58

4.4K 176 22
                                    

Une dizaine de minutes après que je sois partie en cuisine, la sonnette retentit.

Enfin.. "Retentit". Deen reste plutôt appuyé dessus.

— Enlève ton doigt de la sonnette ou je te le sectionne, grondé-je en allant ouvrir.

J'ouvre la porte, et fais face à un Deen à l'air grave, le regard sombre et la mâchoire serrée.

— Pas de mauvaises ondes chez moi. Tu desserres les dents, t'affiches un sourire, tu te décrispes, sinon tu rentres pas.

— J'suis en droit de faire la gueule, grogne-t-il.

— Pas si c'est juste parce que t'apprécies pas que Maxime et moi soyons ensemble. Il m'a expliqué ce que tu es capable de faire. Sache que ça ne te servira à rien. Certaines de ses affaires sont en effet rangées dans mon placard, et il a des produits à lui dans la salle de bains.

Il entre dans mon appartement, je referme la porte, et il se dirige dans le salon, où Maxime est installé dans le canapé. Il se lève pour étreindre son frère, mais le regard que lui lance l'aîné l'en dissuade et il se rassied vite. Je pars dans la cuisine chercher la boisson préalablement préparée, et l'apporte à Deen qui me remercie.

Il en boit une gorgée et grimace.

— Irish coffee ?

— Je sais pas doser, grimacé-je.

Il hoche la tête, boit encore une gorgée, et pose la tasse sur la table basse.

— Depuis quand vous êtes ensemble ?

— Un peu plus d'un an, annonce Maxime.

— Je crois que c'est depuis Décembre 2015, quelque chose dans le genre, ajouté-je.

— Pourquoi vous l'avez pas dit ?

— Ça c'est de ma faute, avoué-je. Je ne voulais pas que vous soyez au courant, je ne voulais pas que ça fasse comme avec Mathieu. Vous avez galérer à vous positionner quand on a rompu, et je ne voulais pas qu'il se passe la même chose, surtout qu'il s'agit de ton frère, là. Et puis.. Je n'étais même pas sûre qu'on soit ensemble plus de trois, quatre mois, à vrai dire.

— Sérieux ? demandent les deux frères en même temps.

— Oui. Oh, me regardez pas comme ça, je vous rappelle que Max est seulement mon deuxième copain, et que je suis restée que trois mois et demi avec Mathieu, alors j'étais en droit de douter, ok ?

— Bah ouais, mais..

— Pas de mais, coupé-je Maxime. Tu peux rien me dire, t'as bien vu dans quel état j'étais. Quant à toi Deen, tu n'es pas en droit d'interférer entre ton frère et moi. Ok tu peux être contrarié parce qu'on ne t'a rien dit avant. Ok t'es en droit de douter de la nature de notre relation, ni de ce qu'on éprouve l'un pour l'autre.

— Comprends-moi aussi Louna. Je t'ai toujours connu avec Mathieu, ça me choque un peu de te voir avec quelqu'un d'autre. Surtout que.. Bah.. T'es ma reus, j'ai pas envie que tu souffres encore quoi.

— Dis que j'suis un mauvais gars aussi, souffle Maxime.

— T'es pas le plus respectueux hein.

— Ça suffit ! dis-je, plus fort que je ne le voulais.

Les deux se tournent vers moi, choqués de ma soudaine intervention.

— Mikael, je ne suis plus avec Mathieu depuis environ deux ans. Je suis heureuse, je souris, je suis avec Maxime. Ton frère m'aime, il me le dit et me le montre. Il a des sentiments pour moi, lui, au moins. Mathieu n'en avait pas, et je ne voulais pas rester dans une relation qui, potentiellement, me détruisait, alors que je méritais mieux. J'ai dix-neuf ans, mon appartement, mon copain, mon job à mi-temps, mes cours à suivre, et je suis heureuse. Tu vois une quelconque trace de tristesse ou de douleur sur mon visage ? Non je ne pense pas.

Je soupire, et me passe les mains sur le visage.

— Je suis contente de voir que tu te soucies autant de moi, Deen. Mais vraiment.. Je vais bien. Je suis heureuse, ton frère m'aide énormément, comme depuis le début, et ça s'arrête là. De toute façon, il sait ce qu'il l'attend s'il me blesse d'une quelconque façon.

— C'est-à-dire ? demande l'aîné.

— Elle a acheté des ciseaux à banane et une perceuse, explique Maxime d'une voix blanche.

Deen éclate de rire, et j'esquisse un sourire en coin.

— Maman est au courant ?

— Non, personne d'autre qu'Iris était au courant.

— Mais Flav a dit sur le groupe qu'il était au courant, dit Maxime en fronçant les sourcils.

— Il a dû deviner, explique Mikael. Il est assez perspicace, dans ce domaine là. Tout comme sa femme d'ailleurs. Et comment ça se fait qu'Iris ait été au courant et pas moi ?

— Elle est arrivée au mauvais moment, dis-je en grimaçant.

Mon regard croise celui de Maxime, et je pouffe légèrement.

Pour une situation gênante, ça l'était, je peux le dire.

— C'est-à-dire ?

— Euh..

Maxime semble chercher ses mots, tandis qu'une phrase me vient. Superbe allusion.

— Disons qu'on préparait les ingrédients pour un Big Mac, et qu'Iris a débarqué à l'improviste avec un sachet Burger King.

Deen fronce les sourcils, ne semblant pas comprendre. Son frère est gêné au possible, et je rigole intérieurement.

— Pour te la faire courte, Iris a débarqué sans prévenir alors qu'on allait s'envoyer en l'air.

Le plus vieux me regarde, les yeux grands ouverts, tandis que son frère s'étouffe avec sa salive.

— Quoi ? Autant dire les choses telles qu'elles sont.

— Attends.. Genre.. Vous.. Max.. Tu.. Enfin.. Louna.. Euh..

— Ma première fois était avec Mathieu, les autres c'étaient avec Maxime.

Le poivre-et-sel se passe une main sur le visage.

— Putain, j'croyais que t'avais jamais rien fait. J'te voyais trop pure wesh.

— Si t'avais une petite soeur, je ne pense pas que tu veuilles savoir si elle a fait sa première fois, ni avec qui, et encore moins quand. Puis j'ai jamais évoqué le sujet non plus, c'est gênant.

— Encore plus gênant d'en parler devant mon frère, marmonne Maxime.

— J'suis qué-cho. Putain Louna, merde ! T'es plus une enfant, mais merde.. J'vais m'en remettre hein.

— J'espère bien.

— Ouais, mais faites pas de gosses maintenant, s'il vous plaît. Qu'on m'appelle papy c'est une chose, mais j'ai pas envie qu'on m'appelle tonton. J'me prendrais un vrai coup de vieux dans la gueule.

Nous éclatons de rire, et j'en conclus que l'abcès est percé. Deen accepte notre relation, le fait que je ne sois plus la gamine de dix-sept ans qu'ils ont connu, ni la chose fragile qui se lamentait sur son sort (qu'elle a provoqué) pendant six mois.

IdioteWhere stories live. Discover now