Métamorphose

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J'avais beau être tétanisée par cette immense créature, je ne pouvais me retenir de lui hurler ma colère. Cet abominable marché!

- Alors c'est de ça que vous vouliez parler! Ce marché complètement... Absurde!

Nous étions de nouveau enfermés dans ce bureau, seul à seul. Je le haïssais. Non seulement il avait manigancé mon enlèvement, mais en plus de ça, il me proposait un marché qui sortait totalement de l'ordinaire! Je pleurais beaucoup trop, ma gorge semblait noyée de sanglots interminables et pourtant, avec peine, je continuais de lui vomir des reproches tous plus cinglants les uns que les autres!
Je me fichais de ce qu'il m'infligerait par la suite, son marché aboutirait sans doute à un même résultat: la mort. Lorsque j'eus achevé ma tirade, je me laissai retomber sur l'assise qui m'était destinée et me recroquevillai, je voulais sortir d'ici, partir, oublier. Mais ce n'était pas réalisable et Slenderman me l'avait bien fait comprendre: soit je me joignais à lui et sa bande de tueurs, soit je mourais. Ma décision était déjà prise, ne restait plus qu'à la subir...

- Alors c'en est ainsi, tu choisis la facilité et moi, je te croyais plus réfléchie, plus brave, plus aventureuse! Et bien, tu finiras comme tout les autres...

Il soupira longuement mais je savais bien qu'il ironisait ses dires, il voulait me faire réfléchir, me faire culpabiliser. Était-ce préférable d'arracher la vie à des personnes que l'on ne connaissait pas contre l'occasion de revoir sa famille, ou bien était-ce plus sage de se sacrifier car l'on en savait trop? Même en y réfléchissant encore, je ne me sentais point capable de tuer. Je n'étais pas faite pour ça, personne n'était censé être fait pour ça! Devant ma mine déconfite, mes joues pâles et mon regard terni, Slenderman reprit:

- Tu as une semaine de réflexion devant toi, à partir de maintenant, Midi.

Accablée, je tentai de l'assassiner du regard mais n'en trouvai pas la capacité, je voulais partir. Et quand on voulait, on pouvait! Je m'enfuirai, j'y arriverai! Bruyamment, je fis racler les pieds de mon fauteuil au sol et sortis sans discuter d'avantages, claquant la porte, coupant sa dernière réplique: "T'échapper ne t'apportera qu'un allé simple pour l'au-delà, ou l'Enf-".

***

- Tu vas où?

Je sursautai et stoppai ma marche raide et rapide, solution qui m'aurait permis de ne croiser personne jusqu'à ma chambre, mais je me retournai à contre cœur et d'un œil méfiant encore humide de larmes, je parcourus le long corridor auparavant traversé. Qui venait de m'interpeller?

- Lou?

J'abaissai mon regard et haussai les sourcils, étonnée face à la fillette au teint rose qui me souriait.

- Oh...

Elle s'approcha brusquement de moi et entoura mon bassin de ses bras, me serrant fort. Gênée, je me contentai de lui effleurer les épaules et elle s'éloigna quelques secondes plus tard, ramassant son ours en peluche délavé, abandonné au sol.

- Qui es-tu? Je ne connais même pas ton prénom...

Je m'étais accroupie, mon regard brun ancré dans le sien, ces deux émeraudes brillant de malice. Elle me sourit et releva l'une de ses nombreuses mèches rebelles, barrant son visage d'enfant, un visage lisse, quoiqu'un peu marqué par une fine cicatrice entre ses deux sourcils.

- Sally, je me nomme Sally Williams! C'est pas courant de voir des filles dans ce manoir! Tu es grande, tu as quel âge?

Je ne pus m'empêcher de sourire, sa présence me rassurait, bien qu'elle ait un lien avec Slenderman... D'ailleurs, j'en restai étonnée!

- J'ai dix-sept ans, et toi Sally?

- Seulement huit ans, mais c'est un charme, en réalité j'en ai treize!

Elle se mit à glousser face à mes yeux écarquillés d'incompréhension et m'adressa un clin d'œil : « Regarde ! » Elle ferma les paupières, se tint droite, et bientôt, la chose la plus extraordinaire perçue à mes yeux eut lieu : Sally, du haut de ses huit ans, sembla vivre cinq années de plus en seulement quelques secondes. La bouche béante et les yeux asséchés d'être restés si longtemps ouverts sans avoir cligné une seule fois, je n'arrivai plus à parler. A présent, je me trouvai face à une jeune fille de treize ans, au corps menu et à la posture plus assurée. Elle avait toujours ses grands yeux verts plongés dans les miens et la même cicatrice joignant ses sourcils plus foncés, mieux dessinés. Ses cheveux auparavant ébouriffés paraissaient plus longs et mieux soignés, encadrant ses joues minces et moins rosies.

- Alors, comment tu me trouves ?

J'émis un raclement de gorge et tapotai mon sternum.

- Je te trouve... Changée !

Je ris nerveusement et mon interlocutrice, quant à elle, éclata de rire !

- En effet, Lou, c'est un charme, un sortilège ! Je suis arrivée ici il y a près de cinq ans, mais pour effectuer nos missions, je garde mon apparence de gamine ! C'est ma particularité !

Mon estomac fit un bond et toute mon admiration retomba. En quelques minutes, elle avait réussi à m'apaiser, à me faire oublier la situation malheureuse dans laquelle je me trouvais et ce, grâce à ses rires et la transformation tout bonnement magique qu'elle s'était exécutée de réaliser, mais ses quelques derniers mots me rappelèrent à l'ordre immédiatement: "...nos missions." Ces gens n'étaient pas normaux et ils n'avaient rien d'apaisant, rien de magique, rien de fascinant. Mon sourire s'effaça et je me courbai de nouveau, Sally sembla le remarquer et fit la moue.

- Tu as peur, n'est-ce pas?

Oui. Oui, j'avais peur et rien n'y remédierait. La jeune fille me serra une fois de plus dans ses bras et me murmura à l'oreille:

- Nous ne sommes pas si inhumains. Nous avons tous un cœur, mais une façon différente de le prouver. C'est ton histoire, à toi de jouer!

Merci d'avoir lu! Voilà une seconde rencontre pour Lou qui semble de plus en plus impressionnée... Et elle n'est pas au bout de ses surprises! A très bientôt!

Lucie Draw

Il était un automne... [Creepypastas]Donde viven las historias. Descúbrelo ahora