Chapitre 32 Fabio 3/3

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Quand j'entends les médecins me dire qu'il faut passer à autre chose. Je me revois avec les poings serrés, prêt à bondir sur eux, mais je me ravisais, car cela n'allait pas me ramener ma jumelle. Mais comment des gens, qui ne connaissent rien au deuil, peuvent-il nous aider ? Il faut d'abord passer par là, pour pouvoir dire que c'est un moment affreux mais que cela va passer avec le temps.

Le temps n'est pas salvateur, bien au contraire, il nous fait davantage souffrir en nous montrant, jour après jour, que la vie continue malgré cette perte insurmontable. Le temps ne s'est pas arrêté d'un pouce. Il poursuit son chemin et nous emporte avec lui sans nous demander notre avis. Le temps est une punition en permanence, une douleur sans égale, une éternité qu'on n'a pas, des secondes qui s'écoulent pour nous éloigner à tout jamais des gens qu'on aime. Le temps est une torture au quotidien, qui ne cesse de filer à toute allure. Pourquoi ne pouvons nous pas arrêter le temps qui court ?

Personne ne me comprend, même pas ma mère. Une seule semble peut-être avoir en elle la capacité à percevoir ce que je ressens au plus profond de mon âme... Luisa. Elle, elle le pourrait, si seulement elle pouvait me donner une chance de lui parler de moi et de ce que j'ai vécu.

Ma voisine du dessus est passée par là, et sait comme c'est difficile de traverser cette épreuve toute seule, sans que personne ne vous comprenne totalement. Mais aurais-je la force de me confier ? Et voudrait elle m'écouter ?

J'ai du mal à cerner, à comprendre, comment certaines personnes sont si indifférentes face à la perte d'un membre de leur famille. Il s'agit tout de même d'une partie de vous, un grand-père, une grand-mère, un parent, un frère ou une sœur... Quelque soit votre lien, ils ont fait partie de nous à un moment donné dans notre vie.

Sans eux vous ne seriez pas là, vous ne seriez pas devenu qui vous êtes. Je n'aurais jamais vu le jour sans mes parents. Jamais osé créer ma propre pâtisserie sans Joana à mes côtés. Jamais tendu la main à mes amis, si mon grand-père ne m'avait pas enseigné la valeur du partage. Je suis qui je suis grâce à eux. Tout comme vous.

Donc, comment balayer en quelques semaines ou quelques mois, tout votre passé avec cet être, cet individu qui a participé à ce que vous êtes devenus. En ce qui me concerne, ce n'est pas possible, pourtant j'ai bien essayé, à plusieurs reprises. Mais c'était sans compter sur mes croyances inculquées au fil des années. Je viens de le saisir. Je ne dois pas oublier mes proches. J'ai simplement besoin de trouver un moyen de vivre sans eux auprès de moi, sans pour autant les faire disparaître de ma vie. Comment faire cela ?

Je n'en ai pas la moindre idée, et je ne suis pas d'humeur à répondre à cette interrogation aujourd'hui, ni n'ai la force et encore moins le courage pour le faire. Elle va rester un bon moment en suspens dans ma tête. Peut-être que la solution à cette question finira par me sauter aux yeux.

En attendant, je suis chiffonné par un sujet qui m'horripile. Comment peut-on quitter sa fiancée alors qu'elle est sur un lit d'hôpital ? C'est ce qui m'a choqué le plus dans cet ouvrage qui trône sur ma table basse, la manière dont le fiancé de Luisa l'a quitté.

Quel genre d'homme peut faire ça à une personne, qui plus est à la femme qu'il disait aimer ? C'est de la méchanceté gratuite. Même à mon pire ennemi, je ne ferais pas ça.

Cela devrait être puni par la loi. Un homme qui quitte sa femme lorsqu'elle est encore hospitalisée car il a peur qu'elle soit infirme, parce que les pronostiques indiquent qu'elle pourrait ne plus jamais remarcher, nécessiterait être considéré comme un délit grave. Seules des bêtes féroces peuvent se comporter de la sorte, pas des êtres humains. Il a intérêt à ne jamais croiser mon chemin. Il risquerait de ne plus repartir sur ses deux jambes. C'est ce qu'il mériterait après tout ce qu'il a fait subir à celle qui avait accepté de l'épouser.

Je plains Luisa qui a dû se battre toute seule pour se reconstruire, mais surtout je suis très fier d'elle. Elle a réussi, où moi j'aurais échoué. Cette fille est une force de la nature.

Je l'ai su dès notre première rencontre. Lorsque beaucoup ont pris leurs jambes à leur cou, elle, elle est restée et se bat jusqu'au bout, peu importe le défi. C'est une guerrière ! Elle n'est pas du genre à se laisser faire. Elle montre ses poings, voire ses crocs.

Elle m'impressionne !

Où puise-t-elle cette force, cette énergie ? Comment a-t-elle trouvé l'aptitude à lutter jour et nuit contre l'adversité ?

Rien n'est inscrit sur ce sujet dans son bouquin. Pourtant, j'aurais apprécié qu'elle le fasse. Cela m'aurait donné les clés pour ma guérison. Si guérison il y a. Je ne parviens toujours pas à visualiser mon futur sans ma jumelle. J'ai peur que le chemin soit encore très, très long.

Mais plus le temps de penser a cela, je dois descendre à la boutique. Il faut me mette au travail, car sinon il n'y aura pas de gâteaux à vendre demain.

Après tous mes efforts pour relancer la pâtisserie sur des bons rails, je n'ai pas le droit de baisser les bras. Deux personnes comptent sur moi. Je ne veux pas les décevoir. 





Publié le samedi 23 décembre 2023

J'espère que ce chapitre vous a donné une meilleure image de notre Fabio ? 

On se retrouve sans faute l'année prochaine. 

En attendant, je vous souhaite de passer de bonnes fêtes en famille et un joyeux Noël. 


L'appart du Troisième (nouvelle version)Where stories live. Discover now