Chapitre 74

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Cela faisait quelques heures que je m'usais les yeux sur différents livres tous plus inutiles les uns que les autres. L'érudit que j'avais mandaté m'avait apporté quelques ouvrages chamaniques supplémentaires dès l'aube et je n'avais pas attendu pour commencer mes recherches. Mais c'était peine perdue. Aucun ne faisait mention de voyage dans le temps. Je commençais à craindre que le fait n'ait jamais eu de précédent et si c'était le cas, ça voudrait dire que la solution n'était pas préexistante, si jamais elle existait. Les esprits avaient le don pour toujours trouver de nouveaux moyens de pourrir la vie des gens.

« Il est bien plus facile de blâmer l'esprit qui répond à une demande que celui qui a fait cette demande, apparemment. » ironisa la Piri.

C'était vrai. L'esprit qui avait amené Ri Ah à Joseon ne pouvait pas avoir agi sans son accord. Mais les esprits avaient leur manière bien à eux d'envisager les accords et, de toute évidence, Ri Ah n'avait pas eu conscience de l'accord qu'elle avait donné avant d'atterrir ici. Les esprits aimaient se jouer des hommes. Oui, pour eux, c'était un jeu.

Un jeu. Un jeu. Le mot eut une résonnance particulière dans mon esprit alors que la Piri continuait de ricaner. Un jeu. « Un esprit joue. »

Je me précipitai sur le petit carnet où j'avais l'habitude de noter mes prophéties. C'était la dernière en date. Celle qui concernait Ri Ah. J'avais juste griffonné les mots qui étaient sortis de ma bouche avant d'aller me reposer comme j'étais vidé de mon énergie par la prophétie. Depuis, je n'y avais pas réfléchi. Mais peut être que je serais susceptible de trouver des indices dans cette prédiction cryptique ?

« L'hibiscus meurt, un esprit joue. » lus je tout haut la première phrase.

Elle me fit grimacer. Comment j'avais pu seulement mettre cette prophétie dans un coin de mon esprit et l'oublier. Rien que la première phrase laissait présager de grosses difficultés. Le fait qu'un esprit joue n'était pas anodin, bien sûr. Et cela signifiait qu'un esprit avait agi sur le monde des hommes et en l'occurrence, puisqu'il s'agissait de la prophétie de l'étrangère, il était légitime de penser que la conséquence était la présence de Ri Ah à Joseon. Mais ce n'était pas la partie la plus inquiétante de cette phrase. Non. Le plus effrayant, c'était la première proposition. Parce que les prophéties n'avaient de raison d'être que si elles prédisaient des faits importants. Elle n'annonçait pas qu'une simple fleur allait faner, ça n'aurait eu aucun sens. En revanche, l'hibiscus était l'emblème de Joseon, la fleur qui y poussait le plus. L'hibiscus, c'était Joseon. Ou par extension, son roi. Encore mieux. Dans tous les cas, ça signifiait que le royaume était en danger. Mais quel danger ? Était-il lié à Ri Ah ou en était-elle la solution ? Les deux étaient possibles. Dans tous les cas, si ça surgissait dans sa prophétie, c'est qu'elle avait quelque chose à y voir, bien malgré elle. Danger ou alliée, telle était la question.

Je décidai de me pencher sur le reste de la prophétie, espérant y trouver des indices supplémentaires.

« Las, par trois fois fut scellé ton sort. » lus je.

Là, ça me laissait perplexe. Est-ce que l'esprit qui avait amené Ri Ah avait exaucé trois de ses demandes sans même qu'elle le sache ? Auquel cas il serait bien plus difficile de démêler tout ça. Ou alors, est ce qu'il y avait trois esprits différents ? Cela pourrait peut-être expliquer comment la puissance nécessaire à un tel voyage dans le temps avait pu être dépensée. Je ne voyais pas vraiment autre chose.

« J'aime te voir te perdre dans des conjectures vaines. » se moqua la Piri, visiblement amusé par mon cheminement de pensée.

Je fis de mon mieux pour l'ignorer. Si elle essayait de me dissuader de réfléchir, c'est qu'elle ne voulait pas que je trouve la solution. Elle s'amusait bien. Oui, elle aussi elle jouait. Par procuration puisqu'elle ne pouvait faire autrement, mais tout de même.

Le souhait du roiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant