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J'ai failli faire une crise d'angoisse lorsque les flics ont embarqué Mathieu. Surtout qu'ils n'avaient strictement aucune raison de l'emmener au poste. À priori on lui aurait même déconseillé d'appeler un avocat ou un médecin, chose dont les interpellés ont le droit de faire s'ils le souhaitent. Lorsque Mathieu m'a expliqué tout ceci lorsque je suis allée le chercher, j'ai voulu rentrer dans le commissariat et taper un scandale. Mais il m'en a empêché, en disant que ce n'était pas la première fois, et certainement pas la dernière, que ça lui arrivait.

Quoiqu'il en soit, j'ai passé la semaine avec Iris, Adèle, Sally et Tina (enfin la femme de Théo, mais vous avez compris), Mathieu jonglant entre les visites à l'hôpital pour voir sa mère, le studio, les visites à sa grand-mère, et quelques sorties avec sa fratrie. Semaine chargée donc, mais ça n'est pas si grave.

La semaine d'après est assez spéciale. Elle signe le début de mes vacances, après avoir passé mes partiels. Je pense les avoir réussi, j'en suis même sûre.

D'ailleurs, puisque Sally et moi sommes en vacances, et que les filles avaient besoin de vacances, nous sommes parties.

À Miami.

On a pris des billets d'avion, loué une maison, fait nos valises, et sommes parties pour une semaine.

Iris a quand même pris sa fille avec nous, ne pouvant se résigner à s'en éloigner, et Ken n'étant pas à Paris pour le moment, mais à Tokyo. Il a besoin de s'éloigner de Paris pour réussir à écrire son prochain album, qu'il nous a dit. En attendant, il a embarqué Diaby, Hugz aka un de mes nouveaux meilleurs amis, et le S-Croums les a rejoint. Qui dit S-Croums dit Doum's, donc Ismaël est avec nous, loin de la France et de son père.

Adèle est à bout, elle en a marre du comportement de Doum's, et Iris en a marre de Ken. C'est pourquoi nous sommes toutes assises autour de la table, cocktail à la main, regardant le soleil se coucher doucement tandis que les enfants dorment, en train de parler de nos compagnons.

— J'vous jure les filles j'ai envie de l'étriper. On n'est plus ensemble certes, on n'a plus aucun compte à se rendre mais au bout d'un moment faut qu'il pense qu'il a son gosse, qu'il est censé s'en occuper parce que je m'en occupe la majorité du temps et que, par conséquent, même si Isma je l'aime de tout mon coeur et que je crèverai pour lui, parfois j'aimerai bien partir en vacances sans avoir mon fils avec moi.

— C'est pareil avec Ken : il préfère se barrer à l'autre bout du monde pour écrire un album alors qu'il aurait très bien pu partir en Grèce, comme il fait tout le temps. Mais à priori ça ne lui a pas suffi pour trouver l'inspi nécessaire. C'est gonflant ça. Ok je comprends que ça soit une des coqueluches du rap français, que son public attend son retour avec impatience, et qu'il se sente obligé de pondre un projet. Mais il a une meuf et un gosse en bas âge, faut qu'il pense à concilier les trois sinon y'a forcément un truc qui va se casser la gueule, et ce truc, ça sera moi.

— Vous en avez parlé aux gars ? Enfin.. Adèle, en parler à Doum's, ça servira à rien. Il va te dire qu'il fait ce qu'il veut, et en gros t'as juste à fermer ta gueule. Mais convenez d'une garde alternée sinon, par exemple un mois chez l'un puis chez l'autre, ou la totalité des vacances scolaires, je sais pas trop, explique Tina.

— Quant à Ken, je sais pas quoi dire, expliqué-je. Je ne dis pas que je suis la plus proche de lui, mais je le connais assez pour savoir que lui-même doit galérer à tout concilier. Il a toujours réussi jusqu'à présent, parce qu'Aléona n'était pas encore là. Il avait juste Iris et le rap, c'était plus facile pour lui, il a toujours su gérer ça. Et avec l'arrivée d'Aléona, ça complique les choses. Je me doute que ni toi ni lui étiez prêts à avoir un enfant, mais pour lui c'est réellement arrivé comme un cheveu sur la soupe. En pleine panne d'inspi pour son troisième album son gosse fait son apparition. L'inspi n'est pas revenu, et c'est pas son voyage en Grèce qui l'a aidé. Il se passe quoi du coup ? Il veut voyager, aller quelque part où il n'est jamais allé, voire une ou deux fois seulement et encore, pour voir si le nouvel air peut l'aider à écrire. Et s'il n'y arrive pas, ou pas assez, il va remettre ça. Il a toujours vu que par le rap, à ce que je peux comprendre depuis le temps. Par le rap et toi, Iris, bien sûr. Mais je pense pas que Aléona était prévue dans ses plans, pour autant il fait au max.

— Tu prends sa défense, donc ?

— Pas du tout, nié-je. Prenez un exemple tout con : Mathieu et moi. Ouais on est encore jeunes, on vient à peine de rentrer dans la vingtaine, lui commence à se faire connaître et moi je suis en pleines études de droit avec un job à temps partiel. Supposons que du jour au lendemain on a un gosse. Vous croyez qu'il va réussir à gérer ? Non. Certes on en a parlé rapidement, mais pour autant il n'est pas prêt à en avoir un. Il est trop concentré sur le rap, il fume encore beaucoup trop, et j'imagine pas un enfant vivre là-dedans. Mathieu passe ses journées au studio, à écrire, enregistrer, modifier des trucs. Il rentre tard le soir, et se barre pratiquement dès qu'il est levé. Vous croyez qu'un gosse peut vivre avec un père pratiquement absent ? Clairement pas.

— Ouais, mais c'est pas pareil que nous, intervient Adèle.

— Je dis ça pour qu'Iris comprenne que Ken ne changera pas sa façon d'être, et d'écrire ses sons, juste parce qu'il a un enfant. Du moins, il ne le fera pas tant qu'il ne sera pas satisfait de ce qu'il livre à son public, ou qu'il se rende compte qu'elle lui glisse entre les doigts. Quant à Doum's et toi, lâche l'affaire. Il s'occupe d'Isma lorsqu'il l'a, on le constate tous, c'est un papa poule. Néanmoins, il tient trop à sa liberté pour arrêter de faire le con et prendre on considération que toi aussi t'as besoin de ta liberté, de ta tranquillité sans ton fils. Ou alors, faut vraiment que vous ayez une discussion sans vous crêpez le chignon.

— Ouais, quand les poules auront des dents, siffle Adèle.

Nous ricanons, et Sally embraie sur un autre sujet, jugeant que nous avons assez évoqué les enfants et le mode de vie des rappeurs que nous côtoyons.

IdioteWhere stories live. Discover now