Chapitre 17 Luisa 1/2

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Je ne veux plus me morfondre sur mon sort. J'ai pris la décision qu'il était temps de partir de nouveau à la conquête de ma vie. Ce n'est pas en restant enfermée que je vais retrouver le goût de vivre et d'écrire. Je dois réapprendre à fréquenter le monde qui m'entoure. Et rien de mieux qu'une virée entre filles.

C'est d'un pas décidé que je descends les marches qui me mènent tout droit à un meilleur futur. En tout cas, c'est ce que j'espère.

— Coucou, dis-je en entrant dans la délicieuse boutique de gâteaux, qui sent bon le caramel.

Chaque jour, j'ai le droit à une senteur différente en pénétrant ici, ce qui titille immédiatement mes papilles, mais je dois me contrôler. A force de manger toutes ces merveilles, je vais devoir bientôt jeter tous mes vêtements à la poubelle. Il faut vraiment faire plus attention à ce que j'avale. C'est primordial ! Plus je prends du poids et plus je souffre, c'est irrémédiable. A moi, d'être plus vigilante à l'avenir.

Carla et Maria sont assises à une table avec une tasse de café à la main. La pâtisserie est quasi vide, un seul client, un habitué toujours fidèle au poste lisant son journal. Je dois avoué que c'est très souvent le cas. A chaque fois que je viens, il n'y a presque personne, à croire que les gens désertent délibérément cet endroit dès que je m'y trouve. C'est incompréhensible !

— Bonjour Luisa ! disent-elles à l'unisson.

Je les rejoins et m'assieds avec elles. Et c'est à ce moment là que mon téléphone se met à retentir dans la poche de mon jean.

Qui cela peut-il bien être ?

Je sors l'appareil et jette un coup d'œil à l'écran. Il s'agit de mon avocat. Celui, qui s'est toujours occupé de mes affaires familiales. Ça fait plusieurs jours maintenant qu'il essaye de me joindre. Et je dois dire que je n'ai aucune envie de lui parler. C'est trop tôt ! Je suis incapable de converser sur mon héritage.

Il a fait en sorte de s'occuper de tout depuis le décès de mes parents, et je le remercie pour ça, et encore plus s'il continue à le faire jusqu'à ce que je me sente en état de gérer toute ma succession. Ce qui n'est pas du tout le cas pour l'instant.

Je renvoie l'appel sur le répondeur et remet mon téléphone dans ma poche.

— Que veux-tu comme gâteau aujourd'hui ? me demande Maria.

— Rien pour le moment. Finissez votre café. Je suis venue demander à Carla, si elle voulait sortir avec moi ce soir ? Je ne connais pas grand monde ici, et j'aimerais ne plus rester enfermée entre mes quatre murs. Alors, qu'en dis-tu ? Ça te plairait de me faire découvrir ce quartier ?

Hier, quand je suis arrivée dans mon appartement, suite à ma discussion plus que désagréable avec Fabio, je me suis promis à moi-même que je devais définitivement tourner la page de mon ancienne vie, ainsi que de ne plus me préoccuper de cet imbécile qui me sert de voisin. Il ne m'atteindra plus ! C'est la promesse que je me suis faite hier alors que j'étais sous la douche ressassant tous ses dires. Je ne peux pas continuer à le supporter de la sorte. Je vais faire comme s'il n'existait pas. Et cela commence par sortir le soir, alors qu'il baise dans sa piaule toutes les filles qu'il y ramène.

Il ne veut pas de mon aide, donc qu'il se démerde ! J'en deviens même grossière à force de le côtoyer. Je ne me reconnais plus ! C'est sa vie après tout. Mais je ne vais pas le laisser me gâcher la mienne.

— C'est avec grand plaisir, m'affirme t-elle.

— Tu ne sais pas à quel point je suis contente. Où m'emmènes-tu ? lui proposé-je de choisir notre destination pour la soirée.

— Je ne sais pas... Tu as envie de quoi ?

A vrai dire, je n'ai pas de lieux précis en vue. Je veux uniquement sortir, être entourée, et ne plus me tourmenter l'esprit.

— De rien en particulier, seulement voir du monde.

— Ça te dirait d'aller à une Maison de Fado ? m'annonce t-elle très enjouée.

Je suis surprise par sa suggestion. Je ne m'attendais pas à une telle proposition, venant d'une jeune fille comme elle.

Je pensais que le Fado était l'attrait de personnes d'un âge plus avancé, pas de jeunes d'une vingtaine d'années. Je me suis trompée ! J'ai la nette impression que c'est une institution dans ce pays, tous les portugais aiment cette musique apparemment.

— Tu n'as peut-être jamais entendu ? Ou, tu n'aimes pas ce genre de musique ? s'inquiète Carla par mon silence.

A vrai dire, j'ai toujours aimé le Fado surtout chanté par Amalia Rodrigues. J'ai plusieurs fois pleuré en l'écoutant. Elle avait cette façon particulière de nous transporter avec elle dans sa mélancolie. Mais tout le monde en France me traitait de vieille et de ringarde, d'aimer ce type de chanson. Apparemment, ce n'est pas du tout le cas par ici, ça me rassure.

Je n'ai pas le temps de répondre, que le crétin de service, infiniment séduisant, fait son apparition. C'est moi, ou il est encore plus beau qu'à son habitude ? J'en suis bouche bée. Je ne parviens pas à contenir pour moi cette agréable sensation qu'il me procure, rien qu'en me regardant.

Puis, sans le voir venir, il me jette à la figure :

— Comment peut-elle aimer le fado ? Elle, qui n'a pas de cœur, ni de sentiments.

Il a vraiment le don de me rendre chèvre ! Mais pour qui, il se prend ? C'est lui, qu'il vient de décrire, pas moi ! Ça toujours été ma plus grande faiblesse, parler avec mon cœur. Je n'arrive pas à faire autrement, mais lui, ne peut pas en dire autant.

Il ne pouvait pas rester dans sa cuisine ? Non ! Bien sûr que non ! Il faut toujours qu'il vienne mettre son grain de sel. Salaud !

Il reste planté devant moi avec son air d'ahuri et d'ensorceleur. S'il croit avoir gagné, il se met le doigt dans l'œil.







Publié le samedi 29 juillet 2023

La suite de cette discussion qui s'annonce mouvementée est prévue pour demain. Soyez au rendez-vous ! 

Bonne journée ! 

L'appart du Troisième (nouvelle version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant