Partie 50

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   Camila

Après avoir englouti plusieurs pancakes avec Sofia, je monte dans ma chambre. Mon regard est attiré par deux enveloppes, posées sur mon lit. Je suis très étonnée, je n'ai jamais reçu de courrier à cette adresse.

La première enveloppe en papier kraft, épaisse, n'est pas passée par la poste. Elle porte simplement la mention manuscrite :

Pour Camila

Je ne reconnais pas cette écriture, mais je la contemple un moment. J'aime bien la façon dont les lettres ont été tracées, d'une main à la fois sûre et dynamique.

Je l'ouvre. A ma grande surprise, elle contient une première édition du livre Tombée de la nuit et autre histoires, l'ouvrage de science-fiction d'Asimov que ma mère aimait tant. Je ne reconnais pas l'écriture de mon père et c'est la seule à connaître le goût que ma mère avait pour ce genre littéraire.

La seule, avec Lauren...

Mon cœur s'emballe. Ce serait donc un cadeau de Lauren, pour cette journée particulière ? Elle s'est souvenue de la date, mais aussi des goûts de ma mère ! Comment s'est-elle débrouillée pour trouver cette édition ? Elle a attendu que nous soyons parties, Sofia et moi, pour se glisser dans la chambre et y déposer le livre... C'est sa façon de me dire qu'elle me soutient et qu'elle ne me laisse pas toute seule. Nous ne nous sommes pas croisées depuis notre baiser dans le club et notre dispute sur le parking, mais elle est là, bien là, et elle pense à moi... L'émotion me gagne. Les larmes que j'ai retenues jusqu'à présent coulent le long de mon visage.

Je voudrais la remercier, mais je ne sais pas où la trouver. Je pose le livre sur ma table de chevet, et j'examine une nouvelle fois l'enveloppe. C'est la première fois que je vois l'écriture de Lauren et j'ai l'impression de partager quelque chose de très intime.

La deuxième enveloppe m'arrache un cri de joie qui sèche aussitôt mes larmes. C'est une première réponse du département de biologie marine de l'université de New York : leurs inscriptions sont closes pour cette année, mais ils estiment que mon dossier est intéressant. Je pourrais venir en auditrice libre et démarrer l'année suivante. Voilà une nouvelle qui redonne des couleurs à ce jour trop sombre !

Je descends l'escalier quatre à quatre.

Je suis contente que j'en oublie ma réserve habituelle. Je lis la lettre à haute voix, avec un enthousiasme qui fait sourire mon père et Clara. A la fin de la lecture, ils me félicitent tous les deux avec chaleur. Même papa ne cache pas son admiration.

Je lève les bras en signe de victoire. Mes manches glissent. Je me souviens alors de la raison pour laquelle je porte des manches longues : le nouveau tatouage...

Je vais modérer mon enthousiasme et me réjouir sans lever les bras...

Ouf, personne n'a rien vu.

- Ne t'étrangle pas non plus ! plaisante Clara.

Elle me serre dans ses bras pour me féliciter. J'ai toujours gardé mes distances avec elle, mais cette fois, je m'abandonne à son étreinte.

- Pour fêter ça, je vous invite au restaurant, déclare mon père, que ma lecture a mis de bonne humeur.

Quand je me dégage des bras de Clara, le sourire aux lèvres, je tombe sur les yeux de Lauren, très calmes, très verts. Je sursaute. Je ne l'ai pas vu entrer. Elle a dû faire son apparition dans la cuisine à l'instant où j'étais dans les bras de sa mère.

Et très beaux.

Je reste un instant stupéfaite, incapable de détourner les yeux. Comme s'il me fallait chaque fois me réhabituer à son charme.

Et à ce qu'elle provoque chez moi...

Je suis heureuse de la voir enfin, mais je ne sais comment me comporter, surtout en présence de mon père et Clara. Et puis, il y a ce livre qu'elle a posé sur mon lit, comme un lien invisible entre nous. Je voudrais la remercier, mais je ne veux pas le faire ici, en présence de papa et Clara, comme si elle était chargée de tout ce que nous avons à cacher.

Est-ce qu'elle a été attirée par mes cris ou est-ce qu'elle passait par hasard ?

Alejandro lui explique immédiatement de quoi il s'agit.

- On va au restaurant pour fêter ça. Je pensais aller au Lobster's. Tu viens avec nous, Lauren ? C'est l'occasion de sortir en famille.

Lauren grimace. Et au mot « famille », elle me jette un bref regard sombre, l'air de me dire : « Tu as ce que tu veux, tu es en famille, mais ne compte pas sur moi pour me prêter à ce jeu débile. »

- Non, je suis désolée, j'ai autre chose de prévu, dit-elle d'une voix neutre.

Je n'ai pas entendu sa voix depuis plusieurs jours, et elle s'insinue en moi avec une force redoutable. Je me souviens à présent, pourquoi je suis incapable de lui résister, c'est pire qu'un envoûtement.

- Lauren, pour une fois qu'on sort ensemble ! Et pour fêter une bonne nouvelle, en plus !

- Oui, c'est dommage, mais je vais à un anniversaire. Vous me prévenez à la dernière minute, j'ai une vie, moi ! Je suis ravie pour toi, Camila, mais je ne peux pas, vous vous passerez de moi.

Elle a prononcé « je suis ravie pour toi » d'un ton neutre qui m'atteint comme une gifle.

- Oui, on le sait que tu as une vie ! Et elle est parallèle à la nôtre, tu pourrais faire un effort pour qu'on se croise de temps à autre, insiste sa mère.

- C'est l'anniversaire d'une amie ! J'ai promis d'y être ! réplique-t-elle en me regardant droit dans les yeux.

L'anniversaire d'une amie ? Pourquoi est-ce qu'elle me regarde dans les yeux quand elle dit ça ? Pourquoi est-ce que ça me fait un mal de chien ? C'est qui, cette nouvelle amie ?

Je n'ai pas le droit de poser cette question et j'enrage.

- C'est qui, cette amie ?

Yes ! Merci Clara.

Elle pose la question très simplement, sans reproche, de sa voix bienveillante qui calme toutes les tensions.

- Oh... Une fille.

- Non sans blague, ironise Alejandro.

- Tu ne veux pas nous en dire plus, c'est ça ? plaisante Clara avec un petit sourire qui sous-entend que c'est sa petite amie.

J'en viens à douter tout à coup, c'est bien elle qui m'a offert le livre ? Mais finalement, quel sens a ce cadeau ?

- Tu pourrais rejoindre la fête après avoir mangé avec nous, non ? tente mon père.

- Non, je préfère y aller maintenant, j'ai promis de donner un coup de main.

- Oui, mais si tu ne viens pas, tu ne pourras pas m'apprendre la danse du homard ! lance Sofia.

Sofia lui fait ses grands yeux de chaton, mais Lauren ne cède pas, elle se contente de lui ébouriffer les cheveux.

- Je t'apprendrai une autre fois, je te promets, lance-t-elle en quittant la cuisine.

- Bonne soirée, tout de même, lance Clara d'un air complice qui me rend folle.

Je suis aussi jalouse que déçue. C'est qui cette fille ? Pendant tout le trajet, je repasse mentalement les filles de son groupe d'amis. De toute façon, dans le club, pleins de filles et garçons la regardaient, alors... A tous les coups, il y en a une qui a profité de la scène de l'autre fois pour venir la réconforter. Elle a dû voir qu'on s'était disputées sur le parking et elle a sauté sur l'occasion.

En plus, je ne l'ai pas vu prendre de cadeau, pour partir à la soirée. Alors qu'est-ce qu'elle lui offre ? Un cadeau en nature ?

Apprends-moi/fan-fiction camrenWhere stories live. Discover now