Chapitre 8 Fabio 2/2

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Je cours dans toutes les rues du quartier sans m'arrêter depuis de longues minutes. Je ne parviens pas à mettre le frein. Il faut absolument que je trouve un moyen de me défaire de son emprise.

Hier, encore, je me suis comporté comme un véritable idiot. Elle marchait tranquillement sur le trottoir d'en face quand je l'ai aperçue. Et le dadais que je suis n'a pas vu le poteau qui se trouvait sur son chemin. Je me le suis pris en pleine face. Mais c'était uniquement de sa faute. Il devrait être interdit de se promener ainsi, elle était irrésistible.

Elle était habillée de la tête aux pieds d'une combinaison en jean fluide qui lui allait à ravir, avec sa choucroute habituelle sur le haut du crâne. Décidément, j'ai l'impression qu'elle est allée à la même école que ma sœur.

Parlons-en de Joana ! Depuis l'arrivée de cette bombe atomique, je ne fais plus de cauchemar la concernant et ne me réveille plus en plein milieu de mon sommeil tout en sueur. Non ! Du moins plus pour les mêmes raisons.

A présent, c'est le petit minois de ma voisine qui me hante. Le terme exact serait qu'elle m'obsède. Car je ne parviens plus à me débarrasser de cette sensation inexplicable dès que je pense à elle. C'est flippant ! Et quand je décide de penser à ma défunte frangine, elle est immédiatement refoulée par l'image incessante de cette belle demoiselle. Je n'en peux plus !

Je stoppe ma course effrénée. Le lieu qui se trouve face à moi est sorti de nulle part. Comment suis-je arrivée sur l'esplanade de la Santa Justa ? A la vision de cet endroit, je ne peux refouler une larme de couler. Cela fait un bail que je ne suis pas monté ici. D'ailleurs, je ne sais pas pourquoi mes pieds m'ont conduit jusque là.

Je me rappelle très bien la dernière fois où j'ai admiré ce magnifique panorama de Lisbonne, j'étais sens dessus dessous. Je ne comprenais pas un mot de ce qu'elle me disait. J'étais complètement absent. Je pensais qu'elle blaguait, qu'elle ne pouvait pas être sérieuse. Elle souriait. Personne n'aurait pu imaginé qu'elle vivait ces dernières heures parmi nous. J'étais en état de choc. Je suffoquais. Je me souviens. Son rire me faisait froid dans le dos. Je ne saisissais pas l'importance de cet instant. Je me suis senti piteux, minable, détruit à tout jamais. J'aurais dû l'écouter jusqu'au bout. Mais j'en étais incapable.

— Arrête de faire le pitre, et écoute moi ! insiste Joana, alors que je tente de la dissuader d'avoir ce genre de conversation avec moi.

Je n'ai pas envie de parler de la mort. Elle nous rattrape bien plus vite que l'on espère. On doit simplement vivre, sans se soucier de quoi sera fait demain. Telle est ma devise !

Fabio ! Sois un peu sérieux pour une fois !

Pourquoi j'ai accepté de la suivre jusqu'ici ? A chaque fois que nous venons ensemble sur cette esplanade, c'est pour pleurer. Hors, aujourd'hui, je n'en ai pas envie. Pas que les autres fois, j'en ai eu le désir. C'est simplement, que notre destinée nous demande de temps à autre de faire face à des difficultés.

Alors que la vie nous sourit enfin, on se remet tout doucement du décès de notre père, la boutique fonctionne à merveille, et nous sommes tous les deux fiancés à des personnes géniales, elle voudrait envoyer tout paître, car elle sent qu'elle ne peut pas mettre inévitablement tout ça derrière elle. Son obstination à vouloir tout contrôler me dépasse.

Elle va bien. Je vais bien. Maman va bien. Et nos partenaires aussi. Alors pourquoi se précipiter dans ce genre de conversation qui n'a pas lieu d'être ? J'aimerais plutôt penser à notre avenir qui s'annonce prometteur, qu'à notre mort qui n'est pas prévu dans l'immédiat. J'ai l'appétence de croire que nous allons vieillir tous les deux comme chien et chat jusqu'à épuisement de notre cœur.

L'appart du Troisième (nouvelle version)Where stories live. Discover now