Épilogue

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Octobre, et la pluie battante qui floutait les fenêtres de la chambre ne l'empêchait pas de dormir.

D'un œil, je contemplais ce corps endormi, apaisé, qui respirait profondément. Après des années, il était resté le même. Il évoluait si lentement que l'âge ne le marquait pas.

Et pourtant, bien des choses avaient changé.

Délicatement, j'enlaçais de mes bras blancs cette silhouette imposante qui pesait sur le matelas, mais dont le contact me rassurait.

Octobre, et cette présence ne m'intimidait plus.

Quelques gratouillis à la porte et celle-ci s'entrouvrit, laissant apparaitre le profil animal de Toriel. D'un sourire, je lui permis d'entrer et elle s'approcha en silence, rapidement suivie de deux ombres minuscules pourvues de cornes.

L'une s'agrippa à ses jupons tandis que l'autre grimpa sur le lit avec aisance, son regard d'or saisissant le mien, embué par le réveil.

Je lui tendis mes bras et l'enfant s'y lova sans demander son reste. En douceur, je caressai ses joues rondes et cendrées, enfouis mon nez dans ses mèches obscures et humai ce parfum léger de savon fraichement utilisé.

Toriel et Asriel s'éclipsèrent tandis que je resserrai ma prise sur ce petit corps qui frémit lorsque j'embrassai son cou.

À nos côtés, la silhouette remua, un sourire trahissant son visage plein de sommeil. Je lui souris en retour, et il effleura mon menton avant d'ébouriffer les cheveux du garçon qui se laissa faire, ses yeux brillant d'admiration pour l'homme qui lui faisait face.

Du haut de ses cinq ans, nu-Zalgo vouait encore un ferme ébahissement pour son père. Probablement parce qu'ils se ressemblaient coûte que coûte, et qu'un jour, il finirait par devenir aussi fort que lui. Avant de le succéder, dans peu de temps ; puisqu'il vieillissait aussi vite que moi.

Zalgo lui intima de quitter la chambre quelques instants tandis qu'il se levait, nu, pour s'emparer des vêtements que m'avaient soigneusement préparés Toriel.

- Bien dormi ?

Il m'aida à enfiler un maillot de corps, puis un collant en nylon qu'il s'assura de positionner correctement, alignant les coutures aux reliefs de mes jambes.

- Plutôt bien, et toi ?

J'avais opté pour des tenues amples, alors le pantalon ne m'était pas trop compliqué à passer. En revanche, il insista pour nouer ma tunique qui nécessitait de croiser les bras dans le dos.

- Chacune de mes nuits sont agréables lorsque tu es à mes côtés.

- Pas les miennes, tu as certainement pris du poids, j'ai de moins en moins de place !

Il soupira, amusé. Puis il cessa d'ajuster mon col pour venir recaler derrière mon oreille une mèche rousse qui me barrait la joue.

Cinq ans, et les choses semblaient se rebâtir doucement. La structure était frêle, un peu bancale, mais elle maintenait un équilibre suffisant pour ne pas nous trahir.

Nous ne nous aimions pas. Du moins, quelque chose faisait barrage. Mais nous nous apprécions, comme de vieux amants dont la relation essoufflée tentait à renaître.

Il enfila sa robe de chambre avant de disparaitre derrière le paravent et de revenir avec mon fauteuil. Là, il me souleva délicatement et m'y déposa sans peine, comme chaque matin.

Il avait toujours tenu à s'en charger.

Cinq ans, et il était le seul à me déplacer, à me vêtir, à me porter pour me lever ou me coucher.

Habitude à laquelle je ne me ferai sûrement jamais...

- Ça ne te lasse pas?

- De?

- Tout ça?

- Jamais. Des siècles que l'on fait ce que j'ordonne, que l'on se met à ma botte. Mais voilà cinq ans que je me suis engagé à agir de moi-même pour prendre soin de ce que tu m'as offert.

Il jeta un oeil à son alliance qui trônait fièrement sur son annulaire.

- Ce que je t'ai offert?

- Une famille, Lou. Aujourd'hui je veux être le seul à prendre soin de ma famille.

- La nôtre tu veux dire.

- Évidemment. Qui d'autre avons-nous?

                                 FIN

Il était un automne... [Creepypastas]Where stories live. Discover now