Chapitre 7

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Je contemplai mon reflet dans le miroir. J'avais une peau parfaite, lisse et douce comme la soie dont j'étais vêtu. Mes lèvres étaient comme deux pétales de rose et mon regard, doux et mystérieux. Ma mère avait l'habitude de dire que j'étais le plus beau des princes de ce palais. Et elle n'était pas la seule. Malheureusement, si c'était vrai, il n'y avait pas grand monde pour être au courant. Cela tenait au fait que j'étais relégué dans la plus reculée des demeures qui composaient le palais royal.

Je replaçai le bandeau dont j'avais recouvert mon manggeon et d'où dépassait des mèches de cheveux d'un gris clair aux reflets d'opaline. Cette couleur improbable était ma fierté mais aussi la raison pour laquelle j'étais exilé si loin du centre du palais. Elle rendait trop ostensible ma relation avec le monde des esprits. Je ne l'avais pas choisie. J'étais né comme ça. Pourtant, indépendamment de ce fait, j'effrayais beaucoup de monde, comme si j'allais les maudire d'un simple regard. En vérité, mon seul pouvoir était de communiquer avec les esprits, comme un simple intermédiaire. Mais rien que cela faisait peur aux gens. Je ne pouvais les en blâmer. Frayer avec le monde des esprits pouvait s'avérer très dangereux, même lorsque l'esprit était bienveillant.

« Si les mortels savaient ce qu'ils voulaient et s'ils étaient véritablement prêts à payer le prix de leurs demandes, cela ne se passerait pas si mal. » objecta la voix de petite fille de la Piri, dans ma tête.

Il ne fallait pas se fier à ses intonations. La Piri avait beau parler avec une voix d'enfant, elle était probablement un être millénaire et c'était, quoi qu'il en soit, un esprit puissant. Elle avait été piégée et scellée dans l'instrument qui lui donnait maintenant son nom, un simple petit piri de bambou, par l'un de mes ancêtres. Le piri avait ensuite été transmis de générations en générations afin que le sortilège de sang qui retenait l'esprit captif ne perde pas de son efficacité. J'étais le dernier de cette lignée à en avoir hérité et à maintenir le sceau actif.

« Et le premier depuis des décennies à pouvoir m'entendre. » commenta la Piri. « Sais-tu seulement ce que cela fait d'être enfermé dans un espace si étroit pendant des siècles, sans avoir personne à qui parler ? ».

Je secouai la tête sans répondre. La plupart du temps, je l'ignorais. L'esprit avait l'habitude d'être tour à tout plaintif et provoquant, bien que maintenant, il ne me demandait plus de le libérer. Il avait compris que je n'en avais et n'en aurais jamais l'intention. Depuis que je connaissais la Piri, je pouvais dire qu'elle n'était pas un être qui voulait nuire. Mais elle faisait partie d'un autre monde et avait des raisonnements qui pouvaient s'avérer dangereux pour la fragilité des hommes qui peuplaient cette terre.

« Je n'ai pourtant jamais fait que donner ce qu'on me demandait. » me fit-elle remarquer, d'une voix boudeuse.

Là était le souci. Elle ne comprenait pas. Elle ne comprendrait jamais.

« Woo Young ! » cria une voix.

« Encore une visite de notre bien aimé roi. » rit la Piri.

« San. » accueillis je mon demi-frère.

Oui, il avait beau être roi et ne pas avoir la même mère que moi, nous nous étions toujours bien entendu. Il était d'ailleurs le seul à me rendre visite régulièrement. Contrairement à la majorité des personnes qui me fuyaient, lui cherchait plutôt ma compagnie et même mes prédictions, même s'il les trouvait trop obscures pour pouvoir en tirer des décisions concrètes. Je ne pouvais pas lui donner tort. Mes prédictions avaient la fâcheuse tendance de ne prendre sens qu'au moment décisif, quand elles n'avaient plus d'utilité.

« Qu'est ce qui t'amène si tôt ? » lui demandai je. « Tu ne devrais pas être en audience avec les ministres ? »

« Oh. Le premier ministre Choi a dit qu'ils n'avaient pas besoin de moi. Je t'ai déjà dit qu'il préférait que je me concentre sur la première tâche d'un roi : concevoir un héritier. » répondit-il avec un geste vague de la main.

Le souhait du roiWhere stories live. Discover now