Chapitre 72

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Point de vue Lucile :

Le fameux jour du mariage était, enfin, venu. Le village s'était transformé en une jolie carte postale. Des fleurs avaient été disposées un peu partout dans le bourg. Les futurs mariés avaient de la chance, c'était une belle saison pour s'unir. Les bourgeons avaient éclos, les températures étaient agréables, assez chaudes mais pas étouffantes. La journée s'annonçait très belle. Les femmes couturières s'étaient fait plaisir en créant de toutes pièces un joli ensemble de blanc avec tantôt de la dentelle, tantôt du satin. Tout le monde avait mis la main à la pâte, en donnant le moindre petit bout de ces tissus qui se faisaient bien rares en cette période.

Depuis une petite semaine, tout le monde ne parlait que de la cérémonie prochaine, à en croire que c'était l'événement de l'année. Peut était-ce le cas après tout ? Pratiquement tous les hommes étaient partis. Le fils du boulanger avait une certaine chance d'avoir un souffle au cœur. Il avait donc été décrété inapte à combattre. D'ailleurs, cela ne lui avait pas déplu. En même temps, aujourd'hui, on était presque sûr de se livrer au démon quand on y allait. La plupart des hommes du village était morts, rares étaient ceux qui demeureraient encore en vie. Enfin, aujourd'hui était un jour de fête, alors il n'était pas question de raviver des mauvais souvenirs ou le passé.

— Lucile ? Lucile ? Mais qu'est-ce qu'elle fiche encore, bougonna Juliette.

— Je suis là, je n'ai pas bougé depuis la dernière fois.

— C'est bien ça ce que je te reproche. La cérémonie commence cet après-midi à 16 heures. Ça nous laisse un peu de temps pour faire ce qu'on a à faire, me mit-elle en garde.

— Tu joues aux devinettes ? Pourquoi ne dis-tu pas clairement ce que nous avons à faire ? demandai-je sur le ton de la plaisanterie

— Oh madame a la mémoire courte à ce que je vois. Antoine part ce matin après la visite du médecin. Tu dois aller le voir pour le saluer et faire ton rapport au médecin sur tous ces mois où tu l'as veillé, m'annonça-t-elle comme si j'étais simple d'esprit.

— Oui je sais, tu me l'as répétée trois fois hier soir pour que je ne l'oublie pas.

— Alors pourquoi m'as-tu demandé de te le redire ? s'énerva-t-elle.

— Pourquoi es tu de si mauvaise humeur ? On dirait qu'on a tué de ton chat, plaisantai-je, ce que je regrettai rapidement après avoir vu son regard.

— Je m'énerve parce que rien n'avance dans cette maison, et si je ne secoue pas chacun de ses membres, on ne partira que lorsque les humains auront été décimés de cette terre. Maryse, puis-je savoir pourquoi tes dessous sont sur la poignée de la porte arrière ? Je ne crois pas que ce soit leur place. hurla-t-elle.

Lorsqu'elle était dans cet état-là, je préférais déguerpir avant de n'être sa prochaine victime. Juliette était du genre très calme mais à des moments, elle pouvait être une vraie bombe à retardement. Quand elle se transformait en marâtre, elle faisait taire le plus récalcitrant. Bien sûr, pour éviter de voir s'abattre la foudre sur soi, on se tenait tous à la baguette. J'en profitai donc pour aller à l'hôpital. D'ailleurs, tout le monde devait m'y attendre. Je marchai au pas de course, histoire de ne pas perdre encore plus de temps inutilement. Comme je m'y attendais, les membres du personnel soignants m'attendaient avec leur visage aussi joyeux qu'un cimetière, au moins il y avait la réputation d'être compétents dans leurs domaines. On ne pouvait pas leur reprocher ça. Le docteur Maunier avait rendu son verdict, Antoine était apte à sortir, il était guéri, enfin, de ce pourquoi il avait été transféré ici. Après une brève réunion, entre le médecin et moi, le dossier d'Antoine était refermé. Il partait, et ce le plus vite possible pour laisser la place à un autre souffrant.

Arrivée à son lit, il était déjà en train de préparer son sac. Ses gestes étaient rapides et peu soigneux. Il avait hâte de quitter l'hôpital, qui pouvait lui en vouloir ?

SUITE ALLEMANDEWhere stories live. Discover now