Chapitre 39

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Après avoir longtemps pesé le pour et le contre, j'avais finalement décidé de ne pas me rendre au banquet, comme à mon habitude. Bien évidemment, j'avais accompli les rites de purification pour éviter toute interférence d'esprits mineurs. J'en avais déjà bien assez avec la Piri.

Malgré mon absence sur le lieu du banquet, j'entendais la musique et j'avais bien senti le moment où le chamane avait commencé son rituel. Ce n'était pas un très bon chamane. La plupart des esprits présents avaient du mal à intervenir pendant la cérémonie et quelques-uns avaient même plutôt trouvé le chemin jusqu'à moi avant de faire demi-tour, épouvantés par la présence écrasante de la Piri.

« De simple restes d'âmes mortelles. » cracha la Piri, avec mépris. « Je pourrais les anéantir même dans cet état. »

Evidemment. La Piri n'était pas un danger que pour le monde mortel. Elle faisait aussi régner la terreur parmi les esprits.

« Tu t'entêtes à penser que je suis un esprit mauvais mais tu es trop binaire, c'est le défaut des mortels. Je ne fais ni le bien, ni le mal et le plus souvent, je fais le bien selon ta conception. » m'expliqua-t-elle, doctement.

Mais ce n'était pas la première fois qu'elle me servait ce discours et, pour ma part, je pensais bien que si mes ancêtres avaient cru bon de la mettre hors d'état de nuire, c'est qu'elle était dangereuse. Et malgré le fait qu'elle essaie de me convaincre régulièrement de son bon fond, je gardais toujours cela à l'esprit. C'était sans doute parce que je devais être son gardien que j'étais né ainsi, avec une telle sensibilité au monde des esprits.

« Ta sensibilité n'est pas si infaillible. » ricana la Piri. « Sinon tu ne passerais pas autant de temps à réfléchir et hésiter sur des évènements qui te sont ouvertement positifs. »

Je ne savais pas à quoi elle faisait référence exactement. Je passais toujours beaucoup de temps à réfléchir, c'était un de mes défauts. Mais je n'essayai pas de lutter contre. Après tout, mon rôle n'était pas d'agir mais seulement de garder. Oui, je n'accomplissais pas beaucoup de choses mais je protégeais le monde d'un esprit puissant et destructeur et c'était déjà une bonne contribution à la vie.

« Pff... Tu es tellement ennuyeux. » souffla la Piri. « Mais continues de ne pas t'impliquer, les choses n'en seront que plus intéressantes. »

A cette dernière phrase, je pus sentir un amusement sans bornes. Là, elle n'était pas juste en train de me provoquer. Elle faisait référence à quelque chose de réel mais je ne savais pas quoi. Et vu ce qu'elle me disait, c'était quelque chose sur laquelle je ferais mieux d'intervenir mais quoi ? Et comment ?

« Ah, enfin, tu t'intéresses un peu à ce que je dis... » siffla la Piri. « Oh allez, je suis de bonne humeur, je vais te donner un indice. » chantonna-t-elle.

Je sentais le piège.

« Tu sens toujours un piège. » ricana-t-elle. « Mais le monde entier n'essaie pas de te pousser à l'erreur. Tu veux quand même mon indice ? »

Elle me le donnerait que je le veuille ou non...

« Bien vu ! » rigola-t-elle, dans une explosion de joie qui ne me disait rien qui vaille. « Attention, écoute bien ce que je vais dire parce que je ne le dirais qu'une seule fois. » me prévint elle.

J'étais attentif. C'était toujours intéressant d'écouter ce qu'un esprit avait à dire, même s'il essayait de nous induire en erreur. Peut-être que je pourrais quand même en tirer quelque chose. Je l'entendis ricaner dans ma tête avant de commencer à chantonner une sorte de comptine pour enfants, au rythme de la musique qui provenait du banquet.

Le souhait du roiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant