Partie 4

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   Camila

Dans ma chambre, j'aperçois des habits étendus sur le lit. Une jupe plissée jaune pâle, un chemisier bleu clair blousant qui se porte boutonné jusqu'au col et une paire de derbies blanches. Tout à fait le style preppy chic que je déteste.

Après la brigade anti-mollesse, la brigade du bon goût vient de sévir...

Sous couvert de me refaire une garde-robe que j'avais négligée ces derniers temps, compte tenu des circonstances, Clara ne cesse de m'acheter des vêtements « convenables ».

Tout cela part d'un bon sentiment, sauf qu'elle fait abstraction de mes goûts. Chaque jour une nouvelle panoplie en forme de message subliminal apparaît sur mon lit : « Oubliiie le style métal, Camila. Nous sommes dans la Havane. Nous n'aimons pas ça, ici. Essaie cette jupe patineuse saumon, Camila. Esssssaie-la avant de dire que tu n'aimes pas. Traaaansforme-toi, Camila ! »

Désolée, Clara, mais ça ne va pas être possible.

Je veux bien la fermer quand mon père me fait des reproches, mais je ne renoncerai pas à ce que je suis au fond de moi-même. Je voudrais témoigner ma gratitude à Clara, pour tout ce qu'elle fait pour moi, mais je ne vais tout de même pas me déguiser en « Havana girl » pour lui faire plaisir. Et éviter que les voisins n'aient les cheveux qui se dressent sur la tête en me croisant. Si les riches familles d'ici préfèrent les filles vêtues d'habits et de chaussures bon chics bon genre, grand bien leur fasse. Il leur suffira de tourner la tête sur mon passage ou de faire une prière de désenvoûtement.

Je range soigneusement la tenue « fille sage » au fond du placard, où elle rejoint les mocassins vernis et le pantalon cigarette mauve clair d'hier. A la place, je prépare mon jean slim usé jusqu'à la corde et de mon top oversize Walking Dead.

Je me sens déjà mieux, et je passe dans la salle de bains attenante à la chambre que j'occupe. Pas de salle de bains commune ici, chaque chambre a la sienne, dotée de son propre thème et de ses propres couleurs. La mienne est rouge et blanc, et chaque fois que j'y mets les pieds, j'ai l'impression d'avoir basculé dans une autre dimension. D'abord parce qu'elle est construite en matériaux de luxe qui paraissent sortir d'un conte de Mille et une nuits, ensuite parce que la baignoire fait la taille de la cuisine de l'appartement dans lequel je vivais avec ma mère.

En sortant de la douche, j'attrape deux serviettes ultra-moelleuses empilées sur l'étagère. Une rouge que j'enroule autour de mes cheveux, une blanche que je noue autour de mes seins. Eh oui, tout est raccord, dans cette salle de bains, jusqu'aux serviettes. Il faut bien leur reconnaître une chose, à ces serviettes de luxe, elles sont si douces qu'on a envie de traîner dedans toute la journée. Je me demande quelle tête ferait mon paternel si je me pointais comme ça au déjeuner. Est-ce que ce serait convena...

Je sursaute et manque de lâcher ma serviette : à quelques mètres de moi, une meuf est en train de fouiller dans mes placards ! Elle vient d'en sortir un T-shirt de métal orné d'un motard à tête de mort et le tourne dans tous les sens comme pour comprendre sous quel angle on apprécie le mieux le dessin. Elle n'est pas gênée, cette femme de ménage !

Je noue ma serviette comme je peux et me plante au milieu de la chambre.

- Tout va bien ? Vous cherchez quelque chose de précis ? Vous voulez peut-être que je vous montre où sont mes culottes ?

La meuf se retourne lentement.

Waouh, canon, la femme de ménage !

Plus que ça, même ! Une des plus belles filles qu'il m'ait été donné de voir en chair et en muscles. La première chose que je remarque, ce sont ses yeux, d'un vert émeraude dans lesquels je manque immédiatement de sombrer. Je fais un pas en arrière, comme pour échapper à leur emprise, mais c'est son visage qui me couple le souffle. Un nez fin, des lèvres pulpeuses, des traits magnifiquement dessinées à faire pâlir de jalousie toute une agence de mannequins. Et puis, il y a le reste. Une chevelure brune, très sombre, dans le genre tignasse bouclée ébouriffée qui lui donne un charme de fou. Et ce jean brut, très près du corps associé à un T-shirt noir carrément moulant qui révèle une poitrine généreuse. J'ignorais que ce genre de femme de ménage existait. Est-ce qu'ils font un casting même pour le petit personnel ?

Je me souviens alors que suis presque nue, et que je porte une espèce de montagne rouge informe sur la tête. Un trouble m'envahit et je me fige, les bras ballants et le visage stupéfait. Et comme si je n'étais pas assez ridicule comme ça, je me sens rougir.

A présent, mes joues sont assorties à ma serviette de bien...

Loin d'être embarrassé, la femme de ménage à l'aire de se demander de quel droit je viens l'interrompre. Comme si c'était moi qui la dérangeais et non le contraire ! Après avoir jeté mon T-shirt en boule dans le placard comme s'il s'agissait d'un objet sale, elle me toise d'un air arrogant qui a le don de me faire passer de l'admiration à l'agacement en moins d'une seconde.

Pour qui se prend-elle ? D'accord, elle est très belle, mais ça ne lui donne pas le droit de me prendre de haut. C'est tout de même elle qui est prise la main dans mes T-shirts ! Armée de mon regard le plus courroucé, je croise les bras, attendant une explication.

Pour le courroux, on repassera. La femme de ménage y est absolument insensible. Un sourire insolent aux lèvres, elle fait un pas en arrière, puis sans cacher son étonnement, promène son regard émeraude sur moi.

Elle me reluque, là ou quoi ?

- C'est le lit est là-bas, c'est ce que vous êtes censée faire, je crois !

La phrase claque plus sèchement qu'une gifle. Le ton méprisant que j'ai utilisé me surprend moi-même. Tout à fait l'adolescente capricieuse et prétentieuse habituée à donner des ordres à ceux qu'elle considère comme le petit personnel. D'ailleurs, la femme de ménage est folle de rage.

- Tu te prends pour qui ? lâche-t-elle.

Sa voix grave, légèrement cassée, fait vibrer quelque chose au plus profond de moi.

- Sortez de ma chambre, mademoiselle ! ordonné-je.

A ce moment-là, Sofia déboule en poussant des cris de joie exubérants, suivi de près par Léo qui aboie joyeusement, lui aussi. Ma sœur a mis son T-shirt préféré de la reine des neiges, celui qu'elle ne porte que pour les grandes occasions, et elle se jette dans les bras de l'intruse avec la rapidité d'un vélociraptor.

- Lauren ! Tu es enfin arrivée ! crie-t-elle tout en couvrant la jeune femme d'une tempête de bisous sonores.

Lauren ? Comment ça Lauren ? Lauren, comme dans « Lauren Jauregui » ?

Lauren Jauregui, comme dans « Lauren Jauregui, la fille de Clara Jauregui Cabello » ?

Apprends-moi/fan-fiction camrenWo Geschichten leben. Entdecke jetzt