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Après avoir descendus les deux étages qui nous séparaient de la vie scolaire où nous devions aller, nous avons préféré quitter le lycée, et aller dans un petit parc pas très loin. Nous nous y trouvons depuis plus de quarante minutes, et personne n'a encore parlé de ce qu'il s'est passé. Mathieu a proposé à ses amis de venir nous rejoindre, et ils sont arrivés quelques minutes plus tard. Je me suis directement blottie dans les bras d'Assaf, et je n'en suis pas sortie depuis. J'ai évité de croiser le regard d'Elyo, n'ayant pas envie de voir de la moquerie dans ses yeux.

— Louna, c'est qui Flavie ?

Je déglutis difficilement, et regarde Jeremy, qui vient de poser la question. Je sens que mon ami resserre ses bras autour de moi, et je lui intime que c'est bon, je peux en parler.

— C'était ma meilleure amie. L'an dernier, on était inséparables, tous les trois.

— Le bordel qu'on foutait en cours, ricane Assaf. On était le trio de choc les gars, vous avez même pas idée.

— Ouais.. Mais elle allait pas bien. Les professeurs, le proviseur, les CPE.. Tous étaient au courant de sa situation, de son état mental, mais n'ont rien fait pour essayer d'arranger ça. Elle s'est suicidée pendant les vacances d'hiver.

Le phrase que je venais de prononcer a jeté un froid dans le groupe, et plus personne n'osait faire quoi que ce soit. Mathieu et Ormaz, qui étaient en train de rouler leur joint, se sont arrêtés net. Assaf me tient fermement contre lui, mais pour une fois, alors que je parle de Flavie et de ce qu'il s'est passé, je ne fais pas de crises d'angoisse. Ni de crises de larmes. Non. Je reste calme, même si une profonde tristesse refait surface.

Je n'ai jamais cautionné le fait que personne n'ait rien fait pour essayer de la faire sortir de l'enfer qu'elle vivait. Personne n'a jamais cherché à savoir si ce qu'elle disait était vrai. Avec Assaf, on savait que c'était vrai. On le savait pertinemment, et on a averti tout le personnel scolaire, et les gens compétents dans différentes structures. Mais aucun ne nous a pris au sérieux, et j'ai perdu ma meilleure amie définitivement.

— Merde.. Désolé d'avoir posé la question.

— Il aurait bien fallu en parler à un moment ou à un autre, dis-je en haussant les épaules.

— C'est parce que t'as du mal à faire ton deuil que t'as l'air d'une meuf paumée dans ta life ?

J'enfonce mes ongles dans mes paumes, et regarde Elyo, qui a un sourire satisfait sur le visage. Il cherche à me faire sortir de mes gonds, et il y est presque. Néanmoins, j'arriver à garder contenance.

— Flavie était comme ma soeur. Je la connaissais depuis le berceau, on a tout vécu ensemble. Alors forcément, lorsque tu perds quelqu'un qui sait tout de toi, avec qui tu avais planifié toute ta vie, avec qui tu voulais faire une colocation, avec qui tu voulais vivre tous les moments importants de ta vie, tu le vis mal, et tu ne sais plus où tu en es. Imagines que tu perdes un des gars, tu le vivrais comment ?

— J'ai déjà perdu des potes, et pour autant j'suis pas devenue une go fragile hein.

— En même temps tu es un gars, Elyo. Enfin, c'est à se poser la question, parce que t'agis comme les pétasses qui ont essayé de me faire sauter le pas aussi.

Assaf ricane doucement, tout comme Jeremy, tandis que Mathieu et Ormaz ne se gênent pas pour se moquer ouvertement de lui.

Jeremy se tourne vers moi, prêt à me poser une question, mais mon téléphone (qu'entre temps, j'ai enlevé du mode avion) se met à sonner. Je le récupère dans mon sac, et constate qu'il s'agit de ma mère.

— Désolée, je vais me faire taper sur les doigts.

Il ricane, et je me détache des bras d'Assaf tout en répondant à ma mère.

— Coucou maman.

— Louna Deslys, je viens de recevoir un appel de ton lycée, comme quoi dès le second jour tu as été exclue de cours. Tu peux m'expliquer pourquoi ?

— Figures-toi que je me suis fait deux amis, si on peut les appeler comme ça. Le professeur m'a fait passer, comme tous les autres, à l'oral pour me présenter rapidement. Les autres me regardaient mal, ou riaient de moi. J'en ai l'habitude, alors j'ai rien dit. Mais mes amis, Mathieu et Jeremy, ne l'entendaient pas comme ça. Il se sont révoltés, ça n'a pas plu au prof, qui nous a viré tous les trois.

— Et pourquoi tu as été virée, au juste ? Parce qu'il n'y a aucune raison que tu sois virée.

— Selon lui, parce que les gars m'ont évoqué dans leur plainte, je suis impliquée directement. Alors j'ai dû suivre les gars qui ne voulaient pas laisser ça là.

— Ma puce.., soupire-t-elle. Pourquoi tu n'as pas voulu aller dans un autre lycée ?

— Je n'en sais rien maman, je voulais retourner les affronter, leur montrer que moi aussi j'ai eu un deuil à faire, et que ce n'est pas leurs remarques stupides qui me feront flancher.

— Ma fille, arrête de penser aux autres et à ce qu'ils peuvent te faire subir. Penses à ton propre bien.

— C'est ce que je fais maman.

— Si tu le dis. Du coup, tu es où ? Pas au lycée, je suppose ?

— En effet, on est dans un parc à côté, avec les gars. Il y a les amis à Mathieu qui nous ont rejoint, dont Assaf.

— Ah, ton ami de l'an dernier ? Passe-lui le bonjour de ma part. Oh, et si tu ne peux pas y retourner de la journée, n'y vas pas. Je m'occuperai de ton père personnellement.

— Ce sera fait. Merci maman.

Nous parlons encore cinq petites minutes, et elle m'explique qu'elle revient à la fin du mois de son déplacement professionnel, et que les démarches seront ensuite faites pour que je vive définitivement chez elle. Nous finissons par raccrocher après qu'elle m'ait répété de ne pas faire attention "à ces petits cons", et m'ait fait promettre de garder Mathieu et Jeremy près de moi, parce qu'ils ont l'air d'être des garçons biens.

Je rejoins ensuite le petit groupe, et nous restons assis dans l'herbe encore un long moment.

IdioteWhere stories live. Discover now