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Lorsque je me réveille, Mathieu n'est pas là. Du moins, pas à mes côtés. Peut-être qu'il est dans une autre pièce, je n'en sais rien. Je me redresse doucement, le sang cognant dans mes tempes et me faisant extrêmement mal. Je me lève doucement, me dirige vers mon armoire afin de prendre un jogging et un t-shirt, et pars m'enfermer dans la salle de bains.

Après une douche qui semble m'avoir fait du bien, je m'habille et sors de la salle de bains. C'est à ce moment-là que j'entends un vacarme pas possible dans la cuisine, ainsi que des grognements.

— Putain d'merde.

J'attache mes cheveux rapidement et me dirige dans la cuisine, m'adossant contre le chambranle. J'y aperçois Mathieu, les sourcils froncés en lisant quelque chose sur son téléphone, des ingrédients sortis et étant un peu partout sur le plan de travail, l'évier plein de vaisselle, et la plaque électrique allumée avec une poêle dessus.

Mathieu repose son téléphone et se concentre sur sa préparation, néanmoins ça n'a pas l'air d'être une grande réussite, à en voir l'énervement flagrant sur son visage.

— Ca me casse les couilles, j'vais finir par commander Uber Eats ça ira plus vite.

J'éclate de rire. Mathieu, qui tenait la poêle, la lâche subitement, surpris, et se tourne vers moi.

— T'es débout depuis longtemps ?

— Une demi-heure peut-être, j'ai eu le temps de prendre une douche.

Il hoche la tête et éteint la plaque, puis s'approche de moi. Ses mains rejoignent mes hanches, et sa tête vient se poser dans mon cou.

— Désolé pour ces derniers jours.. J'suis un peu à cran pour rien et j'avais pas à me vénère parce que tu t'es vénère contre ma reus. C'était compréhensible en plus, mais j'suis grave con.

— Je comprends. C'est de ta soeur dont il s'agit, ta famille donc. C'set logique que tu prennes son parti, néanmoins, j'aurais aimé qu'avant de t'énerver tu cherches à comprendre pourquoi moi je l'étais.

— T'inquiètes, de toute façon elle s'est pris une cartouche. Et désolé de pas t'avoir demandé aussi, en plus je sais qu'elle a mytho, elle a pas été tej, elle a même pas de gars. J'sais pas pourquoi elle voulait passer la semaine avec oim.

— N'en parlons plus, j'ai pas envie qu'on se prenne la tête à nouveau.

Il acquiesce, et m'embrasse rapidement dans le cou avant de s'éloigner.

— J'suis allée chez les Samaras, Ken est rentré du Japon, m'explique-t-il.

— Ah bon ? Je pensais qu'il allait rester plus longtemps.

— Ouais, moi aussi. J'ai parlé avec eux d'la situation entre toi et moi en ce moment, et Iris m'a conseillé de préparer à graille et de faire le mec attentionné. Mais j'sais pas faire à bouffer correctement, j'sais même pas comment faire cette recette à la con qui paraît bonne.

— C'est pas grave, je vais finir. Mais tu vas m'aider.

— Sinon j't'emmène au resto, ça va plus vite et on s'prend pas la tête.

— Ca me va, accepté-je.

— Ok, j'te laisse aller te préparer, j'vais réserver une table. Pour dans une heure et demi ça te va ?

— Oui, t'embête pas.

— Ok. Y'a un truc en particulier que tu veux manger ?

— Indien, répondé-je.

C'est assez étonnant d'ailleurs. Je n'aime pas trop la cuisiné épicée, voire même pas du tout, et j'ai le curry en horreur. Je ne supporte pas ça, et je sais que la cuisine indienne est principalement basée sur le curry.

— J'réserve une table à l'indien du coin alors.

Je souris et le remercie, puis pars dans la chambre choisir d'autres affaires. Même si nous allons au restaurant, je n'ai pas trop envie de faire d'efforts. Je suis pas mal fatiguée, mon estomac remue encore un peu, et mes vêtements me paraissent de plus en plus sans intérêt. De plus nous sommes début février, il fait froid, c'est donc assez compliqué de s'apprêter sans mourir de froid sous un manteau à peu près chaud. Je choisis donc un jean moulant, une blouse noire à motif floraux, et une paire de cuissardes en daim.

Je m'habille rapidement, et me maquille tout aussi rapidement. Trait de liner rapide, mascara, rouge à lèvres, point barre. Mathieu arrive au moment où je finis de mettre mon rouge à lèvres.

— J'ai juré que le rouge c'est l couleur qui te va le mieux.

— Tu trouves ?

— Ouais, ça t'fait des lèvres de dingue, ça m'donne envie de faire des dingueries.

Je ricane doucement, et tourne la tête vers lui.

— J'ai pas fait de grands efforts au niveau des affaires, je m'en sentais pas la force.

— Tu déconnes j'espère ? T'es magnifique comme ça, j't'ai encore jamais vu porter ses fringues-là j'crois.

— Ah bon ? Tu trouves ? Personnellement je trouve pas.

— T'es magnifique Lou, te prends pas la tête à essayer d'te faire belle alors que t'es déjà canon en temps normal.

Il vient entourer mon cou de ses bras, et je souris. Mais c'est un sourire triste.

On dirait un vieux couple qui essaie d'entretenir la flamme tant bien que mal, par des sorties au restaurant ou au cinéma. On est plongés dans une routine assez violente : Mathieu au studio toute la journée ou presque, moi en cours ou au travail. Nous voyons nos amis le week-end, on profite du peu de temps que nous avons tous deux, mais la plupart du temps ça n'est pas le cas.

Penser au fait que nous sommes dans une routine d'un couple trentenaire me trouble, et je lâche une larme.

— Pourquoi tu pleures ? J'ai dit quoi de mal ?

Alors que mes larmes coulent un peu plus, j'esquisse un léger sourire.

— T'as rien dit ou fait de mal cette fois, Mathieu. C'est juste que.. J'ai l'impression qu'on est dans une routine alors qu'on a que vingt ans, c'est.. C'est horrible, j'ai pas l'impression que notre couple va tenir longtemps à ce rythme-là et..

— Tu dis d'la merde. Ouais on est un peu coincés dans une routine de merde, mais ça va se casser. Laisse-moi finir de bosser sur mon projet, et crois-moi que ça va changer Nana.

IdioteWhere stories live. Discover now