Chapitre 19

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Je restais là abasourdie par ses propos, ne pouvant plus parler. Plusieurs voiles passèrent
devant mes yeux. J'essayais de me construire le schéma que Jean m'avait décrit.

Madeleine, seule, gérant la ferme et ses enfants en bas-âge. Le plus petit ne devait même pas avoir 3 ans. Et elle s'était faite violée par un...un...un allemand.

— Je dois y aller. Je dois aller voir Madeleine, la rejoindre.


En préparant mes affaires, Jean m'expliqua comment la nouvelle lui était parvenue.
Benoit avait reçu une lettre d'un villageois, sans doute, car elle était anonyme, expliquant
les malheurs de Madeleine. Benoit s'est quant à lui complément transformé pendant la
lecture de celle-ci. En même temps comment garder son sang-froid quand on apprend
que la personne qu'on aime s'est faite agresser ?

Je m'apprêtais à partir quand Juliette ouvrit la porte à la volée.


— Mon dieu Lucile, je viens d'apprendre la nouvelle, c'est horrible. Comment va Benoit ?
Suis-je bête. Tu ne dois pas le savoir vu qu'il est terré dans sa chambre bien sûr. Je ne
sais commen....

— Comment as-tu appris la nouvelle ? Je ne le savais pas moi-même il y a une demie-heure ?

— Ce sont les gens du village qui me l'ont dit. Tu sais ce genre de chose se sait vite.
Ce sont même eux qui m'ont dit que Benoit s'était enfermé dans la grange et que
personne n'avait pu lui parler depuis.

— Il faut que je parte voir Madeleine, c'était une de mes plus proches amies. Puis-je
compter sur toi pour me remplacer dans mes tâches ? Je te revaudrai ça promis. Je
dois prendre le dernier train pour Bussy.


J'embrassai rapidement Juliette et partis. Je me dirigeai vers la gare quand l'image de
Benoit me traversa l'esprit. Je devais aller le voir avant de partir. Je rebroussai chemin
vers la ferme de Jean.

J'approchai doucement de la grange et frappai trois coups, sans réponse.


— Benoit c'est moi, Lucile. Je sais que tu es là, il y a de la lumière sous la porte. Ouvre
moi, s'il-te-plaît.


Rien.


— Je suis venue vous dire que je pars pour Bussy, pour voi...


Je n'eu pas le temps de finir ma phrase que la porte s'ouvrit et Benoit passa sa tête par
l'entrebâillement de celle-ci.

Son visage était cerné et ses yeux remplis de larmes. Je ne l'avais jamais vu ainsi. A
chaque entrevue, il affichait un air renfermé et froid. Jamais il ne laissait voir une once de
sentiment, et ce pendant des années. Je pensais même qu'il en était dépourvu.

Il m'invita à entrer et s'assit sur le bord du lit. Son dos était voûté, sa tête rentrée dans
ses épaules. Il avait l'air... faible. Je savais que Madeleine
éprouvait des sentiments forts et puissants envers Benoit mais je ne pensais pas que
c'était aussi réciproque.

Madeleine m'avait raconté que c'était comme pour moi, un mariage arrangé. Son père,
un agriculteur émérite, avait choisi Benoit car il savait que celui-ci avait lui-même une ferme. Il se disait qu'elle ne manquerait de rien au niveau nourriture. Ils élèveraient des
bêtes, et se nourriraient de cette façon, histoire d'être indépendants de la ville.
Contrairement à moi, Madeleine avait eu la chance de developper de réels sentiments
pour son mari et inversement. Cependant, je ne me plaignais pas. J'avais bien l'intention
de me détacher de ce poids qu'était le mariage.


— Je ne peux pas rester longtemps, je prends le dernier train. Je vais voir Madeleine.

— Dis lui que malgré la distance je pense à elle et que je reviendrai le plus vite possible.


Je lui pris la main et la serrai avec compassion.
Je pris mes sac et pris pour direction de la gare. Une fois installée dans le wagon, mon
esprit divagua vers Bussy. Mon village, là où j'avais grandi, où j'avais vécu tellement de
choses, heureuses comme malheureuses.
Je pensais à ma belle-mère. Quelle allait être sa réaction si je la voyais ? Allait-elle me
sauter dessus ? Ou simplement m'ignorer ? Tant de questions traversaient dans mon
esprit autant par rapport à ma belle-mère qu'à Madeleine. Dans quel état allais-je la
retrouver ?

Le voyage se fit sans encombre particulière, bien sûr, plusieurs contrôles allemands furent
effectués puisque nous entrions en zone occupée.

Après d'interminables heures de voyage, je fus enfin arrivée à bon port. Bien sûr
personne n'était au courant de ma venue, de ce fait, personne n'était présent. Je fis donc
le chemin à pied vers la ferme de Madeleine. La nuit tomba vite et rapidement je me trouvais dans le noir le plus complet.

SUITE ALLEMANDEWhere stories live. Discover now