L'or contre l'or

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À cet instant, j'avais cessé de penser. Je ne cherchais plus à apaiser ma respiration, ni même à faire face à la douleur.

Je m'étais livrée de mon propre chef à la souffrance, redoutant le pire. Mes yeux baignés de larmes ne voyaient plus que du rouge et ma tête, si lourde, ne réfléchissait plus.

Je n'entendais plus. Pas même les paroles élocutées par les autres pour me calmer, ni même mes propres cris.

Les entrailles immolées, je ne sentais plus que les flammes de mon bas ventre lécher mes cuisses avant de les dévorer toutes entières. Mon bassin se fracturait petit à petit, tandis que mes hanches se déformaient.

J'accouchais d'un monstre.

Je le sentais ramper en moi, ses griffes s'accrochant à mon intérieur, déchirant son oeuf avec férocité. Je devinais la naissance de ses cornes perforer mon utérus, son petit corps s'enduire de mon sang, et sa langue, ignorante, goûtant la sève de sa propre génitrice.

Quand ses yeux, jaunes, encore aveuglés de sommeil, s'ouvrirent au Monde, je basculais dans le vide.

Les bras tendus en avant, cherchant à s'agripper à un dernier espoir, je continuais pourtant de sombrer dans un néant total où le seul réconfort fut le silence assourdissant qui retentissait alors.

Mes yeux s'apprêtaient à se fermer, peut-être pour la dernière fois - sûrement -, mais avant ça je réalisais une chose:

J'étais mère.

***

L'impression de noyade grandissait au fil des secondes passées dans ce gouffre sans fin. Il n'y avait aucune substance à laquelle je puisse me raccrocher, aucun fond sur lequel je puisse atterrir.

Je basculais dans l'infini, ne sachant si mes yeux demeuraient encore ouverts.

J'ai senti mon coeur se soulever, mes poumons se comprimer et la chute a pris fin, brutalement.

- C'est fini Lou, ne t'en fais plus, c'est terminé.

"Lou?"

Une main s'est glissée dans la mienne, puis une poigne affirmée a saisi mon bras.

La surface s'est découverte et quelques rayons de lumière ont transpercé mes yeux.

Le visage de celui qui me portait secours s'est dessiné, se révélant parmi les lymbes de ce puits sans fond.

- Toi?

Il s'est mis à sourire. Une douceur méconnue se dépeignant sur ses lèvres parfaites.

- Fais-moi confiance. Laisse-moi te ramener là-haut.

Était-ce là une nouvelle forme de choix ultime qu'il me fallait faire?

Une seconde chance?

Encore une fois, je me retrouvais à devoir choisir entre la vie et la mort.

- Je ne veux pas vivre à tes côtés.
- Tu auras le temps pour finir par accepter mes sentiments.
- Je ne veux pas t'aimer.
- Moi, non. Mais lui, tu n'y résisteras pas!

Nos alliances se sont effleurées et le tintement de l'or contre l'or s'est transformé en un sanglot, une chute de pleurs puis un cri perçant, nouveau.

Celui d'un enfant tout juste né.

Celui de nu-Zalgo.

***

Ann ne savait que penser de la situation. Le tableau qui s'offrait à elle dégageait une aura si angoissante que ses membres refusaient de lui obéir, la contraignant à rester immobile, ses mains sanguinolentes tombant le long de ses hanches.

Il était un automne... [Creepypastas]Where stories live. Discover now