L'Acceptation

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Elle est juste là, ses cheveux roux dissimulant ses épaules blanches, voilant une large partie de son visage mesquin. Elle est là, notre différence.

Conscience est mon autre moi. Ma jumelle intérieure, mon double psychique.

Et pourtant, elle est nettement plus pervertie que ma personne.

- Regarde-toi, Lou ! Tu ne t'es pas ratée ! Tu souffres ?

Ne comprenant pas ce qu'elle veut dire, j'abaisse mon regard et contemple un instant mon corps.

Rouge. Je vois du rouge. De partout.

Le pourpre semble s'échapper de tous mes orifices. Il ruissèle sur mes mains, le long de mes jambes, dans l'encolure de la camisole - autrefois blanche - que je porte. Par simple réflex, je porte mes doigts à ma bouche et perçois sa moiteur. J'entrouvre lentement mes lèvres et passe le bout de ma langue sur ces deux morceaux de chair sanguinolents qui laissent échapper une coulée noire de sang chaud. En silence, j'observe ma sève tâcher mes pieds nus, perdus au milieu d'un parterre de fleurs blanches.

- Lou ? Dis-moi ! Est-ce que tu souffres ? La douleur, tu la ressens, n'est-ce pas ? Hein, Lou !

Conscience trépigne. Je la vois s'agiter, ses mains remuant en tous sens, faisant virevolter les manches de sa camisole immaculée. Mais je demeure incapable de lui répondre, captivée par l'étendue de mon pourpre qui ne cesse de s'agrandir.

- Lou !

Sa voix stridente m'arrache à mes contemplations et je relève le chef, agacée. Soudainement, Conscience se précipite vers moi et tend ses mains vers mon visage que je devine, lui aussi, couvert de rouge. Je tente un mouvement de recul mais elle me retient à temps et, d'un geste brutal, s'empare de mon visage à deux mains. Ses paumes sont glacées et leur contact à ma peau moite m'arrache une douleur aigue. Pourtant, je suis incapable d'émettre le moindre son. Ma bouche s'ouvre en grand et ma gorge me tiraille, mais seul un râle s'en échappe. Conscience ne parait pas s'en préoccuper et garde ses mains plaquées sur mes joues, plongeant son regard dans le mien. Dans le nôtre.

La douleur me pique, me brûle, me consume. Si mes paupières étaient closes, je pourrais croire que l'on m'arrache la peau !

Et je demeure muette.

- Oh je vois ! Tu fais la muette, Lou !

Arrête de crier, Conscience.

- Quel manque de courage, d'ailleurs ! Se suicider ?! Tu nous as vraiment envoyées valser, toi et moi ! Oui, Lou ! Toi, et moi !

Arrête Conscience, ne griffe pas mon visage, par pitié.

- Enfin... Cela m'a permis de te revoir, Lou ! J'avais hâte, tu sais ?

Conscience, arrête-toi. Je t'en supplie. Tu me rends sourde.

Et enfin, elle cesse. Sondant les moindres réactions que je puisse lui apporter. Je sens ses paumes quitter mon visage puis elle s'éloigne de quelques pas. Autour de nous, la brise s'accélère et nos cheveux se mêlent. L'entièreté de ma peau teintée de rouge s'assèche et bientôt, le cruor forme une simple pellicule sombre sur mon albâtre. Etrangement, Conscience me sourit avec une douceur que je ne lui connais pas. Son regard m'est maternel et, son index sur mon ventre, je sens cette fois-ci une intense chaleur qui m'envahie progressivement.

- Lou ?

Sa voix aussi a changé. Elle est plus grave et plus calme, elle est devenue douce. Elle glisse comme un souffle, comme un chuchotement.
Un pétale sur une eau qui dort.

- Lou ? As-tu conscience de ta position, à présent ? Tu es morte, Lou. Tu le sais.

Ma boule de chaleur garde un stade supportable et je me détends, je n'ai plus froid.

Il était un automne... [Creepypastas]Where stories live. Discover now