Un recommencement

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  Un cœur, alors ils en avaient un? Je ris jaune. Quelle ironie! Quel mythe! Quelles balivernes! Ils ne pouvaient pas avoir de cœur, de conscience, de ressenti. Ce qu'elle avait dit était faux, c'était impossible. Du moins, je ne voulais pas y croire, je ne voulais pas apprendre à les connaitre, je ne voulais pas poursuivre mon histoire ici, pas avec eux! Ils m'avaient kidnappée, enfermée, je me devais de les haïr.

                                                                                                    ***

  " Imagine leur visage déformé par l'angoisse, leur peau marquée par la fatigue, leurs yeux larmoyants, imagine-les un peu! Que vont-ils devenir sans toi? Papa, Maman, Jo et Odette... Le village entier semble être au courant de ta disparition... Ça fait mal, tu sais? Perdre un proche, ne plus le revoir, c'est douloureux! Alors... Fais ton choix! Les revoir ou mourir? Pour ma part, je préfèrerai rester en vie, quitte à rendre service au maitre des ombres, à la légende forestière, à Slenderman! Ha ha ha..."

  Ah! Je sursautai et me cognai la tête contre les barreaux métalliques de mon lit. Qui était cette horrible personne? Et cette voix rauque particulièrement effrayante? Le front baigné de sueur, je m'assis sur mon lit et ramenai mes genoux à mon menton, des larmes chaudes dévalant une fois de plus mes joues. Je n'avais jamais fait un tel cauchemar! Mon corps en entier se mit à trembler et prise de panique, je me dégageai rapidement des draps moites de sueur. Il fallait que je m'en aille, ma famille, mes amis, ma vie, qu'allai-je devenir? Je saisis mon bas de pyjama et l'enfilai par dessus ma sombre tunique, massai mes tempes et essayai d'apaiser ma respiration avant de prendre mon élan et de sortir une bonne fois pour toute de cet enfer!

  Le sol couvert d'une étoffe molletonneuse, je trottinais en silence dans les allées lugubres de ce manoir aux dimensions inquiétantes, les couloirs étaient interminables et se ressemblaient tous, rien ne paraissait différent, pas un signe plus remarquable que les autres, pas un détail singulier à tel endroit, non, il n'y avait rien. J'étais coincée! Mon cœur ne cessait de battre de plus en plus fort, ma poitrine allait exploser, mes poumons gonflés à bloc s'embrasaient, ça y est! La peur m'avait gagnée, l'angoisse m'avait bouffée, je ne m'en sortirais jamais. C'est ici, plantée au milieu de l'intersection centrale, à l'extrémité de quatre allées, que mes poumons me lâchèrent! J'étouffai un hoquet, suffoquai et me laissai tomber au sol, la panique, la course, le rêve de sortir d'un cauchemar n'avaient abouti qu'à une crise d'angoisse amplement inquiétante, favorisée par un asthme handicapant. Des suffocations, des cris, des pleurs, au fond de moi tout semblait se confondre! La tête me tournai violemment, la nausée me prit, le hoquet l'accompagna. Je m'allongeai sur le dos, les mains oppressant ma gorge comme pour relancer mon inspiration, pour ne pas qu'elle s'évanouisse, qu'elle m'abandonne... Je voyais trouble, je ne voyais plus. Pas même la douce lueur éclairant suffisamment ce carrefour silencieux, ce halo pâle dégagé des multiples fenêtres, offert par la lune, je ne le percevais plus. Je ne percevrai plus rien.

                                                                                               ***

- Il me faudrait un nom et un prénom, ainsi qu'une photo.

- Tenez, c'est elle, ma petite fille. Lou Farge. Elle a dix-sept ans.

- À quand remonte la dernière fois que vous l'avez vue?

- Avant-hier soir.

- Auriez-vous entendu ou perçu quelque chose d'étrange cette nuit?

- Non, rien. Pas même le bruit de la pluie.

- Comment était-elle ces derniers temps? Son caractère, son comportement...

- Lou n'a jamais été très bavarde, ni très expressive, mais elle ne m'a pas semblée étrange.

- Ne vous a-t-elle pas fait part de quelque chose qui la tourmentait? Ou ne serait-ce que d'une remarque, d'une question...

- ... Non! Non! Il ne me semble pas... À moins que...

- Que?

- Elle a parlé de "bruits", elle entendait des bruits singuliers, la nuit. Je lui aie répondu que ce n'était que les loirs mais elle ne m'a pas semblé convaincue!

- Bien, ses parents ont-ils été mis au courant?

- Oui, ils arriveront dans la soirée.

- Je pense que l'on a tout, je vous ferai parvenir un compte rendu de nos recherches tous les trois jours, cela vous ira?

- ... Pensez-vous qu'il s'agisse réellement d'une fugue?

- Probablement, à cet âge là...

- Mais elle n'a pris aucune affaire à elle, et son pyjama n'y est plus, ma petite fille a été enlevée j'en suis certaine! Ma petite-fille a été kidnappée!

- Madame Farge, calmez-vous je vous prie. Les récents évènements vous ont perturbée, il est normal que vous réagissiez de la sorte, mais le mieux serait de vous reposer, bien que vous n'en ayez l'envie. La police départementale va tout mettre en œuvre afin de retrouver Lou le plus vite possible.

- Bien... Alors je vais aller pioncer! C'est ça... Bravo!

- Madame Farge, ne le prenez pas comme ça! Nous, policiers, ne pouvons prendre le risque de vous impliquer dans cette enquête. Vous m'en voyez désolé.

- Bon.

- À très bientôt Madame Farge.

- Et s'ils étaient responsables de l'enlèvement de Lou, ces voleurs? Ne me dites pas que vous n'y avez pas pensé...

  L'homme réajusta le col de son blouson bleu sur lequel était inscrit "POLICE" taillé dans un tissu imperméable et réfléchissant, et se retourna de nouveau vers la vieille femme au visage blême, aux traits tirés et aux yeux larmoyants. Il ne répondit pas oralement à cette question qui depuis le jour levé ne cessait de tourmenter les deux aïeux mais un hochement du menton sembla confirmer l'interrogation. Beaucoup d'entre les villageois confirmeront deux choses lorsqu'ils apprendront la nouvelle: Lou Farge n'avait pas fugué, Lou Farge n'avait aucune chance d'en sortir indemne.

  Les habitants de cette petite commune savaient de quoi étaient capables "les autres", mais personne n'osait en parler, un malheur était si vite arrivé. Ce pourquoi, les boutiques fermèrent plus tôt les jours qui suivirent, les ruelles se vidèrent plus rapidement et les amulettes furent ressorties de leur boîte et suspendues aux poignées des portes. On pensait avoir oublié, mais pourtant, la peur régnait de nouveau et le silence assourdissait la commune.

  Merci de continuer à lire la fanfiction, j'espère qu'elle vous plait toujours autant. À très vite!

  Lucie Draw

Il était un automne... [Creepypastas]Where stories live. Discover now