Partie 14

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   Camila

Un aboiement de Léo retentit soudain. Bondissant du canapé, il s'est jeté entre nous. Nous sursautons toutes les deux avant de nous séparer brusquement. Mon cœur manque d'exploser.

Qu'a-t-il failli se passer ?!

Face à moi, Lauren secoue ses boucles brunes, comme pour se réveiller. Ses yeux verts ont perdu leur éclat quasi magique. L'enchantement est brisé.

Un sourire insolent que je connais trop bien naît alors sur ses lèvres.

- Tu crois vraiment que j'embrasserais une gamine inexpérimentée, hérisson !

Et, attrapant sa veste, elle s'en va sans se retourner.

Des larmes de rage me montent aux yeux. Cette pétasse se plaît donc à m'humilier ! C'est ça qui l'excite ? Elle se joue de mon attirance pour elle, et de mon inexpérience !

Quand mon père et Clara entrent dans le bungalow, la tempête se lève sur la plage, le vent siffle le long des baies vitrées et j'ai eu le temps de reprendre contenance.

- Content d'avoir pu amarrer le bateau avant la tempête ! lance mon père.

- Où est ta sœur ? demande Clara.

- Elle fait une sieste, dans le petit salon.

- Une sieste ?

Clara est surprise.

- Oui, elle s'est effondrée sur le canapé ! La séance de plongeons l'a épuisé !

- Ah non ! Je parlais de Lauren !

Je me sens très mal à l'aise tout à coup. Ce mélange d'attraction et d'irritation que je ressens pour Lauren n'a rien de fraternel ! Et puis ce n'est pas ma sœur ! Est-ce que je dois rappeler à Clara la définition de ce mot ?

Avant que l'orage n'éclate pour de bon, Clara réveille Sofia et nous courons tous les quatre jusqu'à la maison par un petit sentier qui longe la plage. Une fois à L'abris, Clara envoie Sofia se débarbouiller puis se tourne vers moi.

- Camila, s'il te plaît, tu peux retrouver Lauren, pour le dîner ?

- Mais elle est partie ! Elle a dû aller retrouver des... amis.

- Sa moto est là, la voiture aussi, elle doit être dans le coin...

Je fais le tour de la propriété pour la forme, et pour obéir à Clara, mais je sais bien qu'elle n'est pas là.

Je m'apprête à retraverser le jardin pour annoncer à Clara que Lauren n'est pas ici, lorsque l'orage éclate. Surprise, je me précipite dans la grange attenante au garage.

Soudain, de bruits sourds me parviennent. Ça vient du fond de la grange. Je tends l'oreille. Je distingue des coups et des cris étouffés. Mon premier réflexe est de fuir, puis, poussée par la curiosité, je remonte une à une les stalles, avec prudence. Je n'arrive pas à identifier la nature de ces bruits, mais on dirait bien qu'ils proviennent d'un humain.

Ou de deux humains... Lucy auraient-elle rejoint Lauren ici ?

Dans une grande stalle, la dernière, je tombe sur Lauren. En brassière de sport, ruisselante de sueur, les mains bandées, elle est occupée à démolir un sac de frappe. A chaque coup, le sac de frappe oscille, et un bruit sourd, mêlé aux cris étouffés de Lauren, fait vibrer les murs de la grange et tout ce qui s'y trouve. Moi comprise. Concentrée, comme déconnecté du monde extérieur, elle s'acharne sur le sac. Contre quel adversaire invisible lance-t-elle ses poings avec tant de rage contenue ? Je reste médusée, fascinée par le mouvement de ses muscles, par la chorégraphie parfaite de son corps et par la force brute, mais parfaitement maîtrisée, qui se dégage de lui.

Elle doit sentir ma présence car au bout d'un moment, elle s'arrête brusquement et se retourne. Happée par son regard vert et sauvage, je suis incapable d'esquisser le moindre geste. Lentement, elle s'approche de moi, à la façon d'un prédateur vers sa proie. Je devrais faire volte-face, pour éviter des ennuis qui promettent d'être insurmontables. Et puis, si c'est pour me refaire le coup de la dernière fois et me planter sur place, je me passerais de cette humiliation. Mais l'attirance est trop forte. Je ne fuis pas, mais je recule doucement vers le mur, sans vraiment m'en rendre compte. Adossée au mur de la grange, je laisse Lauren s'approcher tout près de moi. Elle pose son poing bandé contre le mur et son bras touche presque mon visage. Haletante après l'effort qu'elle vient de faire, sa poitrine se soulève, frôlant presque mes seins. Ma respiration s'emballe. Tous mes sens sont en éveil ; tout mon être, tendu vers le sien. Elle penche son visage vers le mien, ses lèvres ne sont plus qu'à quelques centimètres des miennes.

- Lauren ! Camila ! Vous faites quoi ?

En un fragment de seconde, Lauren a bondi en arrière. Le sac de frappe nous sépare, mais nos yeux restent aimantés. Et l'air s'est chargé d'un magnétisme qui nous attire l'une vers l'autre.

Sofia surgit, en bottes et en ciré, surexcité par l'orage.

Qu'est-ce qu'elle a vu, exactement ?

- Ce n'est pas le moment de faire de la boxe, on vous attend pour dîner ! J'ai faim moi !

Sitôt ces mots prononcés, la petite messagère repart en courant dans l'autre sens.

Comme quelqu'un qui émergerait d'un rêve, je reste quelques secondes face à Lauren, sans me résoudre à la quitter des yeux.

Sans me résoudre à la quitter tout court.

Pourtant, l'arrivée de Sofia a fait l'effet d'un coup de tonnerre. La réalité de ce que nous avons failli faire me saute au visage. Terrifiée à l'idée qu'elle ait pu nous surprendre, je lui emboîte le pas.

Dans mon dos, Lauren grogne quelque chose puis j'entends le bruit sourd de son poing qui s'abat sur le sac de frappe. Je ne me retourne pas. Je préfère la fuir, elle, et le paquet de sentiments et de sensations trop grands pour moi, trop dangereux aussi.

Est-ce que Sof' a compris ce qui se jouait entre nous ? Probablement pas. Nous nous sommes séparées juste à temps. Mais si elle était arrivée une seconde plus tard... Je préfère ne pas y songer.

L'arrivée de Sof' sonne comme un dernier avertissement avant la catastrophe.

Il ne peut rien se passer avec Lauren !

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