Partie 1

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Camila

Le noir. Je suis coincée dans une maison abandonnée aux planches pourrissantes, encerclée par des morts vivants. Leur grognement est incessants, ils ne parlent pas, mais veulent juste faire de moi leur dîner. Soudain, la porte cède et tous les zombies se jettent sur moi. Je me débats, les repousses comme je peux, ils ne lâchent pas l'affaire.

- Au secours ! Que quelqu'un m'aide.

Je hurle ce qui me réveille. Mon dieu, ce n'était qu'un cauchemar.

Il faut que j'arrête de regarder the Walking dead avant de me coucher...

Les yeux toujours fermés, je reprends mon souffle. Si je suis réveillée, pourquoi je sens un truc humide gluant, dégoûtant se promener sur mon nez ?

- Beurk !

Je me redresse brusquement et j'ouvre les yeux. Là, c'est l'angoisse : je suis réveillée, pour de vrai cette fois, pourtant, je ne sais pas où je suis ! Je ne sais pas à qui est ce lit dans lequel j'ai apparemment passé la nuit. Et on parle de cette chambre, tout droit sorti d'un magazine de design. Je n'ai jamais vécu dans un lieu si spacieux. Sans parler du chien surexcité qui est tout fou de voir que suis enfin réveillée et qui continue à me sauter dessus pour continuer de me lécher le visage à grands coups de langue. Pour ma chance, il est très facile de le calmer avec quelques caresses et la minute d'après il vient se caler dans mes bras.

La bonne nouvelle, c'est que les zombies ne m'ont pas mangé. Mais plusieurs questions se bousculent dans ma tête : qu'est-ce que je fais là ? Je suis où ? Quel jour sommes-nous, et en quelle année ?

Mon regard s'arrête sur un petit corps recroquevillé au bout du lit. Je reconnais ma petite sœur, Sofia qui dort paisiblement dans son pyjama rose de princesse. La mémoire me revient de plein fouet. Mon cœur se serre.

Finalement, je préférais l'option « attaque extraterrestre »...

Au moins, contre les zombies, on peut toujours les combattre, se défendre, survivre... Ma mère, elle, s'est battue de toutes ses forces contre la maladie, mais c'était peine perdue : elle n'avait aucune change de gagner contre le cancer du sein qui l'a emporté il y a deux mois.

Quand elle a appris sa maladie, ma mère a demandé à son ex-mari, notre père, Alejandro Cabello, de nous accueillir dans sa nouvelle famille. Mon père nous ayant abandonné trop tôt pour que je me souvienne de lui comme un père, on se retrouvait toute seule.

Entre la maison des parents de ma meilleure amie Dinah, chez qui j'ai habité pendant la maladie de ma mère, notre appartement, l'hôpital dans lequel j'ai passé un certain nombre de nuits, l'appartement de Miami des Cabello, où j'ai dormi une nuit avant de partir pour la maison de vacances à Cuba dans laquelle je me réveille aujourd'hui, normal que mon cerveau bug un peu...

Léo me sort de mes rêveries en me tirant par le T-shirt.

- Hé ! Pas mon T-shirt de The 1975 ! C'est mon préféré !

Léo se fout éperdument de The 1975.

Ce chien n'a aucune culture musicale.

Je le gicle du lit, pour lui apprendre à ne rien respecter, mais il y revient plus vite que son ombre, l'air de trouver ce nouveau jeu follement amusant. Il entreprend ensuite de réveiller ma sœur en lui léchant l'oreille – plus on est de fous, plus on rit. Sofia ouvre les yeux et sourit.

- Vous êtes réveillés ?

Les yeux à peu près aussi brillants que ceux de Léo – dont la joie se manifeste par d'étranges jappements – ma sœur se glisse sous la couette, à mes côtés et me tend un grand livre sur les princesses.

- Tu me le lis ?

Je souris, mais j'ai la gorge nouée. Depuis notre arrivés dans cette maison, j'ai lu ce livre à Sofia une bonne dizaine de fois. C'est notre mère qui le lui a offert, lors de son dernier anniversaire. Ma sœur ne le quitte pas, et elle a décrété que j'étais la seule à avoir le droit de le lui lire. Je me prête volontiers à ce rituel, même si j'ai parfois un peu de mal à empêcher ma voix de trembler.

- Tu as dormi avec ton livre, Sofia ?

- C'est parce que je voulais que tu me le lises ! Je me suis réveillée, cette nuit. Je n'arrivais plus à me rendormir. Mais tu dormais, toi...

- Oui, la nuit, je dors, dis-je en posant un baiser sur sa joue.

Quand je ne me bats pas contre toutes sortes de fantômes.

Depuis trois jours qu'on est arrivées ici, ma petite sœur et son chien, Léo, se glissent dans ma chambre, la nuit, pour dormir sur mon lit. Je crois que c'est sa façon d'apaiser son chagrin, et de me dire qu'elle est contente qu'on soit ensemble. Sofia est très secouée par la mort de notre mère. Je représente son dernier lien avec elle, et elle ne cesse de m'interroger sur notre mère : de sa couleur préférée à son parfum de glace favori, en passant par son dernier achat, tout y passe.

- Tu as vu, Léo et moi, on n'a pas fait de bruit ! On a attendu que tu te réveilles ! Bon, tu me lis ou pas ? dit-elle en se blottissant contre moi.

Dès les premières lignes, Sofia est complètement absorbée. Plus rien n'existe autour de nous. Comme si cette histoire avait le pouvoir de nous transporter directement dans le passé, au milieu du salon de l'appartement en Californie, quand ma mère était encore vivante et que nous formions encore une famille.

Sofia réclame tout le temps cette lecture, mais je me demande si ça nous fait du mal ou du bien. Un peu des deux, j'imagine. Quand je referme le livre, le visage de Sofia est empreint de tristesse. Les yeux baissés, elle joue avec la petite ancre marine qui orne le bracelet en cuir que je porte jour et nuit à mon poignet.

- J'aimerais bien avoir un souvenir de maman, soupire-t-elle.

- Mais tu en as plein ! Et puis, ce livre...

- Oui, mais je voudrais avoir quelque chose que je pourrais garder avec moi... Comme ce cadeau que tu portes...

Mouais.

Du haut de ses 9 ans, Sofia est un peu jeune pour comprendre, mais certains cadeaux sont un peu des boulets qu'on traîne comme on peut.

- Tu crois qu'elle nous entend, maman, quand on lit cette histoire ? demande Sofia.

- On n'a qu'à décider que oui, soufflé-je. Après tout, elle adorait lire... elle a peut-être une connexion spéciale avec les gens qui lisent des livres, surtout s'il s'agit de ses propres enfants !

- Alors lis-la encore une fois ! réclame Sofia en ouvrant de nouveau le livre à la première page.

- Encore ? Mais tu la connais par cœur !

- Oui, mais pas Léo ! Il n'a pas écouté !

- Je crois que Léo préfère nous lécher les orteils...

En entendant son nom, le chiot sort la tête de sous la couette puis se met à tirer Sofia par le pyjama en même temps qu'il pousse un gémissement. Ma sœur comprend immédiatement le message.

- Mince ! Léo n'est pas encore sorti !

Notre mère lui a fait promettre de s'occuper toute seule de son chien, sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Sofia, qui prend ses responsabilités très au sérieux, se précipite hors de la chambre, Léo sur les talons.

- Pardon, Léo, j'avais oublié ! Viens vite !

Je souris en la voyant détaler. Je suis contente de l'avoir dans ma vie. Elle a le don de mette la joie de vivre partout où elle passe.

Apprends-moi/fan-fiction camrenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant