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Le lendemain, alors que je m'attendais à me faire réveiller par Ismaël qui saute sur mon lit (comme depuis le début de la semaine), c'est mon téléphone qui a raison de mon sommeil. Encore endormie, je récupère mon téléphone et décroche sans pour autant regarder qui m'appelle.

— Allô, dis-je la voix rauque.

Merde, j'te réveille ? me demande Ken, à l'autre bout du fil.

— Ouais, mais c'est pas grave. Tu vas bien ?

— Ouais, on va dire ça. Et toi ?

Tranquille, des vacances ça fait pas de mal. Alors, ton album, ça avance ?

Je me redresse et m'adosse contre la tête de lit, le regard fixe sur le mur d'en face.

— Pas vraiment, soupire mon ami. Sur quinze, vingt sons, on en a fait que dix, et encore c'est des ébauches du coup j'suis pas satisfait, et Diaby l'est encore moins.

— Je suis clairement pas content ! entends-je Diaby crier en arrière-plan.

Je ricane un peu.

— T'arrives pas à écrire parce que t'as un blocage, parce que t'as pas envie, ou parce que t'as toujours pas d'inspi ?

— Un peu les trois, avoue-t-il. J'ai pas l'impression que c'que j'écris pourrait convenir à mon public, y'a des trucs qui me plaisent sur le coup et quand je relis je raye parce que je trouve ça nul à chier, donc ça me bloque et j'perds le peu d'inspi que j'ai. J'suis allé voir un ancien temple aussi, c'était grave cool. Puis.. J'pensais que venir au Japon ça allait m'aider à trouver l'inspi. C'est un pays que j'ai toujours voulu visiter avec mes khos, et maintenant qu'on y est c'est pour bosser, taffer à fond. Y'a même pas Iris et Aléona avec moi.

Je l'entends shooter dans quelque chose, puis dire à Hugz qu'il sort le temps qu'il est au téléphone.

— T'es au tél avec qui wesh ?

— Louna.

— Passe-la moi crevard !

J'éclate de rire alors que les deux se chamaillent, et finalement la voix d'Hugz parvient plus nettement à mes oreilles.

— Wesh Louna ! Ça va ?

— Coucou Hugz, ça va et toi ?

Tranquille, même si Nek est casse-couilles par moment on gère. Alors, la Floride ?

— C'est trop bien ! On passe nos journées à bronzer et nos soirées au bord de la piscine à parler.

— La prochaine fois embarquez-moi avec vous, j'suis gentil j'le promets.

— T'aurais pu venir si Ken t'avais pas réquisitionné de force, ricané-je.

— Bon repasse-moi Louna couillon, j'dois lui parler, râle Ken.

Hugo râle à son tour, me souhaite de profiter de mes vacances en me disant qu'il me rappelle plus tard, et me repasse Ken.

— Donc à priori tu devais me parler de quelque chose ?

— Ouais.. Elle est vénère après moi, Iris ?

— En toute honnêteté ? Oui. Elle comprend que le rap c'est important pour toi, que c'est ta passion et ton métier, mais maintenant qu'Alé' est là.. C'est pas à moi de te dire tout ça, parles-lui en directement.

J'aimerai bien, mais elle répond pas quand j'l'appelle. Ça fait déjà deux ou trois fois que j'essaie depuis tout à l'heure, j'ai pas réussi à l'avoir, elle filtre mes appels. Du coup j't'ai appelé direct, je savais que tu me répondrais. Tu pourrais lui dire de me répondre ou de m'appeler au plus vite s'te plait ?

— Ken, rappelles-moi quel âge tu as.

Bientôt vingt-huit.

— Rappelles-moi quel âge j'ai ?

— Vingt-et-un, pourquoi ?

Je souffle et sors de mon lit pour me diriger vers la chambre d'Iris, tout en continuant ma discussion avec Ken.

— Tu trouves ça normal que ça soit à moi de faire l'intermédiaire entre vous ? Ou de vous aider dans votre relation ? Je suis la moins expérimentée en matière de relations humaines et c'est à moi que tu demandes des conseils. Honnêtement je t'aime, je vous aime, vous êtes ma famille, mais vous êtes immatures sur le coup. Alors je vais aller voir Iris, toi tu raccroches sous aucun prétexte, et vous allez vous parler parce qu'au bout d'un moment la môme elle a aussi un couple à gérer, des problèmes à régler et un semestre normalement réussi à fêter.

Il grommelle alors que je frappe à la porte de chambre d'Iris, qui vient l'ouvrir.

— C'est Ken au téléphone. Vous vous parlez sans crier, vous mettez un minimum les choses au clair, je m'occupe d'Aléona. Mais agissez comme des adultes, pas comme des gosses, merci, au revoir.

Je file mon téléphone à Iris sans lui laisser le temps d'en placer une, et rentre dans sa chambre récupérer Aléona qui vient de se réveiller. J'entends la voix d'Iris faiblir, signe qu'elle s'éloigne de la chambre.

— Coucou ma puce, sourié-je.

Elle me répond avec un grand sourire elle aussi, et je la prends dans mes bras. Je pars alors dans la cuisine lui faire chauffer son biberon, tout en fredonnant.

Étonnamment, bien que ce soit Ken que j'ai eu au téléphone et non pas Mathieu, je suis de bonne humeur ce matin. De très bonne humeur même. En finissant de préparer le biberon d'Aléona, je remarque qu'il n'y a pratiquement plus rien dans les placards, et bien que nous partons dans trois jours, il faut quand même que nous mangions.

— Salut !

Je me tourne vers Adèle et Isma qui viennent de faire leur apparition, et les salue tout en donnant le biberon à Alé'.

— Coucou ! Je vais aller faire quelques courses tout à l'heure, il n'y a pratiquement plus rien à manger et j'avais envie de préparer à manger ces derniers jours. Y'a un truc qui vous ferait plaisir ?

— Des crêpes ! s'exalte Isma.

— Une tarte au saumon, me demande Adèle.

— Dis tata, ze peux venir avec toi faire les courses ? me demande Isma.

— Euh.. O-oui si tu veux, mais tu manges d'abord et tu vas te laver.

— Oui d'accord ! Tu veux bien maman hein ?

— Oui tu peux aller avec tata Louna.

— Ouuuuiiiiii !

Je souris devant l'enthousiasme du petit garçon, et reporte mon attention sur Aléona qui a fini son biberon. Je l'aide par la suite à faire son rot, et vais pour aller dans la salle de bains lorsque la voix d'Iris parvient à mes oreilles.

— Louna, récupère ton téléphone et rends-moi ma fille.

J'acquiesce et lui pose Aléona dans les bras, tandis que je récupère mon téléphone.

— Alors ?

— C'est pas gagné, on verra bien ce qu'il se passera à Paris. En attendant, je ne veux pas parler de lui.

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