Une visite nocturne

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   Voilà une semaine que je logeais chez mes grands-parents, cinq jours que Mamie et moi étions allées au marché, cinq jours que mes pensées vaquaient entre différentes questions: "Qui était-il?", "Que faisait-il?", "D'où venait-il?" L'homme que j'avais aperçu ce jour-là ne cessait d'occuper mes pensées, oui c'était un homme, j'en étais persuadée: grand, robuste, une posture masculine, il avait tout d'un homme. Peut-être qu'il n'avait rien à voir avec les différents vols commis depuis le début du mois, ou bien, peut-être que si. Mais le plus intriguant restait le port d'un masque, s'il portait un masque c'est qu'il cherchait à ne pas se faire reconnaître bien qu'il soit fort repérable: blanc, des yeux peints en noir ainsi que les lèvres et des sourcils drôlement courbés. Je n'en n'avais toujours pas parlé, je n'avais rien dis, rien fais paraître, mais plus les vols devenaient fréquents, plus je m'inquiétais.

- La mère d'la boucherie s'est faite piquer trois gros jambons, des biens bons! Les salauds! J'me demande combien ils étaient! Après la ferme d'Hugues, les cagettes de pommes, puis les fromages du père Gredin et ensuite les jambons... Sottises!

  Énervée, Odette relâcha lourdement la louche dans le plat de purée et se tâcha. Je m'empressai de l'aider à nettoyer les éclaboussures sur le plan de travail et mis la table:

- Et elle n'a pas d'argent manquant? Demandai-je, connaissant déjà la réponse.

- Non, rien, toujours pas! Enfin... C'est d'jà ça!

  Il était étrange qu'ils ne brigandent aucun objet de valeur ou bien ne serait-ce qu'un peu d'argent, ils semblaient ne se contenter que de nourriture. Ou alors ils possédaient déjà suffisamment de biens pour ne pas avoir à en voler plus mais dans ces cas-là, pourquoi dérobaient-ils des victuailles aux paysans du coin au lieu d'en acheter?

                                                                                            ***

  - Bon mes p'tiots! Je m'en vais dormir!

  J'embrassai Jo et lui souhaitai une bonne nuit avant de rapporter mon attention à la conversation téléphonique qu'entretenait Odette avec ma mère.

- Bon allez, j'te la passe, bisous!

  Je saisis à contre cœur le combiné que l'on me tendait et me levais de mon fauteuil.

- Maman...

- Ah! Lou! Comment ça va? Tes vacances, ça se passe bien? Et tes devoirs, tu les as faits? Et puis...

  Je soupirai, elle ne pouvait pas s'empêcher de poser trente questions à la fois...

- Maman! Tout va bien, tout!

- Très bien ma chérie, très bien! Et tu n'es pas malade? Et ton asthme? Et puis Odette m'a parlée des vols! Ton père et moi sommes très inquiets! Et puis tu sais, si tu veux rentrer, n'hésites pas surtout! D'accord?

  Mes ongles grattant l'arrière plastique du téléphone fixe, je contractai la mâchoire et inspirai profondément.

- Écoute, je vais très bien, et non, je ne veux pas rentrer! Je t'embrasse.

  Et je raccrochai, bouillant de l'intérieur. Je ne la comprendrai jamais, elle n'est jamais à la maison et dès que je suis absente, elle se ronge les sangs, mais enfin! Je ne suis pas en sucre non plus! Et Jo et Odette, elle les connait quand même, pourquoi s'inquiétait-t-elle autant? Énervée, je souhaitai une bonne nuit à Odette également, et montai les marches d'escaliers en tapant des pieds telle une gamine de six ans.

                                                                                           ***

  J'en étais sure! Il y avait bien quelque chose à ma fenêtre, quelque chose d'assez lourd faisant craquer l'avancée du toit située sous mes carreaux. Je m'étais réveillée depuis dix bonnes minutes, intriguée par ces bruits répétitifs. J'ignorai l'heure qu'il était, mais à la vue du ciel, nous devions nous situer entre une heure et trois heures du matin. Recroquevillée sous ma couette, je restais attentive aux craquements alentours, quelques frissons me parcourant. Depuis mon lit, j'observais ma fenêtre, tentant de relever le moindre mouvement étrange, la moindre ombre suspecte. Seulement, je n'entendais plus rien. J'attendis quelques minutes de plus et décidai de m'étendre de nouveau, sentant mes muscles s'engourdir. Renonçant à rester éveillée, je fus emportée par la fatigue et m'abandonnai aux bras de Morphée.

                                                                                            ***

  - Tu m'as l'air bien fatiguée, tu ne serais pas malade quand même?

  Effectivement, cela faisait la troisième fois que je baillai longuement en à peine cinq minutes.

- Quelque chose m'a réveillée cette nuit, il y avait du bruit sous ma fenêtre.

- Certainement un loir! T'as pris peur?

  J'esquissai un sourire que je voulais détendu mais ne renchéris pas, oui j'avais pris peur et non ce n'était pas un loir, j'en étais certaine.

- Ah! Les jeunes de nos jours, ils prennent peur de tout! Et puis... Avec vos histoires d'horreur que vous lisez constamment sur Internet, ou vos films à dormir debout, vous devriez cessez d'avoir les chocottes pour un misérable rongeur!

  Mamie se reporta à sa cuisine et Papi Jo ricana, sa pipe coincée entre ses lèvres gercées s'élevant au rythme de ses épaules secouées par ses ricanements. Quant à moi, j'achevai ma dissertation par un point bien marqué et remballai mes affaires, je remontai à l'étage et m'affalai disgracieusement sur le lit toujours défait. Dans le silence, je me laissai emporter par mes pensées, oubliant tout le reste. Encore hier, je doutais du lien entre l'homme masqué et les vols commis, à présent, j'en étais sure, il y en avait un, de lien.

  Merci d'avoir lu, quelques commentaires seraient les bienvenus histoire de prendre en compte vos avis sur le début de cette fanfiction. À bientôt!

  Lucie Draw

Il était un automne... [Creepypastas]Donde viven las historias. Descúbrelo ahora