My little glory

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- Tu peux faire demi-tour immédiatement, commencer un entrainement à jeun est fortement déconseillé.

  Il me tournait le dos, il m'avait probablement entendu venir.

- J'ai... J'ai mangé ce matin.

  Il posa délicatement sur la table en bois sombre le petit plant de rosier qu'il tenait entre ses mains aux doigts arachnéens et se tourna vers moi, les reliefs de son crâne semblaient vouloir transpercer sa peau, était-il frustré?

- Un unique et ridicule bol de céréales bon marché... Tu appelles ça un petit-déjeuner?

                                                                                               ***

- Te revoilà le ventre plein. Ou presque... Enfin! Si tu verses, je ne m'en étonnerai pas.

  Je me raidis, ces entrainements étaient si intenses que ça? Je le suivis jusqu'au centre d'une cour intérieure au sol pavé, couvert de mousse. Jusqu'à présent, je ne l'avais encore jamais remarquée.

- Bien, je vois que tu t'es vêtue du costume que j'avais spécialement fait confectionner pour toi. J'aimerai avant toute chose, tester tes capacités de frappe, d'attaque.

  D'un geste gracile de la main, il fit apparaitre comme par magie un semblant de mannequin en toile de jute, d'une taille plutôt propice à celle d'un homme. De son autre main, il me fit signe d'approcher et me glissa entre les doigts un objet froid et métallique: une épée. Bien que je ne m'y connaisse pas plus que ça en matière d'armes, je ne restai pas indifférente à sa légèreté et à la souplesse de la lame, elle semblait facile à manier. Je n'osai pas la manipuler plus que ça, de peur de me blesser, ou de le blesser, j'ignorai ce qui s'avérerait être le pire.

- Eh bien! Qu'attends-tu?

  Je le regardai sans comprendre, cherchant toujours à détecter un semblant de regard sur son visage.

- Attaque! Montre-moi ce que tu caches là-dedans!

  L'un de ses tentacules venait de me tapoter avec insistance l'abdomen, comme pour en faire sortir ce qu'il cherchait à tirer de moi. Alors pour ne pas fléchir, pour ne pas échouer, je me tournai vers le mannequin qui semblait m'attendre, attendre le coup qui lui serait fatal.

  Mes mains devenues moites, je resserrai ma prise sur la poignée métallique et m'approchai prudemment, le cœur au bord des lèvres, le souffle coupé. À une distance qui s'avérait raisonnable, j'élevai d'un geste maladroit l'arme au dessus de ma tête et l'abattis sur le mannequin! Le coup porté ne se révéla pas être très efficace puisque seule l'épaule de ma victime avait été touchée, pourtant, j'en fus grandement troublée. La vue du sang s'écoulant de cette plaie peu profonde me souleva l'estomac une nouvelle fois depuis seulement quelques heures, je lâchai brusquement l'épée et m'en éloignai comme si je venais de me brûler. Je plaquai la paume de ma main contre mes lèvres et m'assis au sol, prise d'un certain dégoût, les yeux pourtant rivés sur ces gouttes écarlates qui souillaient la teinte brunâtre de ma victime.

- Enfin, ne te laisse pas abattre pour une si petite blessure.

  Sous le choc, je ne lui accordai pas même un regard, pas un soupçon de considération. Recroquevillée sur le sol de pierres, les membres raidis par l'angoisse, le cœur battant à tout rompre, je restai là telle une loque. C'est après seulement quelques secondes d'isolement que je m'efforçai de me remettre sur pieds, il ne fallait pas que je flanche, que je verse, rien. J'avais choisi. J'avais eu la chance de choisir.

- Quel raisonnement! J'en serais presque fier.

  Ma mâchoire se décontracta un peu et je pus même ressentir l'envie d'esquisser un sourire. Ah! Sa foutue manie de lire dans les pensées! Je finissais par la trouver amusante, exaspérante, mais amusante! J'allai ramasser mon épée et soufflai un bon coup, pris mes distances, me redressai et... fonçai.

Il était un automne... [Creepypastas]Where stories live. Discover now