Chapitre 13 Luisa 2/2

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Pendant que Maria rejoint son fils dans sa cuisine afin, je crois, de lui faire la morale, qui soit dit en passant ne va sûrement servir à rien, Carla s'approche de moi à tâtons. Je suppose qu'elle me craint un peu. Qu'elle se rassure, je suis incapable de faire du mal à quelqu'un, même à une mouche. Pourtant, je hais les petites bébêtes. Et dans la situation dans laquelle je suis, je ne risque même pas de me jeter sur elle. Mes jambes ne me répondent plus. Je vais devoir reprendre des forces et patienter pour que mes angoisses disparaissent.

En insistant de plus belle, il aurait pu m'anéantir à néant, tant je me suis vue me décomposer sur mon assise. Mon organisme était devenu tout flasque.

Je ne parviens plus à affronter de telles conditions, sans m'écrouler.

Mon accident a réduit mon corps en miette, ainsi que mes neurones. Je perds très facilement le contrôle, sans que je le voie nécessairement venir. Mais je refuse qu'on ait pitié de moi. Je fais le plus souvent comme si de rien n'était. Personne n'a besoin de savoir que je suis faible, et encore moins, mon voisin du dessous.

Je lance mon plus beau sourire à la demoiselle, ce qui la conforte, et me le rend. Puis, sans m'y attendre, elle me félicite.

— Tu as eu raison de lui tenir tête, mais tu vas devoir être forte, si tu veux vraiment gagner ce pari.

De près, sa beauté me saute aux yeux. C'est une belle jeune femme au visage fin et doux. Elle est grande et élancée, tout ce que je ne suis pas, avec aucun bourrelet à l'horizon. Elle aurait pu être mannequin si cela était son rêve. Elle va en faire souffrir des hommes. Aucun doute là dessus ! Mais revenons au mâle pour lequel elle s'est déplacée jusqu'à moi.

— Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il va me faire ?

— Te rendre la vie dingue.

— Ça, il le fait déjà.

Depuis mon arrivée ici, il ne cesse de m'importuner, ce n'est pas nouveau. Je gère !

Elle s'assoit à ma table, puis elle me prévient gentiment :

— Ça va être pire. La jeune femme avant toi n'a pas tenu une semaine.

— Moi, ça fait plus de vingt-et-un jours que je suis là et je compte bien y rester, l'informé-je.

— J'espère, oui. Je dois t'avouer que je suis agréablement surprise de constater que tu es assez forte pour ne pas fléchir au moindre de ses assauts. Il n'est pas habitué à ça !

Je ne vais tout de même pas céder face à un tortionnaire et bourreau des coeurs ? Ce n'est pas dans mon tempérament. Et faire des paris non plus à vrai dire. J'attends de voir dans quelle galère je me suis mise avec mon orgueil mal placé.

— Je me trompe, ou il te fait peur ?

— Non ! Il ne fait même pas attention à moi, me raconte t-elle avec de la mélancolie dans les yeux.

Ce ne sont pas des appréhensions qu'elle ressent à l'égard du pâtissier, mais bien un sentiment profond. Serait elle amoureuse de cet imbécile ?

— Ah ! Il te plaît ?

Je peux la comprendre. Il est beau gosse. On ne peut pas dire le contraire. On ne voit que ça. Mais quand il ouvre la bouche, c'est une autre histoire, cela lui enlève tout son charme.

— Oui... Non... Si... Oui, finit-elle par se décider. Il m'attire, c'est vrai, mais je ne suis pas son genre de fille.

— Je pense qu'il n'a pas vraiment de type. Il veut seulement s'amuser. Aucune relation sérieuse. Donc, cherche toi quelqu'un d'autre. Tu vaux bien mieux.

— Oui, je le sais, m'affirme t-elle résignée avant de me lancer sournoisement, mais pas méchamment : Vous aussi, vous devriez vous trouver un homme plus sympathique.

De quoi elle me parle ?

— Moi ? dis-je surprise. Je n'ai pas de copain.

— Fabio vous plaît. Inutile de le nier !

— Oui, c'est un bel homme mais il n'a rien d'un prince charmant.

Je sais encore me tenir loin des mecs qui n'en valent pas la peine. Et Fabio est loin d'être le mari idéal. Il le pourrait pourtant, s'il n'était pas si rustre, grossier et mal élevé.

— Oui, mais... insiste t-elle.

— Il n'y a pas de mais ! Ce monsieur ne nous mérite pas.

Ce qui est étrange, en revanche, c'est ce que je ressens et également les sensations que je perçois dans toute mon échine lorsque j'évoque le nom de mon voisin. C'est indescriptible et totalement inadéquat.

Je suis en train de perdre la tête. Je deviens folle, ce n'est pas possible autrement. Je dois me ressaisir. Il n'est pas fait pour moi !

— Je suis d'accord avec toi. A moins qu'il change ?

C'est beau de rêver ! Mais je ne crois pas, un instant, que ce type de gars puisse changer.

— Si ça t'amuse de l'attendre ?

— Il n'était pas comme ça avant.

— Ah non ?

J'ai vraiment beaucoup de mal à imaginer Fabio, autre, que l'arrogant sauvage que je côtoie depuis que je suis en ville.

— Il s'est produit des choses dans sa vie auxquelles il n'a pas su faire face. Ça l'a rendu amer.

— Qu'est-ce qu'il a eu ?

Je m'intéresse. Il faut bien que je m'instruise à son sujet, si je veux remporter le pari.

— Je ne sais pas, personne ne me dit rien. C'est un sujet tabou dans le quartier.

Alors ce mec plus que séduisant, arrête tes âneries, il n'est pas si beau, aurait peut-être été un gentleman dans sa vie antérieure, mais alors qu'est-ce qui a fait qu'il soit devenu cet abject personnage ?

De nature très curieuse, je propose à ma comparse :

— Nous allons mener notre enquête ?

— Oui, se réjouit-elle. Tu peux compter sur moi. Nous allons nous transformer en deux superbes détectives.

C'est à ce moment là que Maria refait son apparition et met fin à notre conversation.

Que s'est-il passé dans la vie du locataire du deuxième pour qu'il devienne aussi aigris et méprisable envers son prochain ?

Il faut absolument que je le découvre. Plus je connaîtrai mon adversaire, et plus les probabilités de gagner notre pari seront de mon côté.

Je dois tout faire pour y parvenir.

Je ne peux pas quitter cet endroit avant d'avoir retrouvé une raison à mon existence. Si Fabio a souffert, moi aussi. J'ai enduré bien plus que n'importe qui peut le supporter. Ce n'est pas un homme blessé qui va me faire flancher, même si à cet instant, je suis incapable de bouger de ma chaise. 





Publié le samedi 1er juillet 2023

La suite ? la semaine prochaine. Bon week-end ! 

N'hésitez pas à me laisser votre ressenti. Merci d'avance. 

L'appart du Troisième (nouvelle version)Where stories live. Discover now