Partie 71

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   Lauren

   A la sortie de Brooklyn, je traverse le pont qui mène à Manhattan. Le souvenir du soir où nous l'avons traversé enlacées, Camz et moi, me revient, et je suis parcourue de frissons.

   Cette fille me fait un effet dingue.

   Je donne un coup d'accélérateur. J'ai hâte de me confronter à Alejandro et ma mère !

   Au pied de l'immeuble d'Upper East Side, je lève les yeux vers le 12e étage. Mon estomac se noue malgré moi. Ça fait longtemps que je n'ai pas franchi les portes de l'appartement d'Alejandro et ma mère. Ces derniers temps, quand je venais voir Sof', nos rencontres avec Alejandro se déroulaient dans un climat de plus en plus tendu et finissaient presque chaque fois par une dispute. Ce soir, je m'attends au pire, mais j'ai décidé de l'affronter quoi qu'il m'en coûte.

   Dès l'entrée, je suis accueillie par leurs visages inquiets. Je comprends parfaitement leur angoisse. Ce que j'ai plus de mal à supporter, c'est leur façon froide, presque agressive, de me recevoir.

- On a retrouvé Sofia, annoncé-je.

- Est-ce qu'elle va bien ? articule-t-il, bouleversé.

- Très bien, oui, le rassuré-je.

   Alejandro laisse échapper un « merci » qui sort du fond de son cœur, mais rapidement, les hostilités reprennent et Alejandro lâche les chiens.

- Elle était où ? tonne mon beau-père.

- Sof' a réussi à retrouver le chemin du garage auquel je l'ai emmené quelques fois m'aider à réparer ma moto. Elle a fait le trajet en métro.

- Quoi ? s'écrie ma mère terrifiée.

   Je fais un signe d'apaisement.

- Il ne lui est rien arrivé, elle était avec Léo, elle va bien. Mais elle est secouée par toute cette histoire, et surtout...

- Elle est où ? coupe Alejandro de son ton autoritaire qui m'insupporte. Pourquoi n'est-elle pas revenue avec toi ?

   Je me rends compte que ce ton hargneux ne m'atteint presque plus. Je garde mon calme. Si mon beau-père a envie de s'énerver, c'est son problème.

- Justement, j'y viens. Sofia est chez nous, à Brooklyn.

   Alejandro s'étrangle.

- Comment ça, « chez vous » ?

- Je vis à Brooklyn, en colocation, tu te souviens ? Camila vit avec moi, à présent. Et Sofia est là-bas, avec Camila, expliqué-je d'un ton neutre.

- Qu'est-ce qu'elle fait là-bas ? gronde Alejandro.

   Je continue en faisant mine de l'ignorer.

- Camila est sa sœur. Elle lui manque. C'est pour ça que Sof' a fugué. Sa sœur lui manque. Elles ont besoin l'une de l'autre.

   Alejandro attrape les clés de sa voiture.

- On va la chercher tout de suite, il est hors de question qu'elle reste là-bas.

   Je lui barre la route.

- Il est hors de question que vous la sépariez de Camila, répété-je d'un ton sans appel.

- Il suffisait de rester à la maison. Elle a choisi de partir, qu'elle en assume les conséquences ! crie Alejandro. Quant à toi...

   Il ne termine pas sa phrase, mais pointe un doigt menaçant dans ma direction. Ma mère ne bronche pas. Elle semble partager son avis.

   Je prends une grande inspiration, je me sens très en colère contre eux, mais je reste parfaitement maître de moi.

- Sofia s'est enfuie parce qu'elle souffrait d'être séparée de Camila. Vous ne l'avez même pas laissé lui téléphoner ! ça ne vous fait rien de séparer deux sœurs déjà malmenées par la vie ?

- Et tu ne crois pas que tu as ta part de responsabilité ? demande soudain Clara.

- Non, dis-je froidement. Condamner ma relation avec Camila est une chose. Faire payer à Sofia votre désaccord, c'en est une autre. Sofia n'a pas à être mêlée à ça. Vous savez ce qu'elles viennent de traverser, vous les séparez malgré tout parce que notre histoire contrecarre vos plans ! Vous vous comportez d'une façon égoïste et puérile.

   Je fais un pas vers la sortie.

- Tu peux toujours venir, Alejandro. Personne ne t'ouvrira la porte. Tu ne peux pas imposer ta loi indéfiniment. Sofia reste chez nous jusqu'à demain, et c'est comme ça. Je suis venue vous prévenir, pas vous demander votre autorisation : elle ne rentrera pas chez vous ce soir.

   Ma mère se tait, Alejandro aussi. Il me semble que mes mots ont atteint leur cible, car ils sont presque penauds, tous les deux.

- On discutera demain de la façon dont elles peuvent se voir, lâché-je.

   Et je sors de l'appartement, les laissant échanger des regards perplexes.

   En bas du building, je me sens plus légère. Je suis fière d'avoir tenu tête à son père en adulte responsable.

   Un message clignote sur mon téléphone. Darren me fait savoir qu'ils nous laissent l'appartement pour la soirée, pour que nous ayons de l'intimité et que nous puissions nous retrouver tranquillement tous les trois. Je leur envoie un merci, à tous les quatre, et je remonte sur ma moto. J'ai hâte de retrouver Camz et Sof'.

*******************************

   De retour à Brooklyn, quand j'entre dans l'appartement, j'entends des cris de joie et des rires qui viennent de la salle de bains.

   Je découvre Camz et Sofia en train de nettoyer Léo. A en juger par la forte odeur e vanille et par la quantité de mousse, ils ont sûrement vidé la bouteille de shampoing. Elles ont toutes les deux de la mousse partout et tentent par tous les moyens de faire rester le chien dans la douche.

   Je m'assois sur le banc dans un coin de la salle de bains, sans qu'elles me voient. Je souris en les regardant. Il me semble que Camz est encore plus belle quand elle s'occupe de sa petite sœur. Même avec de la mousse dans les cheveux, je la trouve magnifique.

   Si un jour, nous décidons de fonder notre famille, nos enfants seront tellement heureux avec une mère comme Camila.

   Je sursaute. Qu'est-ce qui m'arrive ? Avoir des enfants avec Camz. C'est la première fois que ce genre de pensée me traverse l'esprit. Un léger mouvement de panique s'empare de moi, puis je me reprends. Pourquoi se voiler la face ? J'aime cette femme. Et il me paraît évident que nous aurons des enfants. Ça me fait bizarre, mais je me sens heureuse.

   Soudain, Camz m'aperçoit.

- Alors ? demande-t-elle en s'approchant, soudain sérieuse.

- Tout va bien. Sof', tu restes là jusqu'à demain, dis-je.

   Sofia pousse un cri de joie. Léo en profite pour s'échapper des mains de son maître et saute sur mes genoux. Là, estimant que j'ai moi aussi mérité mon baptême de mousse, il se secoue de toutes ses forces.

- Eh ! protesté-je.

   Sof' éclate de rire. Camz et moi échangeons un regard. D'après ce que je perçois dans ses yeux, elle est loin de me trouver ridicule, même si je suis couverte de mousse. Elle m'adresse un sourire qui me fait vibrer de la tête aux pieds. Je lui souris, moi aussi. Et il me semble que ce dialogue muet contient toutes sortes de tendres promesses.

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