Chapitre 7 Luisa 2/2

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Je tourne en rond dans mon lit depuis de nombreuses heures.

Il était près de vingt-trois heures quand le semblant de mon cadavre m'a conduit dans ma chambre. J'étais exténuée. Je ne parvenais plus à faire quoi que ce soit.

Mes paupières se fermaient toutes seules. Mes jambes étaient obstinément hors d'usage. Quant à mes bras, mes mains et au reste de mon anatomie, ils paraissaient déjà dormir avant même que je m'allonge de tout mon long sur le matelas bien confortable.

C'est pour cela que je ne comprends pas pourquoi le sommeil a disparu d'un coup d'un seul. Il m'a quitté au moment du coucher sans que je le vois venir. Et depuis je tente de le retrouver sans relâche. A croire, qu'il a déserté de mon corps pour ne jamais revenir. C'est étrange cette sensation !

Bien évidemment, il y a une raison à tout ceci.

Avant de m'abandonner au bras de Morphée, j'ai voulu me remémorer ma journée. Et tout s'est embrouillé dans mon esprit. Je ne savais plus discerner le présent du passé. Il y avait une sorte de ratatouille dans mon cerveau.

Il m'a fallu de nombreuses minutes pour remettre mon esprit en ordre, voire carrément des heures. Je confondais le vieux monsieur que j'ai rencontré aujourd'hui, euh... non, hier, avec mon grand-père que j'ai à peine connu, Maria avec ma mère qui me manque plus que tout, et mon nouveau voisin avec mon ex qui était en tous points à l'opposé de ce dernier.

Voici où me mène tous mes déboires, à perdre la tête. Par chance, j'arrive encore à trouver mon chemin jusqu'à la raison. Bon, j'exagère un peu. Je pense avoir quelques séquelles dans ce domaine depuis mon accident. Le discernement n'est pas ma spécialité. Il serait plus judicieux de dire qu'une partie de ma sagesse, de ma lucidité se sont volatilisées avec le temps. Et cela se confirme avec ce qui me hante à cet instant.

Je ne sais pas pourquoi ce dessin s'incruste ainsi en moi. D'ailleurs, je n'ai pas le souvenir de l'avoir plus admiré que ça sur sa peau. Ce n'est en tout cas pas ce qui m'a choqué de prime abord chez lui. Oh non ! Il avait des atouts bien plus intéressants que cette estampe dessinée sur son torse.

Ce tatouage est loin d'être anodin je le conçois. On aurait dit qu'une flèche le perçait en plein cœur, sans voir la pointe. Et le plus étrange, c'est cette signature au dessus de sa poitrine. Que peut-elle bien représenter ?

Il est inutile de me torturer plus l'esprit. Cela fait des heures que je me triture le cerveau à la recherche d'une explication. Je dois me rendre à l'évidence. Je ne trouverai pas la réponse. Cette image gravée sur son épiderme doit raconter une étape de sa vie, ou bien, exprimer une facette de lui. De toute façon, il est l'unique personne à connaître le sens véritable de ce qu'il a voulu faire apparaître à même la peau. Je ne peux que déduire des suppositions, rien de concret. Je ne le connais pas ! Mais cela m'intrigue fortement, au point de m'empêcher de fermer l'œil, je l'avoue.

Je secoue ma tête de droite à gauche, puis de gauche à droite fortement, dans l'optique de vider mon crâne de toutes contrariétés. Je dois dormir. Mais rien ne s'échappe. C'est incrusté en moi. Je ne sais pas comment faire pour oublier ce fichu dessin. Et pourquoi suis-je autant obnubilée par ça ?

N'en pouvant plus de rester allongée, je me lève et me dirige doucement, ayant recouvré un peu de flexibilité à mes membres inférieurs, vers la grande fenêtre de ma chambre, donnant sur la route passante. Dès que j'ouvre en grand les auvents, il y a comme un bruit vivifiant de fond. Je m'assois sur le rebord tout en inspirant un peu de cet apaisement. Celui-ci me parvient sans mal au bout de quelques secondes. Je ne suis plus obsédée par quoi que ce soit. Ma tête se vide des tempêtes rugissantes et laisse place à la douceur automnale. Je ne pense plus qu'à cette chaleur enivrante qui me parcourt le cœur. Il y avait trop longtemps que cela ne se produisait plus. Je me sens envelopper par les éclats de voix, les rires, la vie qui m'entourent.

Il était temps ! Je me sens revivre à travers eux.

La nuit bat son plein. Et moi, je reste là, accrochée à l'ouverture de ma chambre scrutant tous les moindres détails de cette nuit douce et mélodieuse. Cela me procure l'effet d'un puissant analgésique sur tout mon corps. Je me sens bien, même si la fatigue est présente et que mes yeux se ferment par intermittence.

Je ne sais pas si c'est la faim qui ressurgit, mais j'ai comme une odeur de sardines grillées qui vient me chatouiller les narines. Mes paupières s'ouvrent de nouveau en grand, et je découvre non loin de mon immeuble, sur une petite terrasse, de jeunes gens en train de faire un barbecue à trois heures du mat. Ils sont un peu fêlés ces portugais !

Ce parfum qui au début me donnait des gargouillis, me donne à présent mal au cœur. Je préfère retourner me coucher. Je suis sur le point de refermer les volets quand une voix me fait sursauter.

— Vous vous croyez où ? s'adresse un homme, aux juvéniles sur le balcon.

Il fait trop sombre pour deviner de qui il s'agit, mais malgré tout, je peux affirmer sans crainte que ce timbre ne m'est pas inconnu. Il m'est très familier. Je n'ai entendu que lui depuis mon arrivée.

— Pardon, je ne comprends pas ! s'exclame un des jeunes du balcon en français.

Ils se font passer pour des touristes qui ne connaissent pas la langue du pays, alors qu'il y a peu, le portugais était dans toutes les bouches.

— Je vais vous le répéter dans ce cas là, vous n'avez pas le droit de faire un barbecue à cette heure-ci. D'ailleurs, il est interdit d'en faire jusqu'à nouvel ordre dans la région de Lisbonne. Vous êtes hors-la-loi ! s'exprime en très bon français, l'individu qui me sert de voisin.

Je suis agréablement surprise. Je ne m'attendais pas à ce qu'il parle ma langue de naissance. En plus de ça, il a un très joli accent. On croirait qu'il a toujours parlé le français. J'en frissonne. Visiblement, il a plus d'un tour dans son sac. Il risque de m'étonner. Je recule d'un bond, comme pour cacher cette délicieuse chaleur qui m'envahit l'échine jusqu'à mes joues rosies. Je suis folle ! J'en suis consciente. Personne ne peut me voir d'où je suis. Alors pourquoi tant de gêne ?

Tandis que les jeunots ne savent plus quoi inventer et restent muets comme des carpes. Je décide de refermer les volets, mais le grincement de l'un fait sonner mes tympans. Tous les regards se fixent sur moi, ainsi que celui de l'énergumène que je voulais éviter.

Nos yeux se fixent un court instant qui semble pourtant durer une éternité dans mon esprit. Mon corps a le temps de prendre plusieurs degrés de plus, c'est incroyable. Je brûle de l'intérieur et de l'extérieur. J'ai chaud. C'est étourdissant. Je ne réagis pas quand l'un des habitants d'en face me crie dessus je-ne-sais-quoi. Je reste statique, sans cligner des yeux.

Je suis sur le point de flancher. Alors, pour une question de survie, je reprends possession de mes membres, et je décide de moi-même de mettre un terme à cette tension, à ce trouble qui ne m'annonce rien de bon pour les jours à venir. Je referme l'ouverture en un éclair et file sous ma couette, afin de relâcher cette poussée d'hormones qui a subitement accaparé toute mon anatomie de part et d'autre.

Ce mâle dans toute sa splendeur va me rendre folle à lier ! Si ce n'est pas encore fait...





Publié le samedi 3 juin 2023

On se retrouve vendredi prochain pour la suite de l'histoire. 

J'espère que vous passez un bon moment en compagnie de Fabio et Luisa ? 

N'hésitez pas à me laisser votre ressenti. Merci 

L'appart du Troisième (nouvelle version)Where stories live. Discover now