Chapitre 79

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L'avantage qu'avait eu ma sortie et la fuite du prince Hong Joong, c'était que la garde du palais était en effervescence et que j'avais été sommée -comme à peu près tout le monde apparemment- de rester dans mes quartiers. Donc il n'y avait pas de risque que je sois dérangée du reste de l'après-midi. D'ailleurs, Geun Rye ne se trouvait pas non plus au pavillon du soleil et je supposai qu'elle devait être retenue quelque part en tant que témoin ou quelque chose du genre. Quant à Hong Sim, elle avait sa journée donc elle ne serait de retour que le lendemain matin. Ça me laissait seule avec Yeo Sang.

Cela lui aurait surement laissé tout le loisir de me faire la morale en long et en large mais, à la place, il avait préféré me tendre mon sabre d'entrainement et m'obliger à répéter des enchainements sous un œil sévère. C'était surement une sorte de punition mais je ne me plaignais pas parce que je préférais cent fois faire cet exercice en silence que de me payer un sermon de trois heures qui ne changerait absolument rien à la situation. Et puis, répéter les mêmes mouvements en continu ne me demandait pas beaucoup de concentration et j'avais tout le loisir de réfléchir, ce dont j'avais bien besoin.

La chamane -dont je ne connaissais toujours pas le nom, à la réflexion- m'avait fait pas mal de révélations. Et maintenant qu'elle avait évoqué le fait que je ne me trouvais pas dans le passé mais dans un monde complètement différent du mien, je me sentais bête de ne pas l'avoir remarqué. Depuis le début, quand quelque chose ne me semblait pas cohérent avec mes connaissances, j'avais mis ça sur le compte d'une inexactitude historique que j'avais apprise. Parce qu'il y avait plein de choses qu'on ne savait pas sur le passé. Leurs coupes de cheveux, par exemple ! Dès le début ça m'avait choquée. A l'époque Joseon, il ne fallait pas qu'un seul cheveu dépasse. En tout cas, dans le Joseon de mon monde. Ici, ils avaient tous une frange sur devant. Mais ça encore, ça pouvait rester plausible.

J'avais eu bien plus gros sous les yeux. Silla était encore un royaume indépendant ? Vraiment ? De ce qu'on savait de Joseon, c'était la Corée unifiée. Silla, c'était bien avant, quand il y avait encore trois royaumes en Corée. Avant Joseon, il y avait même eu la période Goryeo. L'erreur était très grosse. Imaginer qu'en réalité Silla avait pu survivre jusque-là était ne prêter aucun crédit aux historiens. J'avais été vraiment aveugle. Et en même temps, comment j'étais censée tirer des conclusions claires quand la situation m'échappait complètement ? J'avais eu d'autres choses à penser plutôt que m'attarder sur ça. J'avais déjà dû admettre que la magie et les esprits existaient. Maintenant je devais aussi assimiler l'existence de mondes parallèles et que le voyage entre ces mondes était possible. Ça faisait beaucoup.

Mais au moins, je pouvais tirer de tout ça une conclusion intéressante et utile pour moi. Je n'étais pas dans mon passé donc ce que je faisais ici ne risquait pas de détruire mon futur. S'il arrivait que je devienne reine avant de trouver une solution pour rentrer chez moi, ça n'aurait pas de conséquence chez moi. Ce n'était tout de même pas souhaitable, d'une part parce que le premier ministre Choi avait sans doute encore d'autres missions à me confier après celle-ci et que je n'osais pas imaginer quelles choses tordues il pouvait me demander, et d'autre part parce que j'avais pu voir aujourd'hui que le peuple n'avait pas l'air de m'accueillir à bras ouvert déjà en tant que femme d'un prince déchu. Devenir reine ne ferait que placer une cible encore plus grosse sur ma tête et je risquais déjà bien assez de mourir comme ça. Mais au moins, si ça arrivait, ça ne foutrait pas tout le cours du temps en l'air. C'était quand même une grosse inquiétude de moins.

En y réfléchissant un peu plus, cela voulait aussi dire que si je libérais la Piri, cela n'aurait pas non plus de conséquences pour mon futur. Et cette idée était très tentante. Parce que jusque-là, il n'y avait qu'elle qui connaissait et avait proposé une solution -sure qui plus était- à mon problème.

Le souhait du roiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant