53

4.6K 192 7
                                    

Avant de me recoucher, j'ai envoyé un message à Ken pour savoir si on pouvait se voir en urgence le samedi. Il m'a dit que je n'avais qu'à passer chez lui, et il m'a envoyé l'adresse.

C'est pourquoi, alors qu'il n'est que huit heures et demi, je suis déjà prête, à regarder Mathieu dormir depuis plus de cinq minutes déjà.

Ça me tue, qu'il puisse faire semblant d'être attaché à moi. Je crois que si tel était le cas, je pourrais facilement vriller et devenir une autre personne. Il a chamboulé ma vie, pour le meilleur comme pour le pire d'ailleurs, m'a fait connaître l'amour, les sentiments et tout ce qui s'en suit. Je passe ma main dans ses cheveux rapidement, craignant de le réveiller, et récupère mon portefeuilles, mon téléphone et mes écouteurs. Je rejoins ensuite Odeta dans le salon, pour la prévenir que je pars maintenant. On s'est déjà parlé ce matin, on a déjeuné ensemble. Je lui ai dit que je devais aller voir quelqu'un ce matin, ce à quoi elle a répliqué qu'elle voulait juste être sûre que je serais rentrés pour le repas de ce midi. J'ai acquiescé, et suis partie dans la salle de bains.

Je lui fais un rapide câlin, me retenant de pleurer. Allez savoir pourquoi.

— Ma fille.. Tu as l'air chamboulée.

— C'est le cas. Je vais voir ladite personne pour qu'elle m'éclaircisse à propos de quelque chose.

— Si jamais rien n'est solutionné après ta visite auprès d'elle, parle moi-en. Je pense pouvoir te donner quelques conseils, au vu de mon âge.

— D'accord. Merci Odeta, tu es géniale.

Elle me sourit chaleureusement, et je sors de l'appartement, puis de l'immeuble. J'enfonce mes écouteurs dans mes oreilles, mets mon téléphone en mode avion, et active l'application musique. Ma playlist en route, je me dirige vers la station de métro pour me rendre dans le quinzième.

Une quinzaine de minutes plus tard, je me retrouve au pied de l'immeuble de Ken, si je ne me trompe pas d'adresse. Il m'avait envoyé le code aussi, que je rentre et qui s'avère bon. Je ne me suis donc pas trompée. Je monte au troisième, et arrive devant l'appartement numéro 29. Je sonne, et attends. J'en profite pour éteindre la musique et enlever mes écouteurs.

C'est Iris qui m'ouvre, et qui paraît surprise de me voir.

— Louna ? Tout va bien ? Entre, je t'en prie.

J'entre, un peu gênée, et ne sais que faire, ni où aller.

— Ça va, enfin je crois, merci. Ken est là ?

— Euh.. Il dort encore, tu veux que j'aille le réveiller ? En plus j'allais partir travailler, grimace-t-elle.

— Je lui avais demandé si on pouvait se voir aujourd'hui, il avait dit que je n'avais qu'à passer ici. Je pensais qu'il serait déjà debout. Je repasserai plus tard, ne t'embête pas.

— Non, tu restes ici. Je vais le réveiller, il n'avait qu'à pas boire autant hier soir, il serait déjà debout. Installe toi, je reviens vite.

J'acquiesce et la remercie, et vais m'installer sur son canapé. Peu après, elle revient avec un Ken encore endormi, les yeux mi-clos et les cheveux en bataille. Il me fait un vague signe de tête avant de se diriger vers la cuisine, et Iris s'approche de moi.

— Il va boire son café et sera enclin à parler. Je peux savoir à propos de quoi est ta visite, si c'est pas indiscret ?

— À propos de Mathieu, soupiré-je.

— Tu m'expliqueras, si tu veux. S'il faut que j'aille lui botter le cul compte sur moi. Allez je file j'vais être en retard. Bonne journée Lou, appelles si ça va pas, ou passes me voir au café.

Je hoche positivement la tête, et l'entends dire la même chose à Ken avant de partir. Peu après, mon ami vient s'installer dans le canapé, deux tasses à la main.

— J't'ai fait un thé, j'pense pas que tu boives de café.

— Exact. Merci, Ken.

Il opine doucement, et me tend une des tasses que je saisis, et dont je bois une gorgée assez rapidement. Je grimace sous la chaleur de la boisson qui me brûle la gorge, et repose la tasse. Ken fait de même, et se tourne vers moi.

— Bon, désolé e t'avoir fait attendre un peu, j'ai un peu abusé d'la tise hier et sans raison, grimace-t-il. Bref, explique-moi tout.

Je triture mes doigts.

— Disons que.. Hier j'étais chez Mathieu, et je me sis endormie devant un film. Quand je me suis réveillée il dormait, avait éteint l'ordi, et avait son téléphone dans sa main. Je voulais juste le reposer sur son chevet au départ, mais j'ai vu que tu lui avais envoyé un message, et ça m'avait intrigué. Et.. J'aurais pas dû, je le sais, mais j'ai quand même fini par lire votre conversation. Du moins.. Les derniers messages. Et..

Je m'arrête deux minutes, sentant les larmes me monter aux yeux, et ma gorge se nouer. Je tourne ensuite ma tête vers Ken, qui ne semble pas comprendre où je veux en venir.

— Ken, dis-moi sincèrement.. Il m'aime vraiment, ou il fait juste semblant ?

Il pose son bras autour de mes épaules et m'attire contre lui.

— Louna.. Il t'aime, ça se voit. La question c'est pas ça, c'est de savoir s'il a des sentiments pour toi ou pas. On peut aimer quelqu'un sans avoir de sentiments, mais ça fait souffrir l'autre personne. Toi, ça se voit que tu crèves d'amour pour lui. Tu l'aimes, tu es amoureuse et t'as des sentiments. Lui il t'aime, mais on ne sait pas s'il a des sentiments ou s'il est amoureux. Et c'est pas moi qui vais pouvoir te dire si c'est le cas ou pas. Mathieu est.. C'est un être humain complexe, il est encore jeune. Vous êtes encore jeunes.

— L'âge ça veut rien dire, reniflé-je.

— À votre âge, j'avais fait vachement de conneries et j'étais à la rue. J'ai dû squatter des halls d'immeubles, chez les Akrour, fin un peu partout où je pouvais. Je fumais, je vendais, j'étais à fond dans le rap. Comme Mathieu quoi. Et j'avais cette fille à mes côtés. Elle a tout fait pour que je m'en sorte, mais au fond j'voulais pas. J'voulais pas m'en sortir parce que j'étais con, jeune, inconscient, et que je kiffais cette prise de risques, à vendre en risquant de me faire gauler à n'importe quel moment. Puis je l'avais elle, je l'aimais, mais j'pensais pas avoir de sentiments pour elle. J'avais jamais connu ça, donc je savais pas comment c'était, d'être amoureux d'une personne. Puis elle est partie. Et c'est quand elle est partie que j'ai su que je l'aimais, et que j'étais amoureux.

— Où tu veux en venir ? Je ne comprends pas, avoué-je. T'es en train de me dire qu'il a des sentiments mais qu'il ne le dira que si je pars de sa vie ?

— On ne se rend compte des choses que quand on nous les arrache. J'avoue je m'auto-cite mais c'est de circonstance. Bref, si lui-même ne veut pas s'avouer ce qu'il ressent réellement pour toi, peu importe la nature de ses sentiments, c'est pas moi qui vais pouvoir le dire à sa place. J'ai pas envie que vous cassiez, avoue-t-il, vous êtes vraiment mignons tous les deux. Mais, si ne pas savoir ce qu'il ressent pour toi te met dans un tel état, c'est peut-être mieux que vous parliez, ou que vous vous sépariez. Vous allez souffrir inutilement tous les deux si vous continuez comme ça, et j'veux pas que ça se passe comme ça. J'veux pas que vous empruntiez le même chemin que j'ai pu emprunter avec mon ex.

IdioteWhere stories live. Discover now