Un promeneur singulier

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Nous étions mardi, le jour du marché. Entrainant, n'est-ce pas?

  Réveillée à huit heures par la clarté peu chaleureuse de la lumière extérieure, je préférai ne pas me rendormir sous peine d'y rester toute la journée et m'en allai prendre une douche chaude.

- Alors, tu viens avec moi?

  Assise à la table de la cuisine, le nez baissé sur mon bol de céréales, le pan de ma serviette humide enroulant mes cheveux et frôlant ma nuque parsemée de tâches de rousseur, je levai les yeux vers Odette, tout sourire.

- Enfin Odette! Laisse la gosse tranquille, le marché ça l'intéresse pas!

  Je ricanai à l'entente de cette réplique que seul Papi Jo pouvait lancer et raccordai mon attention à mon petit-déjeuner.

- Non, c'est bon Mamie, je vais venir.

- Tu n'es pas obligée Lou, si tu préfères rester avec ton grand-père pour gratter la terre du jardin!

  Son ton sarcastique ne m'étonnai même plus, quelle paire faisaient-ils ces deux-là! Je me levai et débarrassai mes couverts puis quittai la cuisine.

- Et n'oublies pas de te sécher les cheveux, et couvre-toi!

"Je sais Mamie, on me l'a dit, il y a déjà quelques jours!" Pensai-je en me rendant dans ma chambre.

                                                                                           ***

- Bon, il y a beaucoup d'monde et je vais en avoir pour un sacré bout d'temps! Si tu veux, tu peux aller bouquiner au chaud à la bibliothèque de la vieille Georgia, ou aller boire un café, tiens! Prends!

  Mamie me fourra dans la main un billet de dix euros et me dit de déguerpir avant de prendre froid, agitant sous mon nez sa vieille main aux doigts travailleurs. Je m'éloignai de la cohue et m'engageai dans une ruelle aux pavés glissants et atteignis la bibliothèque en quelques minutes de marche rapide. Je m'arrêtai et m'appuyai sur la poignée de la porte d'entrée, fichu asthme! Voilà à quoi j'étais réduite! Quelques minutes de simple marche et je finissais courbée, haletante comme si je venais de franchir la ligne d'arrivée d'un marathon. Quelle plaie! Je repris mon souffle et détaillai l'enseigne: "L'authentique". La vitrine n'exposait pas grand chose, mis à part le dernier roman incontournable du mois et quelques bribes d'autres ouvrages. Je poussai la porte et une clochette signala ma présence.

- Jeune fille?

  Derrière le comptoir caché par une étagère prête à crouler sous le poids des innombrables livres se trouvait une vieille femme aux cheveux encore noirs, tirés en un sévère chignon. Ses yeux sombres et légèrement bridés semblaient m'interroger et ses sourcils noirs, froncés, plissaient la peau mate de son front marqué par le temps.

- Bonjour, je... Je viens juste jeter un coup d'œil!

- Jeter un coup d'œil dans une bibliothèque c'est comme sortir d'une pâtisserie sans avoir un gâteau à la main. Enfin... Les histoires fantastiques sont par-là!

  Elle désigna du doigt une étagère installée au fond de la pièce que je ne tardai pas à atteindre après l'avoir remerciée d'un sourire. Elle marquait juste, je cherchais bien les récits fantastiques!

                                                                                          ***

  Deux heures! Voilà deux heures que je fouillais les coins et recoins de la vieille bibliothèque sans me soucier de l'heure, Mamie devait certainement s'inquiéter et comme d'habitude elle avait dû oublier son portable à la maison, pour le peu qu'il lui sert! Je sortis en hâte après avoir loué deux ou trois livres, ou quatre si je ne m'abuse, et me mis à trottiner. Je m'arrêtai au bout de quelques mètres, me rappelant que ce n'était pas une très bonne solution de courir. Je remontai la petite ruelle pavée et au tournant, je longeai la lisière des bois afin d'éviter la cohue du marché et d'accéder directement au parking, à l'unique parking du village. Il faisait frais ce matin et une pluie fine humidifiait l'air tel un brumisateur, malgré ça, les arbres prenaient une jolie couleur orangée et leurs feuilles semblaient s'assécher avant de tomber au sol.

  Je ne me trouvais plus qu'à quelques mètres du parking lorsqu'un bruit singulier me fit tressaillir. Je me retournai vivement et toisai les fourrés: rien. J'étais pourtant persuadée d'avoir entendu un bruit de pas, ou bien quelque chose trahi par le craquement des feuilles. Je m'apprêtai à reprendre mon chemin quand un nouveau craquement se fit percevoir, je n'avais donc pas rêvé! Le pas lent et méfiant, je me rapprochai du fourré et tentai d'apercevoir ne serait-ce qu'un lapin d'entre les arbres. Mais ce que je vis fut totalement différent et un frisson parcourut mon échine: à moins d'une dizaine de mètres, à moitié dissimulé par la pénombre des sous-bois se trouvait un homme au visage complètement masqué. J'étouffai un cri et me reculai le plus possible, il fit de même et bientôt, s'enfuit en courant au cœur de la forêt.

                                                                                              ***

- Alors, c'te matinée en ville? C'est grand, hein!

  Mon visage gratifié d'un sourire raide, je ne répondis pas à la remarque sarcastique de Jo. Je préférai ne rien dire de ce que j'avais aperçu, du moins, pour l'instant.

  Merci d'avoir lu, n'hésitez pas à laisser des commentaires! À bientôt, pour le troisième chapitre.

  Lucie Draw

Il était un automne... [Creepypastas]Where stories live. Discover now