Partie 25

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   Camila

Le lendemain matin, une agitation joyeuse secoue la maison. Clara et mon père ont organisé un barbecue pour leurs amis et un vent de bonne humeur souffle sur la cuisine. Ça change de la veille. Au petit déjeuner, mon père et Clara ont annoncé une promenade en bateau, mais Lauren s'était volatilisée. Nous avons fini par partir tous les quatre, sans Lauren. L'ambiance générale a été plus apaisée, mais sous mon crane, c'était la tempête.

J'ai passé la journée à lutter pour ne pas penser à elle. Face à la violence de ce que je ressens, je me demande si ce n'est pas mieux qu'elle soit absente. Mais la seconde d'après je la maudis de me fuir, pour les mêmes raisons.

A notre retour, Lauren était là, à bricoler sa moto dans la grange. Clara a réussi à grand-peine à convaincre mon père de laisser tomber, et elle a de nouveau disparu avant le dîner.

Quand je vois débarquer l'équivalent d'un bœuf entier, je comprends qu'il faut entendre « amis » au sens large. Entre leurs amis proches, leurs amis de vacances, leurs voisins, leurs relations de travail et quelques connaissances qui se trouvent dans le coin cet été, la moitié de la Havane est invitée à la soirée. D'après ce que je comprends, les amis de Lauren seront de la partie, eux aussi. Certains viennent en vacances ici depuis toujours et Alejandro et Clara les ont invités.

Si le tour en hélicoptère semble avoir été annulé, ils ont inscrit cette soirée dans le programme « cohésion familiale ». Les préparatifs se doivent donc d'être un moment de partage et de bonne humeur familiale.

Mon père vient de s'autoproclamer responsable de la viande.

La coopération a ses limites quand il s'agit d'allume un barbecue.

Clara fait équipe avec Sofia pour la décoration. Naturellement, Alejandro ne peut pas s'empêcher de commettre un délit d'ingérence en interdisant tout ce qui ressemble de près ou de loin à des princesses.

Lauren et moi écopons de la préparation des cocktails et du service au bar pour la soirée.

- Et vous avez intérêt à vous remuer si vous voulez que ce soit prêt pour ce soir, précise papa en regagnant le jardin avec ses allume-feu.

C'est comme ça que Lauren et moi nous retrouvons toutes les deux dans la cuisine, entourées d'une montagne de fruits à éplucher. En quittant la pièce, Alejandro a fermé la porte derrière lui. Tout juste s'il ne l'a pas verrouillée, pour être bien sûr que nous ne soyons pas tentées de nous dérober à la tâche qui nous incombe.

Enfermée avec Lauren. Je me sens mal à l'aise, d'abord. J'ai l'impression d'être dans une mauvaise émission de téléréalité. « Seul l'une d'entre vous ressortira vivante de cette cuisine. La bombe latine est la favorite, mais ne sous-estimez pas la petite hargneuse. »

Je me dirige vers un tas d'oranges que je commence à écorcer. Lauren n'a pas prononcé un mot. Je lève les yeux vers elle. Assise sur le plan de travail, elle est plongée dans son téléphone, les sourcils froncés. Et même comme ça, assise au milieu d'une cuisine, elle est belle.

Soudain, elle lève les yeux vers moi. Un sourire en coin passe sur son visage. Elle a remarqué que je la regardais, et ça l'amuse.

- Eh, je ne vais pas tout faire toute seule ! lâché-je d'un ton sec, pour masquer mon trouble.

Elle pose son téléphone sur la table.

- A vos ordres, chef ! lance-t-elle en attrapant un coteau.

Cette voix roque...

Soudain, son téléphone sonne. L'air de rien, je tente de regarder l'écran. Un prénom très court s'affiche en gros. On dirait un L. Ok, Lucy... Mon sang ne fait qu'un tour.

- Allô ? fait-elle.

Je fais mine d'être très concentrée sur l'écorçage d'une orange, mais bien entendu, je tends l'oreille pour ne pas perdre une miette de la conversation.

- Ouais... Où ? Non... Rien... D'accord.

Je ne lève pas tout de suite les yeux, histoire de ne pas donner l'impression de me soucier de ses affaires.

Mais quand je relève la tête, je tombe sur ses grands yeux verts. Elle me regarde, elle, et elle n'essaie pas de le cacher.

- Je te propose un deal, commence-t-elle en passant une main dans ses cheveux.

Si elle commence comme ça, je ne vais pas pouvoir refuser grand-chose.

- Tu prépares les cocktails maintenant, je ferai le service, ce soir.

Je jette un œil à la montagne de fruits à découper.

- Pas très équitable, ton deal...

- Quand tu verras les amis d'Alejandro, tu me remercieras de t'avoir épargné le service. Alors, c'est oui ?

- Est-ce que j'ai vraiment le choix ?

- Oui, tu peux aussi faire le service et l'épluchage...

Je lui jette une écorce d'orange, qu'elle esquive avec agilité.

- Je prends ça pour un accord, jette-t-elle avec un sourire en coin.

Elle regarde par la baie vitrée. Mon père est dans le jardin, en train de râler contre le barbecue qui refuse de s'allumer. Alors, avec la souplesse d'une panthère, Lauren bondit sur le plan de travail et sort par la fenêtre un peu en hauteur qui donne de l'autre côté de la maison.

Elle s'évade, littéralement.

Elle s'enfuit pour aller rejoindre Lucy ! Je bouillonne intérieurement. C'était ça, son deal ? Je suis aussi furieuse que déçue.

Mais au fond... peut-être que ça vaut mieux ? L'avoir si proche de moi sans pouvoir la toucher est une torture !

Apprends-moi/fan-fiction camrenWhere stories live. Discover now