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Après une demi-heure de métro, nous arrivons dans le onzième arrondissement, Place de la Bastille. Mathieu commence à marcher un peu vite. En temps normal j'arrive à le suivre, mais aujourd'hui précisément, mon genou a décidé de ne pas coopérer. Alors que j'essaie d'aller à la même allure que Mathieu, j'entends mon genou claquer, et une violente douleur me prendre. Je grimace, et m'arrête net.

— Mathieu, j'arrive pas à suivre !

— Allez, on y est presque.

— Non, je peux plus là ! Tu vas trop vite, et mon genou vient de claquer assez violemment. Soit un ralentit la cadence, soit je reste là.

Il soupire, et se poste devant moi, dos à moi.

— Monte.

— Quoi ? Non, pas besoin ! J'aimerai juste que tu ralentisses un peu, c'est tout.

— Il nous reste moins de cinq minutes pour arriver là ou j'veux t'emmener, et on peut y être en moins d'cinq minutes en speedant. Alors t'as pas le choix : soit j'te porte, soit tu restes là.

— Mais j'vais te tuer le dos..

— Meuf, t'es comme as, me dit-il en me montrant son petit doigt. Alors grimpe, et dépêche.

Je soupire et obtempère, montant sur son dos. Ses mains passent en dessous de mes cuisses pour me maintenir, et je passe mes bras autour de ses épaules. Il reprends au pas de course, et nous arrivons en bas d'un bâtiment. Il sonne, et ouvre la porte lorsqu'un déclic retentit. Sachant qu'il faut monter des escaliers, il me garde sur son dos jusqu'à ce qu'on arrive devant une grande porte.

— Allez princesse, descends de ton carrosse, on est arrivés.

Je descends, faisant attention à ne pas prendre appui sur ma jambe droite, et je laisse Mathieu ouvrir la porte.

— Wesh les gars !

Je le suis, et ferme la porte derrière moi. Mathieu salue les personnes présentes (exclusivement des garçons, je dirais même des hommes), et se tourne vers moi.

— Les gars, voilà Louna, ma p'tite protégée.

— Salut, dis-je timidement en faisant un signe de main.

La plupart des hommes me répondent d'une même voix, et l'un d'entre eux me fait signe de venir m'asseoir à côté de lui. J'y vais en boîtant un peu, ayant peur que la douleur au genou ne soit pas passée, et m'installe sur le sofa à côté d'un brun aux cheveux qui ont l'air de défier la gravité.

— Mohamed enchanté, mais appelles-moi Moh, Sneazz, ou Sneazzy.

— Enchantée.

Tandis que Mathieu parle avec certains des gars, je me contente de triturer mes doigts. Je ne me sens pas trop à l'aise avec les gens que je ne connais pas, encore plus s'ils sont plus vieux que moi, et que je sens pas mal de regards braqués sur moi. Comme présentement. Au lycée, le regard des gens m'importent peu. Sentir leurs yeux posés sur mon corps ne me gênent pas, je sais pertinemment que c'est parce qu'ils ne m'apprécient pas. Or, à ce moment précis, je ne sais pas ce que pensent ces gens de moi, et je ne les connais pas. J'ai donc peur d'aller vers eux.

— J'vais aller chercher à graille, j'commence à avoir la dalle. Louna, c'est ça ? Tu veux venir avec moi ? J'pense que ça te fera du bien de ne pas être entourée de testostérone peu cultivée.

— Ta gueule mec, j'ai le bac et ai commencé une licence moi !

— Mais tu l'as pas fini Bigo, ricane celui qui m'a demandé de venir avec lui.

Je me lève, m'excusant auprès de Mathieu et Mohamed, et suis l'autre homme.

— Fais gaffe à toi Nana, et s'il t'emmerde dis-le moi quand vous revenez !

— Ok. À tout à l'heure.

Je vais pour sortir de la pièce, mais je sens une main se poser sur mon épaule.

— Et mon bisou wesh ? J'l'ai même pas eu ce matin !

— T'as eu des papouilles dans le dos, c'est pas mieux ?

— Ouais, mais je veux mon bisou.

Je lève les yeux au ciel devant l'immaturité dont fait preuve Mathieu, et lui embrasse la joue, près de la commissure des lèvres. Tout sourire, il rentre à nouveau dans la pièce, tandis que je suis le gars dont je ne connais pas le nom.

— Ah, j'suis con, je t'embarque avec moi mais j't'ai même pas dit mon nom. J'm'appelle Ken, mais tu dois p'têtre me connaître sous le nom de Nekfeu ?

— Nekfeu ? C'est quoi ça, une marque de chips épicées ?

Il éclate de rire, et je fronce les sourcils.

— Sérieux ? Tu connais pas ? Et si j'te dis l'Entourage ? 1995 ? le S-Crew ?

— Ok donc j'pense que c'est des groupes de musique, mais à partir de là je sèche. J'écoute pas vraiment de chansons françaises.

— T'inquiètes, on va t'y mettre. Du coup, Nekfeu c'est mon blase de scène. Donc tu peux m'appeler Nekfeu, Nek, le fennec, ou Ken, tout simple.

— Pourquoi je t'appellerai le fennec ? C'est un animal mignon mais puant.

— Les deux frères m'ont appelé comme ça quand je les ai connus, et c'est resté.

Il m'entraîne vers un kebab pas trop loin du bâtiment que nous avons quitté précédemment, et ils commandent pour tout le monde, puis il se tourne vers moi.

— Quelle sauce ?

— Euh.. Je sais pas, c'est quoi la meilleure ?

— Tout dépend de tes goûts, là-dessus on peut pas choisir à ta place.

— Euh bah euh.. Blanche, alors.

Au moment de payer, j'arrête Ken et sors mon portefeuilles.

— Tu vas pas payer wesh t'es dingue ?

— Il y a mon repas dedans, alors j'estime que je peux payer. Je vais pas me faire rincer par les amis de mon ami, c'est débile.

— C'est pas un grec qui va me tuer hein.

— Je m'en fiche, laisse moi payer.

Il grogne de mécontentement, et le chef ricane en encaissant.

— T'as du caractère gamine, manquait un peu de ça dans le groupe.

Je réponds par un léger sourire, et pars rejoindre Ken en attendant que les commandes soient prêtes.

IdioteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant