Chapitre 81

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Mon plan tombait à l'eau alors que je venais juste d'arriver dans son bureau. Ma position se retrouvait de plus en plus inconfortable. On pouvait dire que j'étais bien coincée. Je n'avais donc plus qu'une carte à jouer, la franchise, essayer de le dissuader d'assassiner Benoît et de le laisser s'en aller sans difficulté. C'était loin d'être gagné d'avance, bien au contraire. Je n'avais plus qu'une seule carte à jouer, celle de la sensibilité. Après une grande respiration, quelque peu théâtrale, je sortis mes plus belles larmes et avouai les réelles raisons de ma venue. Il m'avait écouté avec une attention toute particulière et n'avait pas bronché lorsque je lui avais parlé de la vie que je menais dans ce petit village en zone libre.

— Votre histoire est, certes, très touchante, mais, elle ne peut, en aucun cas, expliquer l'acte de votre ami. Je regrette, je ne peux le faire sortir ! s'exclama-t-il.

— S'il vous plaît, sa fille sera pratiquement seule s'il meure. Ce n'est qu'une enfant. Elle ne mérite pas ça, l'implorai-je

Croyant avoir perdu la partie, je vis ses yeux briller. Sa position de mâle dominant tomba pour laisser apercevoir un homme plus humain, avec des sentiments. J'avais enfin trouvé une faille et je continuai à bien remuer le couteau dans la plaie pour arriver à mes fins. Chaque homme avait une faille, il fallait juste savoir où chercher. Pour cet allemand, je le baratinai sur Maryse, lui parlant de ses dons, de son caractère en or, de sa bonté, de sa pureté enfantine qui régalait tout le village, et surtout de la complicité qu'elle entretenait avec son père. Soudain, sans je ne le présage, il sortit une photo un peu écorchée de son bureau et la fixa comme si c'était son dernier souvenir. Il me la tendit sans dire un mot.

Une petite fille était au centre de l'image. Elle avait une bouille à faire fondre n'importe qui.

— C'est votre fille ? demandai-je.

— Oui, elle avait 4 ans sur cette photo, répondit-il le visage tordu par la douleur.

— Où est-elle ?

— Elle a été emporté par un effondrement d'immeuble avec ma femme et mon fils. Ils sont morts, il y a trois mois, sous les bombardements d'un avion anglais, se livra-t-il.

— Je suis désolée.

Un silence s'installa entre nous, lui repensant à sa défunte famille et moi en train de penser à d'autres arguments pour libérer Benoît.

— Je ne peux pas.

— Pardon ?

— Je ne peux pas vous aider. Tout le monde sait ici que votre ami est un résistant. Je ne pourrai pas justifier sa libération, à part si je fais en sorte de convaincre Benoît de jouer double jeu. C'est-à-dire de nous livrer des informations sur le réseau de résistance français. Mais un jour où l'autre, mes soldats remarqueront qu'aucun renseignement ne sera donné et ils n'accepteront pas. Il n'y a pas de solution, je regrette, s'excusa-t-il.

— Si, il y en a une qui nécessite votre aide, proposai-je.

— Je vous écoute.

— On peut toujours faire croire qu'il s'est échappé. Cette nuit, pendant que les gardiens se seront endormi, vous m'aidez en le faisant sortir et on s'en ira sans revenir.

Il prit un temps considérable pour réfléchir et après quelques instants, il se leva et me tendit une poignée de main. L'affaire était conclue. Benoît sera libéré cette nuit. Je retournai dans la voiture où m'attendaient les autres résistants.

— Alors ? Vous avez été bien longue. On commençait à s'inquiéter, m'informa Sébastien.

— Par chance, je suis tombée sur un homme qui a presque tout perdu. Il a été ému par le sort de Maryse.

— Donc ? demanda précipitamment Jean.

— Il sera libéré ce soir par le commandant.

À cette nouvelle, ils sautèrent tous de joie, malgré le petit habitacle de la voiture. La bonne humeur était enfin revenue, même si Benoît n'était pas encore présent, ce n'était plus qu'une question d'heure.

***

Ça y est, l'heure était enfin arrivée, minuit était enfin passé. Mon rendez-vous avec le commandant se rapprochait de plus en plus. On devait se retrouver dans la ruelle à droite du bâtiment. Normalement, tout était fait pour que la traversée se fasse bien, mais, on avait appris avec le temps, qu'il valait mieux se préparer à tout débordement ou imprévu. En outre, selon notre plan, au commandant et à moi, je devais le retrouver dans cette ruelle et me faire la plus discrète possible. Il devrait me permettre de m'infiltrer dans une des ailes de l'immeuble. Lui, de son côté, entrerait dans les sous-sols pour récupérer Benoît, s'assurant par avance que les gardiens soient dans un sommeil profond causé par des somnifères fournis dans une bouteille de bière. En soi, tout devait bien se passer. Je me rendis donc vers le point de rendez-vous avec toujours cette boule de stress dans l'estomac. J'allais vraiment faire échapper quelqu'un d'une prison. Je n'aurais jamais pensé être capable avant ce soir-là Ça prouvait que pour n'importe quelle personne, on est prêt à soulever des montagnes. Je lançai un regard dans la voiture où se trouvait toujours les résistants. Ils devaient m'attendre et, une fois Benoît visible, ils devaient le récupérer le plus rapidement possible pour repartir.

— Je suis là, on peut y aller, m'informa le commandant pressé.

D'un coup de tête, je le suivis à grandes enjambées. L'une des dernières parties allaient commencer. On était qu'un à cheveu du but.

— Je vous préviens, j'ai réussi à convaincre certains de mes hommes à boire, donc soit ils sont en train de délirer, soit ils sont encore bien réveillés. Je ne veux pas être mêlé à vos histoires, si vous vous faites prendre, je ne vous aiderai pas. Au contraire, je devrai vous faire arrêter, m'éclaira-t-il d'un ton brusque.

SUITE ALLEMANDEWhere stories live. Discover now