26

5.8K 227 19
                                    

— Mais laisse-moi manger tranquille !

— Naaaaan, fais-moi des papouilles.

Mathieu enlève ma main du paquet de chips se trouvant entre nous, et pose ma main sur sa tête.

— Mais j'ai faim..

— T'as une autre main, fais-moi des papouilles !

— Math, je vais pas piocher dans le paquet avec la main droite alors qu'il est plus près de ma main gauche, c'est pas pratique et débile.

Il saisit le paquet de chips pour le mettre à ma droite, se penchant à moitié, et une fois le paquet posé, il s'affale totalement sur moi, sa tête près de la mienne.

— Mathieu, tu m'écrases !

— Je veux des papouilles..

Je soupire même si un sourire vient se glisser sur mes lèvres, alors que je pose à nouveau ma main dans ses cheveux, entreprenant de lui faire des papouilles. J'obtiens un grognement de contentement, et sa main se pose sur ma taille.

— J'aime trop ta main dans mes veuchs, ça apaise de ouf.

— Ne comptes pas sur moi pour te faire tout le temps, non plus.

— Je sais, mais vas-y laisse moi profiter.

— Ne t'endors pas non plus.

— T'inquiètes.

Ma main continuant de bouger dans ses cheveux, je fixe un point imaginaire sur le mur me faisant face. Et je pense à tout et rien. Enfin, surtout à Mathieu.

Comment est-ce possible d'aimer autant une personne en si peu de temps ? Et surtout, comment est-ce possible de ne pas lui en vouloir de nous faire passer au dernier rang ?

Comment est-ce possible qu'il me fasse être niaise en très peu de temps ? Comment se fait-il qu'avec lui, j'oublie ce que j'ai vécu ?

J'ai déjà été attirée par quelqu'un. Je n'ai jamais aimé, mais j'ai été attirée par quelqu'un. Et ça s'est mal soldé. C'est pourquoi je préfère dire que je n'ai jamais connu tout ce qui est attirance et amour, puisque dans un sens c'est le cas.

La main de Mathieu, se trouvant sur ma taille, me serre un peu, ce qui me fait revenir à moi.

— Désolée, j'étais dans mes pensées.

— J'ai vu t'inquiètes. Ça va ?

— Ouais, je repense juste à.. Un truc.

— Tu veux m'en parler ?

— Faut qu'on en parle de toute façon.. Alors oui.

Il acquiesce, et je le pousse doucement pour pouvoir me lever du lit.

— Tu vas où ?

— Voir si Adam est rentré ou pas.

Je sors de ma chambre et vais voir si Adam est dans la sienne, mais il ne l'est pas. Il a abordé Mathieu quelques minutes lorsque nous sommes arrivés, puis il s'est éclipsé de l'appartement, prétextant un rendez-vous.

Je retourne dans ma chambre, ferme la porte, et pars reprendre ma place auprès de Mathieu. Ma tête sur son épaule, son bras autour de moi, j'entreprends de lui expliquer l'histoire d'hier.

— Flavie avait un frère. De quatre ans son aîné. Quand elle était encore parmi nous, on avait tendance à passer énormément de temps chez elle. Elle avait une grande maison avec piscine. Et.. Il arrivait qu'après les cours, quand il faisait encore bon, on aille se baigner. On trouvait toujours le moyen de se dire quelque chose, alors qu'on savait approximativement tout l'une de l'autre. Il arrivait aussi que son frère se joigne à nous, parce qu'il aimait voir Flavie heureuse, rire et sourire à des trucs cons que je pouvais sortir. Du moins, c'est ce qu'il disait. Un jour, Flavie n'était pas venue en cours parce qu'elle était malade. Enfin, c'est ce qu'elle m'avait dit de dire aux profs. Je suis partie la voir à la fin de la journée, pour lui donner les cours qu'elle avait raté, et prendre de ses nouvelles. Quand je suis arrivée dans sa chambre, elle était couchée, un bleu assez imposant sur le visage. Je savais que son père avait des excès de violence, donc je me suis dit que c'était lui.

Je déglutis difficilement, et reprends.

— Je suis restée un long moment avec elle, et quand je suis sortie de la chambre, je suis tombée sur son frère. Il m'a demandé si ça allait, et m'a proposé d'aller me baigner. C'était une dure journée et j'avais besoin de parler un peu. J'avais parlé à Flavie, mais je me suis dit pourquoi pas avec lui aussi. Je lui ai dit oui, et je suis partie dans leur salle de bains me changer. Je laissais toujours des affaires chez eux, vu que je passais autant de temps chez Flavie que chez moi. J'ai rejoint son frère dans la piscine, et on a parlé. Beaucoup. Il se rapprochait de moi par moment, mais je ne faisais pas réellement attention. Physiquement, il était beau. Vraiment pas mal. Mais je le voyais vraiment comme le frère de ma meilleure amie, en aucun cas je ne voulais qu'il se passe quelque chose avec lui. En plus, il était trop vieux pour moi. Bref, à un moment il s'est retrouvé collé à moi, et a passé son bras sur mes épaules. Puis son bras a descendu.. Et.. Il m'a touché. J'ai refusé, je l'ai repoussé, mais il n'a pas accepté que je lui dise non. Selon lui, puisque je lui plaisais, je n'avais aucune raison de lui dire non. Quand j'ai voulu sortir de la piscine, il m'a retenu. Violemment. Et.. J'ai fini par sortir de la piscine, mais je n'étais plus du tout la même qu'en y rentrant.

Je parais détachée en racontant mon viol, je le sais. Le souci, c'est que je n'arrive pas à faire autrement. C'est un très mauvais souvenir, le problème du "au mauvais endroit au mauvais moment avec la mauvaise personne". Au départ j'étais effondrée, je n'arrivais pas à remonter la pente. J'étais plus en chair qu'actuellement, et j'ai perdu plus de cinq kilos en moins d'un mois. Je me dis que j'ai déjà été au plus bas pendant un long moment, et que c'est en parti à cause de ceci que j'ai arrêté les cours l'an dernier. Je me dis que j'ai déjà été au plus bas, et que je n'ai pas envie de replonger en éclatant en sanglots dès que je parle de ceci. Je préfère en être détachée, et vivre enfin correctement, plutôt que de vivre dans le passé.

— J'te promets que si j'le croise, j'lui éclate sa gueule de fils de pute. Il reverra jamais le soleil. Personne te touche.

— Math.. La violence ne résout rien.

— J'm'en bats les couilles. Il a posé ses pattes sur toi, il t'a violé, j'suis désolé mais là, la violence peut résoudre ça. Il t'a niqué ta vie, je cautionne pas ça.

IdioteWhere stories live. Discover now