Poupée

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Que de plastique !

Barbie n'est décidemment pas un bon modèle, fillette. Regarde-là, ta poupée ! Elle est maigre, disproportionnée, et sa peau est bien trop orangée. Aucune grâce. L'art de la confection de jouets pour des enfants tels que toi, n'a jamais été tâche facile. Sacrés bambins, vous êtes tous bien trop capricieux !

Pauvre petite poupée. Quel enfant mal élevé t'a-t-il jetée de la sorte ? Pour te briser ainsi, il en aura fallu, des coups et des caprices!

Ou est-ce simplement parce que tu ne valais plus rien, poupée ?

                                ***

L'atelier n'était ni plus ni moins qu'une salle dépourvue de lumière naturelle. Pas une fenêtre à l'horizon, ni même une lucarne. En revanche, de nombreuses guirlandes lumineuses, toutes plus différentes les unes que les autres, éclairaient la pièce d'une lueur colorée, variant du rouge vif à l'indigo, passant par quelques nuances de vert et de jaune. Les murs étaient recouverts de tentures à motifs ou bien d'affiches diverses, certaines révélant quelques portraits d'inconnus, d'autres des articles de prêt-à-porter féminin, ou des photographies de mannequins vêtues de robes à froufrous. Un véritable sanctuaire d'artiste ! Au fond, plusieurs étagères y avaient été fixées, croulant presque sous le poids des boites qui y étaient empilées. Parmi elles, quelques bobines de fil coloré, trop grosses pour être rangées, quelques paires de ciseaux, de boites à aiguilles, de nombreuses vis, boulons et autres bidules difficiles à caser, mais toujours utiles ! Le sol aussi, était chargé, impossible de s'y retrouver. Des rouleaux de différents tissus gisaient au sol, abandonnés çà et là, sans avoir été enroulés correctement. Difficile de circuler sans se prendre les pieds dans un pli de la moquette, dans un ruban trop long, ou encore dans un assemblage inachevé de matières différentes. Aïe ! Une épingle !

Un grincement retentit et la porte bleue de l'atelier s'ouvrit, laissant pénétrer dans l'antre de l'artiste, un gigantesque python aux yeux globuleux, doté d'écailles tantôt mauves, tantôt bleues. Malgré la largeur de son corps sinueux, il se faufila sans peine parmi les divers objets qui encombraient le sol, rampant jusqu'à l'îlot central qui n'était rien d'autre que la table de travail. Silencieux, l'animal tira sa langue fourchue et l'agita rapidement, réalisant un sifflement singulier qui s'apparentait à un code. Aussitôt, un nouvel individu pénétra dans la pièce. Ce dernier cependant, se tenait sur deux jambes, stabilisé par le port de grosses chaussures à plateformes.

- Dis-donc, mon ami ! Ne dérange pas notre patiente, elle a grandement besoin d'être réparée. Regarde donc dans quel état elle se trouve !

La voix douce du nouvel arrivant interpella le reptile qui se détourna de l'îlot, sa langue s'agitant de plus bel, dégageant un sifflement déçu. L'homme s'approcha de la table de travail et y déposa le plat de ses grandes mains blanches, aux doigts habiles décorés de bijoux. Sur le plan de travail nu de tout outil égaré, de bribes de tissus froissées, se trouvait une seule et unique chose : une masse importante, enroulée dans un drap blanc. Avec délicatesse, l'homme dénoua l'étoffe, l'étendant de part et d'autres de la table, dévoilant ce qu'elle renfermait.

- Quel spectacle...

                                 ***

Toujours sous terre, Toby mourait. Son corps n'était plus qu'un semblant de chair immobile, luisante de sueur, couverte d'ecchymoses, de griffures, de morsures. Ses tics avaient pris le dessus, rien n'avait pu l'empêcher de se mutiler, de se contorsionner d'en d'improbables positions afin de supporter les spasmes qui lui prenaient. Etendu sur la pierre froide de sa cellule, le proxy haletait, son corps demeurant aussi engourdi qu'il y a quelques jours. A force de s'être craqué les phalanges, ses doigts avaient enflé, ayant nuancé du rouge au bleu. Ses mains semblaient lui peser des tonnes. De même pour son pied enchainé, dont la cheville se déformait sous la pression de l'anneau en fonte qui lui coupait la circulation. D'une part, il avait froid, mais son crâne lui brûlait et rien ne pouvait y remédier. Probablement un autre syndrome de la déshydratation, de la faim.

Il était un automne... [Creepypastas]Where stories live. Discover now