Lou Farge

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Deux semaines plus tard...

Janvier, et l'énigme n'avait jamais été plus complexe.

Face au miroir de sa chambre d'enfant, Anton nouait machinalement une cravate noire autour de son cou. Exténué, il observait son reflet du coin de l'œil. Il n'avait pas besoin de glace pour deviner ses traits tirés, ses cernes brunes ou sa perte de cheveux.

Il enfila une veste de costard noire et sortit de la pièce aussitôt. Il descendit les escaliers et rejoignit ses parents dans l'entrée. Jo semblait porter le même complet que lui, mais son air absent différait avec celui de sa femme, amaigrie, le visage barré d'un voile noir. Odette avait retrouvé la force de marcher depuis peu, mais aujourd'hui, elle se déplaçait uniquement pour aller pleurer sur la tombe de sa petite-fille ; Lou Farge.

Une semaine auparavant, on l'avait enfin retrouvée. Son corps gisait dans un fossé à plusieurs kilomètres du village. Selon les médecins légistes, elle avait été percutée par une voiture depuis deux jours.

Une partie de ses côtes avait été broyée tandis que l'arrière de son crâne s'était ouvert lorsqu'elle avait percuté le sol. Ce qui avait, sans aucun doute, causé sa mort.

Anton n'y avait pas cru, et encore aujourd'hui, tout cela lui paraissait irréel. Pourtant, la personne qui reposait dans ce cercueil, son visage nettoyé, maquillé, ne pouvait être que celui de sa fille. Ses longs cheveux roux avaient été soigneusement coiffés, disposés en cascade sur ses épaules habillées d'une robe rouge qu'elle n'avait portée que pour les grandes occasions.

Comme chaque défunt, elle apparaissait sereine. En paix pour l'éternité.

Malgré cette preuve indéniable, ce corps n'était pas le vrai.

Au cours de la semaine qui avait précédé la cérémonie, Anton avait tenté à plusieurs reprises de faire entendre raison à ses parents. En vain, il avait accepté leur entêtement.

Peut-être que Odette préférait croire en les faits actuels pour mettre fin à sa propre torture. Et Jo, qui lui non plus, n'était pas convaincu, avait gardé un silence de plomb. Quant à se murer dans une profonde réflexion.

***

Le cercueil fut bénit par des dizaines de mains, des centaines de paroles et des regards compatissants. On le submergea de fleurs, l'aspergea d'eau sacrée et enfin, on le mit en terre. De la plus simple des façons.

Les gens repartirent, certains offrant une embrassade légère à Anton qui s'efforça d'y répondre. On offrit un apéritif discret, qui permit à beaucoup de se rappeler la petite Lou souriante qui était devenue une belle jeune femme.

« Une jeune femme secrète et distante. »

On parlait de ses prouesses à l'école, de sa passion pour la lecture, mais aussi de son handicap; de son asthme, son squelette fragile.

Mais on ne parla pas du pourquoi de sa fugue, si seulement il s'en était agi d'une.

« Évidemment que non. »

Jo et Odette regagnèrent leur maison à la fin de la journée, Anton resta assis sur un banc du cimetière. Il avait froid, mais il s'en fichait. Rien ne pourrait l'être plus que ce qu'il avait ressenti en apercevant ce corps inerte sur cette table en métal.

Une bourrasque de vent s'engouffra dans l'allée et sortit l'homme de ses pensées. Il aperçut une silhouette svelte, dressée sur deux jambes effilées, quelques tombes plus loin. Par courtoisie, Anton la salua et à son grand étonnement, la personne s'approcha.

Il était un automne... [Creepypastas]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant