s'annonçait prometteur, s'est révélé une torture pour moi.

Je l'ai attendu pendant des heures dans cette cuisine avant d'aller me coucher sur les coups de dix-sept heures complètement remonté contre elle. Et n'arrivant pas à fermer l'œil, je suis redescendu cent vingt minutes plus tard vaquer à mes autres occupations que celle de ma voisine, mais tout ce que je fais tourne mal. Mes crèmes deviennent du vinaigre. Mes génoises de la semelle de chaussures. Et mon plan de travail ressemble à un vrai champ de bataille. Je ne me rappelle pas d'avoir vu un jour mon lieu de labeur quotidien dans un tel chantier. Tel est mon esprit.

Le responsable de tout ceci, devrais-je dire la responsable, n'est autre que celle à qui j'avais offert toute ma confiance. Quelle idiotie !

Luisa ne s'est pas présentée ici de toute la journée. Pourtant, elle me l'avait promis. Elle devait venir prendre son petit-déjeuner, pour goûter à son gâteau confectionné par mes soins, et emménager chez moi.

Des paroles balancées en l'air. Comment j'ai pu être aussi idiot ? Elle ne s'est même pas donnée la peine de venir me dire en face qu'elle avait changé d'avis. Elle a seulement téléphoné à ma mère en fin de journée, pour la rassurer, elle allait bien, elle n'a juste pas eu envie de sortir aujourd'hui.

Moi, comme un crétin, j'ai cru à ses promesses. Je pensais qu'elle était sincère. Plus jamais je ne la croirai. Elle m'a eu une fois, mais pas deux. Je savais que je devais rester sur mes gardes. Je suis dégoûté ! J'aurais dû le savoir pourtant... Le bonheur n'est pas pour moi ! Comment j'ai pu juger un instant que la roue avait tourné ?

Elle a beau avoir vécu des choses horribles, dont certaines sont similaires aux miennes, ce n'est pas pour autant que nous sommes compatibles. Il suffit de voir dans quel état elle m'a mis avec ses engagements à deux balles. J'avais beaucoup d'espoir en elle, peut-être trop, et elle les a tous balayés d'un revers.

Inutile de m'apitoyer sur mon sort. J'ai fait une erreur, on ne m'y reprendra plus. J'ai appris ma leçon.

Cependant, j'ai envie d'oublier cette abominable journée de malheur. Tout est chamboulé. Rien n'est comme j'aurais aimé que cela soit. Dieu a fait fort aujourd'hui ! Il m'a montré par A plus B que ma vie ne s'améliorera jamais, que je ne peux pas avoir confiance en qui que ce soit.

Luisa m'a menti, et son mensonge vient confirmer ce que je savais depuis quelques temps maintenant. Je suis complètement seul. Je suis seul face à ma douleur persistante, seul dans cette cuisine, seul pour affronter la vie, seul pour me relever de cet enfer, seul pour aller de l'avant, seul pour tenter de tourner la page, seul pour rebondir de tout ce chaos, seul pour essayer de réparer mon cœur en souffrance... Seul, voilà en quoi se résume ma vie.

Pourtant, j'ai eu une pointe d'espoir la nuit dernière lorsque je suis descendu de l'appart du troisième. J'étais persuadé que ma solitude venait de prendre la fuite, une nouvelle vie à deux se profilait sous mes yeux. Et en un éclair, je suis redescendu de mon petit nuage.

Dans toute cette histoire, ce qui me fait le plus de mal, c'est que j'avais cru enfin trouver quelqu'un capable de me comprendre, quelqu'un avec qui parler de ce que je ressentais au plus profond de moi, quelqu'un qui me soutiendrait, quelqu'un qui ne me tournerait pas le dos à la moindre difficulté. Sincèrement, j'étais convaincu que Luisa pouvait être cette personne. Sur le papier elle avait toutes ses qualités. Elle avait et a sûrement les épaules pour me supporter. Pourquoi m'a-t-elle fait ce coup là ?

Je fais difficilement confiance aux gens depuis la mort de ma sœurette. Tandis qu'avec ma voisine, je ne sais pas, elle s'est incrustée en moi sans que je ne la voie faire. Et à présent, je m'en mords les doigts.

Je dois mettre un terme à cette journée. Il est presque minuit quand je décide de monter me coucher. Carla est partie il y a une demi-heure. N'ayant plus de gâteaux à proposer, j'ai décidé de fermer boutique plus tôt.

Je laisse tout en plan sur mon plan de travail et quitte ma cuisine. Je dévale les escaliers deux à deux jusqu'à atterrir au dernier étage de l'immeuble. Je suis sur le point de frapper à la porte quand je me ravise. Avoir une discussion avec ce personnage de malheur alors que je suis en colère contre elle et contre moi-même ne semble pas être une bonne idée. Elle va bien devoir quitter à un moment donner ce lieu, ce n'est-ce que pour aller faire quelques courses. Je finirais donc par la croiser à un moment ou un autre. Et ce jour là, elle devra se justifier. Il est hors de question qu'elle rit de mon malheur.

Je redescends d'un étage et file dans ma chambre. Je m'allonge sans me dévêtir. Avec mes nerfs à vif, je doute pouvoir m'endormir. Je ressasse les dernières vingt-quatre heures pendant de longues minutes. Et le constat est sans appel : après le beau temps, c'est la tempête, et non l'inverse. J'aurais dû savoir, que c'était bien trop beau pour être vrai. Je suis vraiment un idiot !

J'ai réussi à fermer l'œil pendant près de trois heures, puis un satané cauchemar m'a réveillé, j'avais l'impression d'être dans un gouffre sans fin, et impossible de me rendormir. Après avoir tourné plusieurs fois d'un côté à l'autre, j'ai décidé de me lever et de retourner travailler. J'ai nettoyé de fond en comble ma cuisine avant de me mettre au boulot.

Les pâtisseries sont chaotiques, elles ne ressemblent à rien. Cependant, elles sont bonnes. J'ai tout goûté, et hormis leur aspect non appétissant, elles sont délicieuses.

Je ne peux pas être exigent avec moi-même alors que je manque de sommeil. Pour m'appliquer dans mes tâches quotidiennes, j'ai besoin de plus que de trois heures d'endormissement. Je suis totalement crevé et sans force.

Quand ma mère fait son apparition, je suis en train de boire un énième café derrière le comptoir. Peut-être le café de trop. Je tremble en reposant ma tasse dans l'évier.

— Bonjour... et vu que je ne réponds pas, elle continue, tu as une sale tête mon garçon.

Je ne le prends pas mal. C'est sa façon à elle de me dire que je devrais aller dormir. Elle pense sûrement que je suis sorti cette nuit, or il n'en est rien.

Pour sa défense, ma tête doit faire peur. Les traits de mon visage doivent être tirés et fatigués, et des cernes doivent entourer mes yeux bleus. Je suis incontestablement sous mon meilleur jour. J'ose un petit trait d'humour comme vous pouvez l'imaginer.

— Je vais me coucher ! l'informé-je en quittant la pièce.

Je ne veux pas parler avec qui que ce soit. Je préfère rester seul. Personne n'est capable de me comprendre. Alors pourquoi insister ? Je vais devoir me battre contre mes démons avec pour unique arme, le temps, si celui-ci ne m'abandonne pas aussi.

Vais-je avoir l'énergie nécessaire pour ce combat qui s'annonce ardu et féroce ? 





Publié le lundi 15 avril 2024

J'espère que vous appréciez toujours cette histoire ? 

La fin de ce tome est de plus en plus proche...

A demain pour la suite, une discussion qui va tourner au vinaigre vous attendra.

Bonne semaine ! 


L'appart du Troisième (nouvelle version)Where stories live. Discover now