Qu'êtes-vous?

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  Ma chute avait été longue, ma fin avait été appréhendée, je m'étais laissée tomber dans l'interminable vide qu'était la hauteur de l'impressionnante demeure où s'étaient écoulées mes derniers instants de vie. J'avais attendu, la respiration retenue, le cœur serré, les yeux clos, que mon corps frappe violemment le sol, que ma nuque se brise, que mes jambes se broient, que tout en moi s'arrête. Et pourtant, rien ne s'était arrêté, ma nuque ne s'était pas brisée, mes jambes ne s'étaient pas broyées, j'avais été rattrapée, un ange certainement avait eu la bonté de m'éviter la mort!

- Slenderman.

  L'effroyable voix grave qui résonnait dans mes oreilles depuis maintenant un bon quart d'heure m'arracha de mes pensées et je fus obligée de soutenir mon regard, visant une paire d'yeux ou bien tentant de discerner une quelconque œillade, en vain, mon interlocuteur semblait dénué de visage et malgré la fatigue qui durcissait mes traits je n'en restais pas moins effrayée!

- Comme tu me l'as demandé, je suis Slenderman.

  "Slender", on comprenait pourquoi: cet homme ou plutôt, cette créature, était très mince, immense et longiligne. Il était l'ange qui avait eu la bonté de me sauver, celui qui m'avait rattrapée lors de ma chute, de mon ascension vers l'au-delà, et pourtant, à cet instant, j'aurais préféré être morte que d'être interrogée dans un bureau sombre et froid de plus par une créature dépourvue d'expression et au timbre glacial! La tête rentrée dans les épaules, les yeux larmoyants et le cœur battant à tout rompre, je hochai la tête pour exprimer mon accord mais ne parlai point, sous peine de vomir ou bien encore d'échapper mes supplications pour ne pas finir mes jours ici.

- Et je répète ma question, quel est ton nom?

  Je me raidis encore plus que je ne l'étais déjà et battis des paupières, cherchant à chasser les larmes qui embrouillaient ma vue, j'entrouvris les lèvres et déglutis bruyamment avant d'émettre un faible "Lou" qui s'évanouit dans un ensemble de sanglots.

Le dénommé Slenderman se redressa sur son fauteuil, réajusta sa cravate en soie rouge et joignit ses longs doigts d'une blancheur extrême, il semblait me toiser de toute sa grandeur.

- Bien ! Je suppose que tu souhaiterais savoir pourquoi tu te retrouves ici, n'est-ce pas ?

Je sursautais une fois de plus, détaillant maladroitement les reliefs peu présents de son visage non-existant, seules ses pommettes saillantes étaient marquées ainsi que l'arête du nez que l'on lui imaginait : comment faisait-il pour respirer, pour parler ou encore pour voir ?

- Cesse donc de te préoccuper de mes particularités physiques et réponds donc à ma question, je n'ai que faire de ta détresse et je n'aimerais pas user de mon temps inutilement pour entendre une idiote geindre ! Parle !

Une créature humanoïde, sans visage et vêtue d'un costume luxueux, ayant accès à nos pensées, j'allai me réveiller, j'allai émerger de ce cauchemar ! Je ne pus retenir mes larmes et, entre mes dents, gémis un « oui » à peine audible.

- Saches en premier lieu que si tu te retrouves ici, c'est en partie de ta faute !

Je relevai brusquement la tête prête à répliquer mais les mots restèrent bloqués au fond de ma gorge, il serait trop dangereux de le contredire.

- Étonnant, n'est-ce pas ?

Je pris soin d'affirmer cette interrogation en dodelinant de la tête précipitamment.

- Tu es impliquée indirectement dans ton propre enlèvement.

C'en fut trop, je plantai mes ongles dans le cuir molletonné de mon assise et révoltée, tremblotai de la mâchoire :

- Impensable ! Pardonnez-moi de mon insolence, mais ce que vous dites est impensable !

Slenderman s'adossa au cuir de son fauteuil et croisa les bras, poussant un léger soupir.

- Tu as aperçu l'un d'entre nous, voilà pourquoi tu es ici.

Je fronçai les sourcils d'incompréhension et essuyai d'un revers de manche les larmes qui avaient coulées lors de ma révolte qui ne fut qu'un échec. Alors je ne m'étais pas trompée, ils étaient bien plusieurs et ils volaient bien les villageois.

- Oui, nous sommes plusieurs. Et le jeune homme que tu as aperçu dans les sous-bois est l'un des notre.

- Et... Pourquoi m'avoir enlevée ?

- Comme tu l'avais si bien deviné, nous sommes les « brigands de la dernière fois », ceux qui dérobent la nourriture, seulement la nourriture.

Un problème de résolu. Un. Les voleurs étaient démasqués, enfin... Façon de parler !

- Et par peur, vous avez décidé de m'enlever pour que je ne révèle rien !

Il émit un sombre gloussement, ses épaules s'élevant au rythme de ses ricanements. J'avais achevé la fin de son aveu, clos la fin de l'histoire, de mon histoire. Kidnappée, lui et ses complices allaient m'enfermer dans leur cave et me laisser mourir de faim pour que je ne révèle rien ! Elle était proche, ma fin.

- Non, nous n'allons pas te séquestrer dans une cave et te laisser mourir de faim. Nos sorts sont plus... minutieux que ça !

   J'étouffai un sanglot et plaquai ma paume contre ma bouche, je n'osai imaginer en quoi consistaient les sorts qu'ils attribuaient à leurs victimes. À ce stade-là, j'ignorai par quel mot je pouvais décrire mon angoisse. Ils n'étaient pas seulement des voleurs, ils étaient également des... Tueurs.

- Vous tuez? N'est-ce pas?

  Son ricanement mesquin s'amplifia et devint un rire effroyable qui ne cesserait à jamais de me hanter, j'en étais sure!

- Seulement si nécessaire!

  Apeurée, la sueur commençait à perler sur mon front et prise d'un second élan de panique, je m'écriai de nouveau, d'un ton plus fort, bien que les tremblotements de mon corps jouent sur mes paroles qui se voulaient assurées.

- Qu'êtes-vous? Dites-le moi!

- Voyons ma chère Lou, nous sommes des Creepypastas.

  Merci d'avoir lu, l'histoire commence à prendre forme et j'espère qu'elle vous plait!

  Lucie Draw

Il était un automne... [Creepypastas]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant