Derrapage, débordement et voyage voyage

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- Axelle ! Reviens ici ! Axelle, ça ne sert à rien ce que tu fais... Tu... Tu ne la retrouveras pas !

Il était vingt et une heures passées, la nuit était tombée depuis longtemps et plongeait l'entièreté de la ville, du pays, dans l'obscurité. Seule la lueur orangée des réverbères permettait aux conducteurs ou aux piétons de percevoir leur chemin, ou bien à la mère d'Axelle de distinguer clairement les larmes qui scintillaient sur les joues de sa fille. La plus jeune des deux s'apprêtait à rejoindre la gare au pas de course lorsque l'autre femme s'était jetée sur elle pour la retenir, l'encerclant de ses bras couverts d'un fin chandail.

- Laisse-moi juste... Juste... Parler à ses grands-parents ! Maman... S'il... Te plaît...

L'adolescente au regard empli de larmes, aux ongles rongés, au visage creusé un peu plus chaque jour par les cernes se laissa tomber à même le bitume froid du trottoir presque gelé. Sa mère l'étreint plus fort, comme pour la protéger de la brise fraiche de ce presque début d'hiver, comme pour la protéger de tous les malheurs du monde.

- Pourquoi Maman? Pourquoi Lou m'a-t-elle laissée ? Maman... Maman, dis-moi...

Elles restèrent un moment-là, enlacées sous un ciel noir dénué d'étoiles, dans une brise assez forte pour sécher leurs larmes.

***

Axelle émergea de son sommeil que lorsque son réveil se remit à sonner pour la troisième fois. La tête lourde et les yeux bouffis pour avoir trop pleuré, elle s'extirpa non sans peine de son lit et se dirigea d'un pas lourd vers la salle de bain. Comme chaque matin depuis une bonne semaine, elle ignora son reflet dans le miroir, elle boycotta son maquillage, elle renia son lisseur, ses jupes, ses bottines pourtant si féminines. Axelle ne souhaitait qu'une chose : s'effacer. Tout comme son sourire, sa bonne humeur. Non, elle ne perdait pas espoir, elle était juste... Sonnée, dévastée par cette disparition ! Qu'était-il donc arrivé à sa meilleure amie ? Où était-elle en ce moment ? Avait-elle fugué ? Avait-elle été enlevée ? Dans tous les cas, une question revenait sans cesse : « Pourquoi ? »

- Chérie ?

- M'man...

Axelle se laissa aller contre sa mère qui l'enlaça une nouvelle fois, déposant un baiser maternel sur son front.

Dans le tram, la jeune fille ne regardait que le bout en caoutchouc blanc de ses converses, refusant de croiser le regard de quiconque, elle ne voulait pas parler, ni même sourire. Pourtant, ça n'était pas vraiment dans les plans de son meilleur ami, Fred.

- Toujours d'humeur boudeuse ?

Le regard noir de la lycéenne transperça celui de son locuteur, un sourire narquois mais quelque peu forcé bombant sa pommette gauche, contrastant drôlement avec sa mâchoire anguleuse digne d'un bel homme « bien viril ». Ce dernier effleura le menton de son amie dont les yeux venaient de s'emplir de larmes, une fois encore. Le tram s'ébranla et s'arrêta à leur station. Quelques mètres plus loin et ils seront en cours. Quelques mètres plus loin et ils subiront une nouvelle fois les questions incessantes de leurs camarades qui se voulaient compatissants, cherchant à prendre des nouvelles de leur état, savoir s'ils supportaient « tout ça », ou encore, s'ils avaient des comptes rendus de l'enquête que menait la police afin de retrouver Lou. Mais chaque fois, les réponses restaient les mêmes : « Oui, nous allons plutôt bien...», « On supporte, il le faut ! », « Non, aucune idée... Mais la police n'abandonne pas ! ». Et inlassablement, Fred et Axelle s'efforçaient d'accompagner leurs réponses par un petit sourire qui se voulait rassurant.

- J'veux pas y aller.

- Axelle, on va pas se permettre de louper des cours... Pas pour...

- Pas pour ça ? C'est ce que tu allais dire ? Fred...

Il était un automne... [Creepypastas]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant